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Sifi Ghrieb « tête de cordée », Kamel Rezig, le début de la fin 

Sifi Ghrieb

Tebboune mise sur Sifi Ghrieb

La scène politique et économique algérienne a connu, jeudi, un basculement symbolique mais lourd de signification. En confiant au Premier ministre Sifi Ghrieb la supervision directe du comité permanent chargé de la mise en œuvre des 11,6 milliards de dollars de contrats (potentiels) signés lors de la Foire commerciale intra-africaine (IATF 2025), Abdelmadjid Tebboune a consacré son choix : celui d’un homme de confiance, présenté comme « homme de terrain », au détriment d’un ministre jusque-là considéré comme son protégé, Kamel Rezig.

Ghrieb, figure de proue du dispositif

À travers cette décision, Tebboune mise clairement sur la centralisation. Sifi Ghrieb, ancien ministre de l’Industrie, est désormais placé au cœur de l’agenda économique. Dans les cercles présidentiels, il est présenté comme le dirigeant capable de « montrer la voie », un rôle qui s’apparente à celui d’une « tête de cordée ». La formule résume bien la philosophie actuelle du pouvoir : miser sur un leader unique, doté d’autorité et de pragmatisme, pour entraîner tout un dispositif bureaucratique et politique souvent jugé inefficace.

Mais cette logique personnalise à l’extrême une responsabilité qui devrait relever d’un travail collectif interministériel. Elle érige Ghrieb en chef d’orchestre incontesté, tandis que les ministres sectoriels apparaissent relégués au second plan.

Rezig, du protégé au fusible

La disgrâce de Kamel Rezig apparaît aujourd’hui éclatante. Longtemps perçu comme proche du président, l’ancien conseiller de la présidence devenu ministre du Commerce extérieur et de la Promotion des exportations se voit brutalement dépouillé de l’une de ses principales prérogatives. Le comité de suivi, censé coordonner l’application des accords de l’IATF, lui échappe désormais.

C’est un désaveu implicite mais cinglant. Déjà critiqué pour son style jugé autoritaire et son incapacité à apaiser les relations avec les opérateurs économiques, Rezig était devenu une figure controversée, régulièrement prise pour cible dans l’opinion publique. Ses déclarations, ses décisions font rire plus qu’elles ne rassurent. Ses promesses de « révolution des exportations » n’ont jamais convaincu, et ses initiatives se sont heurtées à la réalité des blocages administratifs.

Son maintien dans le gouvernement, lors du dernier remaniement, apparaît désormais comme une simple manœuvre tactique : préserver une façade de continuité, tout en préparant son effacement progressif.

Un système fragilisé par la personnalisation

Ce double mouvement – l’ascension de Ghrieb et l’effacement de Rezig – traduit les limites d’un système où la réussite dépend trop souvent de la confiance présidentielle dans un homme, plutôt que d’une stratégie collective et institutionnalisée. La mise en avant d’une « tête de cordée » peut donner l’illusion d’une efficacité retrouvée, mais elle fragilise l’équilibre du gouvernement, accentue les rivalités et réduit la marge d’action des ministres.

En toile de fond, c’est l’ensemble de la politique économique qui se retrouve prisonnière de cette logique. Si Sifi Ghrieb réussit à transformer les contrats de l’IATF en projets concrets, le pari de Tebboune sera validé. Mais si les obstacles structurels persistent, la centralisation des pouvoirs au sommet risque de montrer rapidement ses limites – et de révéler, à nouveau, la fragilité d’un État qui peine à s’appuyer sur ses institutions.

Samia Naït Iqbal

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