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Réunionite : l’art de maintenir le système en place

Tebboune

Tebboune préside une réunion sur le foncier

En Algérie, la réunionite n’est pas qu’une simple tendance bureaucratique, c’est une véritable stratégie de gouvernance. Elle est l’art de transformer l’inertie en apparence d’action, de masquer le manque de réformes par des heures de débats sans fin et de maintenir le statu quo sous l’illusion du progrès.

Chaque réunion est une danse soigneusement orchestrée où tout le monde fait semblant de chercher une solution… sans jamais en trouver une.

Le phénomène est bien rodé : chaque problème, qu’il soit vital ou totalement secondaire, trouve sa place dans le grand festival des réunions interminables. Mais attention, il ne s’agit pas de réunions où l’on prend des décisions concrètes ou où l’on propose des solutions pratiques. Non, ces réunions sont des spectacles. Des spectacles où l’on parle beaucoup, mais où rien ne se passe. Chaque acteur, ministres, fonctionnaires et experts, a son rôle à jouer : celui de donner l’illusion d’une gouvernance qui fonctionne, sans jamais remettre en cause l’immobilisme profond du système.

L’art de faire durer le temps, sans rien changer

L’astuce réside dans la procrastination institutionnalisée . La réunionite en Algérie est une machine bien huilée qui permet de prolonger indéfiniment les discussions tout en entraînant de prendre des décisions. Le problème est « discuté », la solution est « en cours de réflexion », et tout cela se prolonge jusqu’à ce qu’une nouvelle réunion soit convoquée.

Ainsi, les réformes, qui ne sont jamais véritablement abordées, deviennent un mirage. L’idée de changement est entretenue à grand renfort de réunions où les mêmes débats sont renouvelés, mais où rien de tangible ne se passe. Le système, en s’auto-entretuant par la réunionite, réussit à se maintenir en place.

La réunionite, un outil de maintien du pouvoir

À la surface, tout semble bien fonctionner. Les réunions sont une forme de « gouvernance participative », un écran de fumée qui fait croire que des réformes sont en préparation. Elles permettent à la fois de rassurer la population et de calmer les pressions internes . Mais en réalité, elles sont là pour préserver l’ordre établi. Pourquoi réformer un système qui, par l’impliquer de réunions à n’en plus finir, réussit à maintenir le pouvoir en place sans qu’il ne se remette en question ?

C’est là tout l’art de la réunionite : faire croire qu’on cherche une solution, qu’on est en train de réfléchir sérieusement aux défis du pays, tout en gardant intacts les mécanismes de contrôle . Parce qu’au fond, qui a vraiment intérêt à ce que quelque chose change ? Pas ceux qui tirent profit de cette bureaucratie pléthorique et de son administration obsolète.

Un système qui fonctionne… pour certains

Les réunions ne sont donc pas une fin en soi. Elles ne visent pas à résoudre des problèmes, mais à maintenir un statu quo confortable . Ceux qui détiennent le pouvoir continuent à décider en dehors de ces espaces, mais ces réunions servent à donner l’illusion que tout le monde a son mot à dire, que toutes les options sont explorées, et que le système fonctionne… alors qu’en réalité, il ne fait que tourner en rond.

Le véritable enjeu ici est simple : l’inertie est plus bénéfique que l’action . Le système se perpétue non pas parce qu’il est efficace, mais parce qu’il est protégé par des discours et des rencontres sans fin qui empêchent toute véritable transformation. Le changement serait trop risqué pour ceux qui profitent de l’existant. Alors, on continue à se réunir, à discuter, à faire semblant de chercher des solutions, pendant que rien ne bouge.

Une gouvernance de l’apparence

Mais le plus cynique dans tout cela, c’est que cette réunionite sert de bouclier à une gouvernance de l’apparence. En donnant l’illusion d’une démocratie qui débat, d’un système qui réagit, sur le détourne de l’attention des véritables problèmes.

Les citoyens, accablés par des années de discours, de promesses et de rapports sans fin, finissent par se résigner à cette comédie. Ils croient, un instant, que leur voix a été entendue, que le changement est imminent. Mais lorsqu’on regarde de plus près, on se rend compte qu’il n’y a pas de volonté de changement. Il n’y a que des réunions pour le garder en place.

Une conclusion bien dans l’air du temps

Alors, que penser de cette réunionite en Algérie ? Elle est à la fois une blague cynique et une forme d’art maîtrisée par ceux qui ont tout intérêt à ce que le système reste intact. Ces réunions ne sont pas là pour trouver des solutions. Elles sont là pour préserver le pouvoir, pour maintenir l’illusion d’une gouvernance qui réagit aux problèmes tout en les laissant intactes.

Dans ce jeu de dupes, le véritable enjeu n’est pas de changer le système , mais de faire durer le temps . C’est une danse sans fin où l’action est toujours rapportée, où les décisions restent dans les coulisses, et où le système se maintient, en apparence, à travers la réunionite. Mais à la fin, il reste figé dans son propre reflet, enfermé dans des discours sans fin et des promesses vaines. Et ce jeu, aussi vieux qu’il soit, continue à tourner, un tour de plus, un jour de plus. Parce qu’après tout, pourquoi changer quelque chose qui fonctionne aussi bien pour ceux qui sont à l’intérieur du système ?

Dr A. Boumezrag

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