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Séquences et conséquences

DEBAT

Séquences et conséquences

Il y a des moments dans la vie d’un homme où il est temps de le sommer de se taire. Que chacun de cette clique qui nous gouverne, haineuse, arrogante, douée seulement de bourrages d’urnes, assoiffée de rapine et de domination… entende, regarde et rapporte à ses maîtres et à son «prophète» ce que dit le peuple.

Son mot d’ordre est franc et bref «Non au 5ème mandat », il repousse partout, dans toute l’Algérie, villes et villages, dans toutes les capitales du monde. La responsabilité convoque la capacité, elle signifie « être capable de répondre », vous êtes dans l’incapacité de répondre de vos actes, alors nous ne voulons plus entendre aucun mot de vous. Tout autant que nous ne prêtons plus aucune oreille aux menaces et agitations psychotiques de votre quarteron de partis politiques, de votre camarilla syndicale et encore moins aux éditos de votre fournée martiale.

Tous ceux qui veulent nous faire peur en agitant les exemples chaotiques de la Syrie et de la Libye, qui suspectent des ennemis intérieurs et extérieurs, qui exhument les morts de la décennie terroriste pour nous replonger dans le « sang et les larmes », nous leur opposons les exemples de la puissance des peuples à se vouloir libres et dignes.

Et nous sommes un peuple du monde aussi ancien que le monde lui-même avec des preuves dont il vient nous enrichir l’infatigable professeur Sahnouni, qu’il est bon qu’il soit algérien, révélant que nos ancêtres constituaient bel et bien le berceau de l’humanité.

Gloire aux Sétifiens, plus exactement au site d’Aïn Boucherit où des fouilles révèlent à nos chercheurs un nouveau point de départ de tous les Algériens. Ils ont effectivement trouvé les traces de nos ancêtres à deux périodes successives, voilà respectivement 1,9 et 2,4 millions d’années. Quelle preuve éclatante de notre ancienneté et de notre supériorité à tous les colonisateurs qui sont arrivés après toutes ces réalisations et ces signatures archéologiques de nos ancêtres.

Un peuple aussi ancien que le nôtre ne peut pas être asservi indéfiniment. Il est aussi vrai que nous nous sommes endormis depuis Massinissa jusqu’à vingt années de règne de Bouteflika, que nous avons été oublieux des alertes de nos intellectuels et autres cris de révolte de nos patriotes, mais quand nécessité fait loi, nous nous sommes réveillés, nous nous sommes rappelés de tout ce qui s’est dit et nous avons à l’occasion dit non à la colonisation, non à la violence, non au terrorisme, non à l’islamisme politique. Nous avons su comment guérir de nos maladies.

Nous avons pris le temps, beaucoup temps d’apprendre des lanceurs d’alertes. Aujourd’hui, nous épiçons notre vie d’un vouloir  vivre et nous nous réapproprions notre passé aussi loin qu’il remonte pour rétorquer à ses oiseaux de malheur que nous participons du monde, que nous ne nous sentons ni dans la fournaise syrienne ni dans les feux libyens mais bien dans les manifestations qui ont fait le monde parce que nous sommes le monde.

Ainsi en était-il de la Boston Tea Party, une manifestation qui s’en prenait au thé de l’empire britannique, qui a préfiguré l’indépendance des Etats-Unis d’Amériques.

S’emparant de la Bastille, la révolution française mettait fin à un régime despotique et guillotina la monarchie, roi et sa reine.

Ghandi, doctrinaire de la non-violence, recueillit dans ses mains un peu de sel et lança le défi symbolique contre le monopole du colon britannique sur le sel indien, l’indépendance de l’Inde se mettait en marche.

Un été de 1963, Martin Luther King mit fin à toute forme de ségrégation par son fameux discours « I Have a Dream » et ce ne seront pas les singeries d’un Ould Kaddour et d’un Sellal qui ne sait parler correctement aucune langue pour s’avancer sur le « Yes, we can » d’un Obama héritier d’un King.

Mai 68, ouvriers, Français lambda, étudiants et intellectuels manifestent pour une société juste. De Gaulle se fait dégager, il démissionne. Bouteflika s’il lui reste un seul souffle qu’il dise juste « je me retire ».

Octobre 89, des allemands séparés par une idéologie du goulag, firent chuter le mur de Berlin L’Armée avait reçu l’ordre de tirer mais face à un peuple résolu, brandissant une simple bougie et répétant sans cesse « Keine Gewalt » (« pas de violence ») et « Wir sind das Volk » (« nous sommes le peuple »), l’armée n’a pas ouvert le feu et le rideau de fer se brisât, les allemands de l’Est rejoignirent leur frères de l’ouest pour faire cette grande nation d’aujourd’hui.

