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Réponse à Ali Mabroukine : « Si la population manifeste, c’est qu’elle est manipulée »

DEBAT

Réponse à Ali Mabroukine : « Si la population manifeste, c’est qu’elle est manipulée »

Ali Mabroukine vient de répondre à mon article intitulé « Ce qu’il faut négocier avec l’EM » dans le journal électronique Le Matin d’Algérie et non dans les quotidiens privés et publics. La raison est qu’il ne veut pas que le lecteur de ces médias ait connaissance du texte auquel il a répondu.

Pour Ali Mabroukine : 

– Il ne faut pas dire que l’EM est un protagoniste de la crise qui opposerait le mouvement populaire au président intérimaire. C’est avec lui qu’il faut dialoguer, parce que, comme Bouteflika, il a tous les pouvoirs que lui confère la constitution. Le commandement militaire n’est pas la source du pouvoir et il ne détient pas la souveraineté à la place des électeurs. Ali Mabroukine ne voit pas que la crise trouve son origine dans le contrôle des institutions par le commandement militaire. Ne pas voir l’origine de la crise ne peut pas aider à la sortie de la crise. 

– Le slogan yetnahaw ga3 est perçu par A. Mebroukine comme irréaliste et qu’il serait inspiré par des gens mal intentionnés (la bande, al ‘issaba) qui manipulent le hirak. Si la population manifeste, c’est qu’elle est manipulée. Il faut rappeler que la France coloniale disait que Ben Bella, Boudiaf, Aït Ahmed… étaient manipulés par Nasser qui serait à l’origine de Novembre 1954. Le peuple n’est pas un acteur politique autonome ; c’est une masse de gens, ghachis manipulables « par les ennemis de la nation ». 

– La transition de 1989 aurait échoué parce que la constitution contenait plusieurs défauts. Une nouvelle constitution va être commandée à des juristes professionnels et la question sera réglée. Je crois que Ali Mabroukine est un juriste. Il va régler le problème. 

– Le transfert de la gendarmerie vers l’autorité du ministère de l’Intérieur est un schéma français, et tout ce que fait la France ne nous convient pas. Ali Mabroukine ne veut pas que l’EM partage le monopole de la violence légale avec d’autres institutions. Dans l’Etat de droit, le monopole de la violence appartient à l’Etat mais il est exercé par différentes institutions (armée, gendarmerie, police, douanes…) avec l’idée que le pouvoir arrête le pouvoir. En Algérie, il est exercé par l’armée et par des institutions contrôlées par l’armée. 

– Ali Mabroukine estime que la mise à la retraite des officiers supérieurs âgés de plus de 65 ans est un faux problème. Il ne voit pas que le maintien en activité d’officiers de 70 ans et plus est une violation des textes réglementaires qui régissent le personnel de l’armée. Sur cette question, un internaute m’a fait remarquer que : « Les limites d’âge applicables aux militaires de carrière sont arrêtées à 64 ans pour le général de corps d’armée, 60 ans pour le général major et 56 ans pour le général (Art. 20 de l’ordonnance n° 06-02 du 28 février 2006 portant statut général des personnels militaires, complétée par loi n° 16-06 du 3 août 2016) ». En quoi demander le respect des textes réglementaires est irréaliste ?

– Ali Mabroukine refuse l’idée d’autoriser les policiers d’avoir un syndicat. Pourtant c’est une façon de préserver le caractère républicain de la police nationale et de l’empêcher d’être au service du régime ou d’intérêts privés comme c’est le cas depuis 1962.

– Il considère aussi qu’il n’y a pas de police politique et que le drs a été dissout. Il a été remplacé par un autre service par le décret du 23 juin 2019. Ce service est chargé selon Ali Mabroukine « de lutter contre les infractions d’atteinte à la sûreté de l’Etat ». En l’absence d’une justice indépendante, cette phrase sert de base juridique à la répression des libertés publiques, notamment la liberté d’expression. C’est en référence à cet article dudit décret que Lakhdar Bouregaa et de nombreux jeunes ont été arrêtés. La police politique existe encore, mais Ali Mabroukine n’a pas vu qu’elle a juste changé de chef.

– Ali Mabroukine considère que l’Algérie a souffert de l’incompétence du personnel politique et que le commandement militaire va désigner un autre personnel qui sera moins corrompu et moins incompétent. Le prochain ministre de l’Enseignement Supérieur sera peut-être un certain Ali Mabroukine.

– La fin de l’article est édifiante. Je ne sais pas si Ali Mabroukine traduit une idée de l’EM ou s’il a fait un effort personnel d’interprétation. Il considère que les Algériens souffrent d’une pathologie grave qui requiert un traitement lourd. Va-t-on vers l’ouverture de milliers d’hôpitaux psychiatriques pour régler la crise politique ?

En conclusion, ce que nous dit Ali Mabroukine est que l’EM n’est pas encore prêt pour négocier la transition démocratique vers un autre régime voulu par le mouvement populaire. Il faudra alors attendre quelques Vendredis supplémentaires pour faire changer le rapport de force à l’intérieur de l’EM.

Auteur
Lahouari Addi

 




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