Jamais la formule « diviser pour régner » n’aura pris un sens aussi proche de la réalité que depuis l’arrestation et l’incarcération de Boualem Sansal dans les geôles d’Alger.
En effet, on assiste à des positions et des prises de bec diamétralement opposées entre binationaux engagés et intellectuels restés au pays. Il suffit de lire un article dédié à notre écrivain où les commentaires sont permis pour y déceler une fracture béante entre les camps protagonistes.
Il faut dire que c’est toute la fibre sensible patriotique qui est éveillée par un pouvoir qui fait des déclarations de Boualem Sansal une ligne rouge largement dépassée. On ne badine pas avec les interactions entre les frères ennemis que sont le Maroc et l’Algérie…toute déclaration qui s’écarte de la langue de bois officielle est considérée comme de la traîtrise, voire de la haute trahison.
Traître, harki, collabo, etc. Les qualificatifs ne manquent pas pour jeter l’opprobre sur tous ceux qui pensent autrement et osent l’affirmer.
Dire que les frontières sur Terre ont été tracées par les hommes pour s’octroyer plus de terres est une évidence qui ne nécessite aucune démonstration. Qu’on le veuille ou non, le Maroc et l’Algérie n’échappent pas à cette règle historique, mais d’ici à emprisonner ceux qui osent dire telle vérité est une dérive grave.
De toute façon, cette histoire de frontières, invoquée à tout va, est un prétexte à travers lequel on cherche à cacher des problèmes hautement plus dangereux pour le régime. À titre d’exemple, quand le FFS avait pris les armes contre la dictature de Ben Bella et Boumediene, le pouvoir avait vite fait de taxer ce parti de sécessionniste. Et le tour est joué pour déclencher des réactions anti-kabyle primaires.
Je me souviens, comme si c’était hier, du regard de mépris de certains de mes camarades en cours de récréation au collège Sarrouy d’Alger. J’avais beau essayer de comprendre, à l’époque, cela me dépassait … je crois même que j’en avais voulu à Hocine Aït Ahmed.
Au-delà du cas Boualem Sansal qui a été décortiqué dans ses moindres détails, quid des Algériens frappés d’ISTN et qui ne le découvrent qu’à l’Aéroport, au moment de rentrer chez eux, dans cet ailleurs où s’exprimer est loin de constituer un délit ?
Qui ne connaît pas une ou plusieurs personnes refoulées du port ou de l’aéroport ces dernières années ? Il suffit de discuter avec l’Algérien lambda pour réaliser que des cas d’ISTN se comptent désormais par dizaines de milliers, les uns pour quelques phrases anti-pouvoir écrites sur Facebook et d’autres pour avoir été pris en photo dans des marches qui dénoncent la dictature du régime. Cas typique celui de cet étudiant aux USA qui a été retenu au pays pendant un an.
Le régime a tissé des toiles de répression, dans tous les pays, qui ne mettent personne à l’abri. Il n’est pas exagéré de dire que la peur de rentrer au pays gagne de plus en plus de compatriotes.
Rentrer, c’est se suicider m’a récemment confié un ami.
Corollaire : restons chez nous et profitons du confort que nous offrent nos pays d’accueil, la France en premier, en attendant que Tebboune ne soit ramené à la raison par quelque responsable doté d’un tant soit peu de raison. On peut toujours rêver !
Kacem Madani