Site icon Le Matin d'Algérie

Rendre l’espoir à la jeunesse algérienne

Un griot africain répond un jour à un sage qui l’interroge sur le sens de la vérité: « Il y a, lui dit-il avec humour, ma vérité, ta vérité, leur vérité et la Vérité ». Autrement dit, il y a quatre vérités et seulement la Vérité avec majuscule doit l’emporter sur les autres à la fin.

De tout temps, je me suis efforcé personnellement de suivre ce principe selon lequel personne ne détient la Vérité éternelle et que chacun a le plein droit d’exprimer son avis ou sa « vérité », dans le respect de celle des autres.

Si on commence à se dire qu’on est dans la vérité et les autres dans le faux ou le mensonge, sans apporter la preuve de ce qu’on avance, on tue d’office l’esprit du dialogue et de toute communication saine.

Laisser les autres prendre la parole pour exprimer leurs ressentis, leurs opinions, leurs avis, leurs vérités est plus qu’un devoir, c’est une obligation morale. Le diktat ou l’arbitraire des jugements de valeur n’est autrement que le catalyseur des frustrations, des haines et des exclusions de toutes sortes, à l’origine des troubles et de l’instabilité chronique des nations.

Une société où l’on muselle les voix discordantes, censure les avis contradictoires, réduit au silence les porteurs des idées iconoclastes, embastille des opposants, méprise les journalistes, marginalise les poètes et les écrivains, clochardise les artistes, écrase la jeunesse, ne peut qu’être un étouffoir des libertés où aucune vie sereine n’est possible.

Elle serait une société mouroir des espérances, morgue des rêves, cimetière à ciel ouvert de tout ce qui fait la vie.

Le phénomène des harraga ne saurait être compris que comme un exode collectif de jeunes en perte d’ancrage affectif à leur patrie. Un ancrage rendu difficile, sinon complexe par l’aversion que leur inspire l’indifférence des élites à leur égard.

La société est à bout de souffle parce qu’elle ne voit pas le bout du tunnel, ou au moins une étincelle qui lui fera comprendre que la délivrance est proche. La machinerie affective liant le haut au bas de la pyramide est en grippe, car les ressorts de la citoyenneté authentique sont rouillés, faute d’entretien au long cours. « Je vois, me dit amèrement un vieux instruit au Café littéraire d’Aokas, du noir partout. J’ai beau espérer le changement, mes rêves tombent chaque fois à l’eau. »

Il faut redonner espoir à notre jeunesse, il faut lui ouvrir les portes de responsabilité, les portes pour l’emploi, les portes pour l’évasion artistique et culturelle, les portes pour le rêve. C’est la seule garantie pour une sortie rapide de ce long tunnel.

Kamal Guerroua
Quitter la version mobile