L’écrivain franco-algérien Boualem Sansal a été condamné, jeudi 27 mars, à cinq ans de prison ferme par un tribunal algérien, rapporte l’AFP. Ce verdict, prononcé par le tribunal correctionnel de Dar El Beida, près d’Alger, s’inscrit dans un climat politique marqué par une répression accrue des voix dissidentes. En effet, près de 240 détenus d’opinion croupissent actuellement dans les prisons algériennes, selon les organisations de défense des droits humains.
« La justice a failli »
Détenu depuis le 16 novembre 2024, Boualem Sansal, âgé de 80 ans, était poursuivi pour « atteinte à l’intégrité du territoire algérien », une accusation reposant sur ses déclarations dans un média français d’extrême droite. Il y avait évoqué la thèse marocaine selon laquelle le territoire du Maroc aurait été amputé au profit de l’Algérie sous la colonisation française.
Le parquet avait requis dix ans de prison ferme, mais le tribunal a finalement retenu une peine de cinq ans ainsi qu’une amende de 500 000 dinars algériens.
Me François Zimeray, son avocat français, a immédiatement exhorté le chef de l’Etat algérien Abdelmadjid Tebboune à faire preuve d’ »humanité », espérant une éventuelle grâce présidentielle, une pratique courante en Algérie à l’occasion de l’Aïd.
«Une détention cruelle, vingt minutes d’audience, une défense inexistante, et au final, cinq ans de prison pour un écrivain innocent : une sentence qui trahit le sens même du mot justice», a immédiatement réagi son avocat François Zimeray. «Son âge et son état de santé rendent chaque jour d’incarcération plus inhumain encore. J’en appelle au président algérien : la justice a failli, qu’au moins l’humanité prévale», a-t-il ajouté.
Tout porte à croire que eu égard aux derniers développements, Boualem Sansal sera gracié prochainement. Ce procès organisé à la va vite constitue une porte de sortie pour le pouvoir qui, sans doute, ne s’attendait pas à une telle levée de boucliers depuis l’arrestation de cet écrivain.
Renvoi de procès pour les activistes, pour la plupart maintenus en détention provisoire pendant un ou deux ans et rapidité du traitement du cas Sansal. Le traitement en dit long sur l’impasse auquelle a mené l’affaire Sansal Abdelmadjid Tebboune et ses soutiens.
Une crise diplomatique avec Paris
L’arrestation de Boualem Sansal en novembre avait aggravé les tensions entre l’Algérie et la France. S’en est suivie une série de déclarations de part et d’autres particulièrement virulentes.
Cette détérioration des relations bilatérales avait été provoquée, en premier, par le soutien d’Emmanuel Macron au plan d’autonomie marocain pour le Sahara occidental, une région disputée entre le Maroc et les indépendantistes sahraouis du Front Polisario, soutenus par Alger. En réaction, l’Algérie avait rappelé son ambassadeur en France et menacé de mesures de rétorsion.
Une répression persistante des libertés en Algérie
Le cas de Boualem Sansal s’inscrit dans un contexte de répression généralisée contre les journalistes, militants et intellectuels critiques du pouvoir algérien. Malgré la fin du mouvement Hirak, les autorités poursuivent leur politique de criminalisation de l’opposition, de l’action politique, voire même de la liberté de la presse, avec des accusations souvent vagues telles que « diffusion de fausses informations », « atteinte à l’unité nationale » ou « intelligence avec l’étranger ».
Plusieurs organisations internationales, dont Riposte Internationale, Amnesty International et Human Rights Watch, dénoncent cette répression qui maintient des centaines de personnes derrière les barreaux pour leurs opinions. À l’approche de l’élection présidentielle de 2024 en Algérie, cette condamnation vient rappeler la fragilité des libertés fondamentales dans le pays.
La rédaction/AFP.