Les révolutions de couleurs ou de fleurs ont fait la Géorgie d’aujourd’hui, celles de l’Ukraine à se construire. Le Cèdre au Liban a transfiguré ce petit pays devenu une destination enviée, les Tulipes remplissent le Kirghizstan… Au plus récent Printemps arabe avec ses joies et ses malheurs ne nous font pas regretter Ben Ali ou un Kadhafi.

Voilà où veulent arriver les manifestants algériens. Ils savent qu’une clique leur a menti et les a trahis en inscrivant dans la constitution une fausse définition de gouvernement « du peuple, par le peuple, pour le peuple ». En notre nom, vous avez rendu notre pays la risée du monde alors qu’il était l’exemplarité dans le monde. Ils recensent toutes vos fortunes mal acquises, toutes les forfaitures de votre progéniture et tous les informels de notre économie en ruine. Ils vous déclarent illégitimes surtout quand vos amis et vos enfants ont des monopoles de l’accès aux commandes de l’avenir.

Les manifestants réclament votre dégagement à tous car ils sont les seuls légitimes de se réapproprier les moyens d’entreprendre en toute liberté, de réaliser pleinement leur rêve, d’être riches et puissants de leur seuls talents, de leur propre génie et dans la limite des impôts et de leurs contributions imposées ou volontaires qu’ils doivent verser à la collectivité. Plus que jamais, la justice et la dignité sont leur credo.

Les fadaises d’un Ouyahia ne nous détourneront pas de notre volonté de vaincre les bonimenteurs qui nous ont trouvés « heureux » et dans le « bonheur ». Définissons les termes. Le Bien ? «La somme des moments heureux». Le Mal ? «La somme des moments malheureux». Le bonheur ? «La somme des biens qui restent après qu’on a retranché tous les maux». Le malheur ? «La somme des maux qui restent après qu’on a retranché tous les biens». Après 57 ans de règne, il ne reste que désolation sociale, corruption totale, chômage endémique, économie informelle, aucune production locale, importation tous azimut, blanchiment d’argent, enrichissement sans cause, justice aux ordres, répression de tous et partout, consommation de drogue florissante…La liste est suffisamment longue pour que chacun se convainc que la somme des maux dépasse exponentiellement les quelques moments heureux.

Jusqu’à quand faut-il laisser la place de devant à ceux qui dirigent et qui crachent ostensiblement et virilement sur nous qui sommes derrière et qui prenons leur bave, leur morve et les glaires en plein visage ?

Est-il arrivé le moment de leur cracher dessus à notre tour et pour toujours ? Comment en   finir ? Par des manifestations et tous ceux qui y étaient et toutes celles qui animeront celles à venir, l’instant d’avant, étaient kabyles, arabes, mozabites, francophones, moustachus, barbus, imberbes, « moitié homme », athées, croyants… Et l’instant dans la manifestation, ils sont frères dans l’action, amis dans le combat, algériens, rien qu’Algériens. Et ce n’est que le début d’un processus, qui ne saurait s’arrêter là.

Plus la manifestation s’approche, plus elle nous rapproche : fonctionnaires et ouvriers, chômeurs et employés au noir, trabendistes et « hittistes », riches et pauvres…même nos femmes et nos filles ne tarissent de s’égosiller en youyous, « zagharit » et « ilewlawen ». Tant pis pour les gendarmes et les policiers : nous on est dans l’amour et la joie, eux dans le devoir et l’exécution des ordres.

Dans nos manifestations s’agite la dialyse et notre sang se purifie de toutes ces saletés du temps qui est passé. Notre gène colérique s’embrase pour brûler toutes les imperfections mises en nous. Et notre cerveau s’illumine, court-circuite les parasites qu’ils ont posés sur nos neurones comme un barrage à nos synapses de connexions intelligentes.

Ce sont toutes ces raisons qui me font aimer cette protestation du peuple car elle n’est pas contrainte, elle est liberté et bon vivre ensemble. « Ce qu’on fait par amour s’accomplit toujours par-delà le bien et le mal » disait Nietzsche. Ajoutons, par-delà la peur et l’interdit.

Ou encore ces paroles qui me font vibrer le coeur «….que l’homme libre peut être autant bon que méchant,  mais que l’homme servile est une honte pour la nature et qu’il n’a de part à nulle consolation céleste ou terrestre ; enfin que quiconque se veut libre doit le devenir par soi-même, et que pour personne la liberté n’est tombée du ciel comme un don miraculeux ».

Auteur
Dahmane Chadli

 




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