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Responsabilité et liberté : piliers indissociables d’une société harmonieuse

Hirak

Crédit souvenir : en hommage à Zineddine Zebar qui avait confié gratuitement les crédits de nombre de ses photos au Matin d'Algérie.

La responsabilité individuelle (envers la collectivité nationale) est le corollaire indissociable de la liberté, en étant même son pendant naturel.

En effet, pour être véritablement responsable, le citoyen doit pouvoir avant tout disposer d’un éventail de choix qui lui permet d’exercer son libre arbitre, tout en ayant acquis la culture qui l’éclairera dans son jugement.

Or, l’accès à cette culture et à cette pluralité de choix et d’opinions ne peuvent exister sans la liberté, condition sine qua non de l’autonomie individuelle. Ainsi, la responsabilité n’a véritablement de sens que si elle repose sur le libre arbitre, lequel suppose un affranchissement du déterminisme politique et du conditionnement idéologique qui pèsent sur la conscience des individus.

Synonymes de diversité et donc de richesse, la liberté de conscience, de pensée et d’expression jouent un rôle fondamental dans ce processus d’émancipation individuelle.  Privé de la liberté, la responsabilité se réduit alors à une simple obéissance mécanique, dépourvue de sens et de portée éthique.

Il apparaît dès lors avec évidence que la responsabilité individuelle est foncièrement incompatible avec toute forme d’autoritarisme ou de totalitarisme. Là où ces régimes d’un autre temps sévissent, c’est-à-dire là où l’individu est privé de libertés fondamentales et où chaque aspect de son existence est soumis à l’emprise d’un pouvoir centralisé et coercitif, la notion même de responsabilité s’évanouit.

Enfermé dans l’obscurantisme, privé de toute latitude décisionnelle ou simplement ignoré dans ses choix, l’individu se voit réduit à un état de servitude, empêché d’agir en acteur du destin collectif pour n’être plus qu’un rouage d’un système uniformisé et sans âme.

Dans un tel contexte, la responsabilité devient une fiction, car elle ne peut s’épanouir que dans un espace où l’autonomie et la réflexion critique sont possibles.

Ces régimes autoritaires sont paradoxalement frappés d’une incohérence manifeste, à même de vous laisser perplexe. En effet, il n’est pas rare que des dirigeants ayant fait le choix du totalitarisme exhortent leurs administrés qu’ils ont eux-mêmes asservis à faire preuve de responsabilité. Cette injonction contradictoire survient le plus souvent lorsque le domaine concerné échappe largement à leur emprise ou qu’ils ne peuvent instaurer un contrôle étroit.

Ainsi, on reproche par exemple à des citoyens de refuser d’assumer leur responsabilité citoyenne en refusant de cautionner des simulacres de scrutins, de manquer de civisme, de faire preuve de désinvolture face leur environnement, d’indiscipline sur la route, sans pour autant leur n’accorder ni leur garantir les conditions nécessaires à l’exercice de leur liberté.

Cette situation met en lumière un paradoxe structurel dans la relation entre gouvernants et gouvernés : comment oser exiger une conduite responsable lorsque les moyens d’agir en conscience sont drastiquement entravés dans le but de d’accaparer le pouvoir indument, sans légitimité populaire ? Cette dissonance entre les attentes et la réalité tend à concevoir la responsabilité comme un fardeau, plutôt que comme un engagement librement consenti.

L’absence de libertés, synonyme d’enfermement politique et d’embrigadement idéologique, transforme radicalement le rapport entre le pouvoir et ceux qui lui sont assujettis. En démocratie, le citoyen est à la fois libre et responsable : il inspire confiance aux dirigeants, car il est en mesure d’exercer son libre arbitre dans le respect des règles communes. À l’inverse, dans un régime autoritaire, il n’est ni libre, ni responsable.

Considéré comme immature, il est réduit à un simple exécutant, privé de toute véritable capacité de choix et de discernement.

Par la contrainte, le pouvoir l’enferme dans une posture de soumission, de laquelle découle une attitude à la fois hypocrite et pernicieuse : la docilité feinte pour avoir été imposée masque une duplicité insidieuse, car l’obéissance ne découle plus d’une adhésion sincère, mais d’une contrainte.

La tentation de la transgression est latente ; elle se manifeste dès que le contrôle s’éclipse. Cette duplicité et cette hypocrisie sont les symptômes d’un système qui nie la dignité humaine en refusant aux individus la possibilité de s’engager librement et de manière authentique.

Dans ces régimes autoritaires, l’autorité repose sur la coercition. Cette coercition doit donc être omniprésente et sans cesse renforcée. Elle est sollicitée sans répit face aux stratégies de contournement développées par les individus.

Pour échapper au carcan du système imposé, ces derniers sont en effet enclins à tricher dès le moment où ils jugent qu’il est possible de déjouer la vigilance de l’autorité. Aussi, dans une fuite en avant permanente, les institutions répressives exigent toujours plus de moyens, de personnel et de dispositifs de surveillance.

L’État, pour préserver son emprise, se voit ainsi contraint d’imposer toujours plus de verrouillages, en révisant son cadre juridique dans le sens d’un raidissement, de multiplier les organes de coercition, d’en créer de nouveaux, et de les détourner de leur vocation pour les dédier à la répression.

Cette escalade répressive illustre la fragilité des régimes autoritaires, incapables de s’appuyer sur le consentement libre des citoyens et donc condamnés à user de la force pour se maintenir.

Pire encore, ce processus amène « l’État profond » à opérer des incursions dans le processus décisionnel et à s’arroger des pouvoirs considérables, allant jusqu’à s’imposer en entité autonome supplantant le pouvoir politique.

En somme, un pouvoir qui se prive du consentement éclairé de ses administrés se retrouve obligé de pallier l’absence d’une adhésion volontaire par une emprise croissante, au prix d’une tension permanente entre l’appareil répressif et la population.

À l’inverse, une société fondée sur la liberté et la responsabilité favorise une relation de confiance entre gouvernants et gouvernés, où l’autorité ne s’exerce plus par la contrainte mais par l’adhésion aux principes de justice et de bien commun.

Ce n’est qu’en garantissant aux citoyens la possibilité d’agir en conscience et en autonomie que l’on peut espérer une société véritablement responsable et harmonieuse. Une société harmonieuse, où chaque citoyen est à la fois acteur et garant du bien-être commun, repose sur un équilibre judicieux entre liberté individuelle et responsabilité collective.

En conclusion, la liberté et la responsabilité sont les deux faces d’une même médaille, indissociables et interdépendantes. Les dissocier conduit, inévitablement, soit à l’anarchie, soit à l’oppression. Il est donc essentiel que chaque individu puisse exercer pleinement sa liberté tout en assumant les conséquences de ses choix.

C’est cet équilibre qui garantit la stabilité d’un pays et c’est en lui que réside la clé d’une société juste et respectueuse de la dignité humaine.

Hamid Ouazar, ancien député de l’opposition

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