Site icon Le Matin d'Algérie

Saïd, tu as été condamné à 8 ans. Nous, à 60 ans

Saïd Bouteflika

Tu les as terrorisés, tu as mis un pays à genoux, tu as profité de la puissance de ton frère sans en avoir eu la légitimation par l’élection et la compétence. Lui-même ne l’ayant obtenu que par la force brutale et corruptrice.

Des dizaines de milliers d’Algériens ont été martyrisés, mis au pas par ton règne, surtout lorsque ton frère fut une momie, dans ses capacités physiques et intellectuelles (le mot est peut-être mal choisi).

Des souffrances innommables, des meurtres d’Etat, des procès au mépris des libertés, des expropriations et de la corruption à grande échèle, c’est le bilan de ton triste parcours, hors de l’humanité.

Dans le régime militaire pour lequel tu as voué l’objectif ultime de ta vie, comme à tes intérêts de gloire et financiers, tes actes ne sont en principe pas passibles de 8 ans de prison. C’est presque la condamnation d’un voleur de poules. Dans la législation derrière se cachait ta dictature, c’est la peine de mort, encore inscrite dans un code pénal entièrement soumis à tes caprices.

La seule réserve de mes propos est que je suis viscéralement opposé à la peine de mort. Cette barbarie est de ton monde, pas du mien. La conception que j’ai de la justice est que dans un Etat de droit, tes crimes sont passibles de la condamnation à perpétuité.

Mais comme tous les petits dictateurs façonnés par la puissance des militaires, tu as oublié qu’ils t’ont laissé jouer ce jeu tant que ton pouvoir les arrangerait, les assurait de fortunes colossales et ne les menaçait pas. Tu as été la marionnette d’un régime militaire et une marionnette, ça finit par se briser entre les mains du manipulateur.

Comme tous les autres, tu es entré dans une paranoïa irréversible. Cette folie de finir par croire que les applaudissements et les youyous de la foule qui hurle sa dévotion à ton passage avec ton frère était réelle.

Une partie d’entre elle était effectivement sous l’emprise d’une dictature qui l’a formée, domptée et hypnotisée. Les deux autres parties applaudissaient car le régime les nourrissait grassement pour les uns ou les terrorisait, pour les autres.

Depuis ton enfance, tu avais pris l’habitude de voir dans les yeux de l’humanité qui t’entoure, admiration ou soumission. Tu n’as jamais affronté le regard de l’hostilité ou celui qui se détourne.

Tu as dû être terrifié par l’hostilité des regards et les vociférations de haine à ton passage, dans les moments de la fin de règne.

Les regards se sont détournés, les courbettes ont laissé place au redressement hautain de la poitrine et la crainte s’est envolée. Comme tous les dictateurs, tu as oublié que dans les régimes militaires, la colonne vertébrale du système est la lâcheté et les intérêts, encore plus que la terreur.

Ce procureur qui t’a poursuivi, ces juges qui t’ont condamné sont dénués de courage car ils étaient parfaitement au fait des crimes, des actions de dénégation des libertés individuelles et autres méfaits condamnables par la morale et le droit. Ils n’ont pourtant eu aucun scrupule à condamner lourdement les autres citoyens, ceux qui étaient sans protection des militaires, y compris les innocents

Hier encore, certains magistrats faisaient la queue pour avoir tes faveurs. Ils s’approchaient de toi ou de ton entourage, le sourire plein d’espoir d’une promotion ou d’une affaire juteuse.

Aujourd’hui, c’est eux qui te condamnent avec cette justice qui ne juge que ceux qui sont désarmés.

Te voilà dans ton monde, celui des voyous. Tu as pris 8 ans, nous  avons pris 60 ans d’emprisonnement par le régime militaire et ce n’est pas terminé car si les dictateurs se suivent, les lâches restent et se reproduisent.

Sid Lakhdar Boumédiene

Enseignant

 

Quitter la version mobile