Dimanche 8 juillet 2018
Six gardes nationaux tunisiens tués dans une attaque terroriste à la frontière avec l’Algérie
Six membres des forces de l’ordre ont été tués dimanche dans le nord-ouest de la Tunisie dans une opération « terroriste » selon les autorités, l’attaque la plus meurtrière depuis plus de deux ans.
Cette attaque intervient alors que la Tunisie, secouée par une crise politique, espère faire cette année une très bonne saison touristique à la faveur de l’amélioration de la sécurité qui a permis le retour en force des tour-opérateurs.
Six agents de la Garde nationale ont été tués dans l’explosion d’une mine près de la frontière avec l’Algérie, dans le secteur de Ain Sultan, dans la province de Jendouba, a indiqué le ministère de l’Intérieur, qui précise que l’attaque a eu lieu à 11H45 (10H45 GMT).
Un porte-parole du ministère, le général Sofiene al-Zaq, qui avait fait état dans un premier temps de huit morts, a qualifié l’attaque de « terroriste ».
Il a ajouté que des assaillants « ont ouvert le feu sur les forces de sécurité » après l’explosion de la mine. « Des opérations de recherche des terroristes » sont en cours, avec l’aide de l’armée, selon lui.
Aucun groupe n’a encore revendiqué l’attaque menée dans l’une des zones frontalières montagneuses où sont implantés les deux principaux groupes extrémistes, la phalange Okba ibn Nafaa, branche d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), et Jund al Khalifa, affilié au groupe Etat islamique (EI).
Le ministre de l’Intérieur par intérim, Ghazi Jeribi, est attendu à Jendouba, selon une source gouvernementale.
Cette attaque risque d’accentuer la crise politique profonde que traverse actuellement la Tunisie, dont le Premier ministre Youssef Chahed, qui a limogé l’ex-ministre de l’Intérieur récemment, fait face à une offensive venue de son propre camp.
Des heurts ont régulièrement lieu à la frontière algérienne, mais c’est la première fois depuis deux ans que les forces de l’ordre essuient des telles pertes.
Adopter « une stratégie globale »
La dernière attaque de grande ampleur dans le pays remonte à mars 2016, lorsque des jihadistes avaient lancé des opérations coordonnées contre des installations sécuritaires de Ben Guerdane, près de la frontière avec la Libye, entraînant la mort de 13 membres des forces de l’ordre et de sept civils.
En avril dernier, un soldat avait été tué par balles lors de heurts avec des islamistes armés dans la région montagneuse de Kasserine (centre-ouest).
En mars, un homme avait déclenché sa charge explosive alors qu’il était poursuivi par les forces de l’ordre dans la région de Ben Guerdane.
Après sa révolution de 2011, la Tunisie a été confrontée à un essor de la mouvance jihadiste, responsable de la mort de plusieurs dizaines de soldats et de policiers, mais aussi de civils et de touristes étrangers.
Même si la situation sécuritaire s’est nettement améliorée, le pays reste sous état d’urgence depuis l’attentat suicide commis en plein Tunis contre la sécurité présidentielle (12 agents tués), en novembre 2015.
Les forces de sécurité et des observateurs estiment que les principaux groupes armés sont actuellement très affaiblis et déstructurés. Mais des incidents isolés perdurent, notamment dans les maquis du nord-ouest.
Depuis la chute du régime de Ben Ali en 2011, au moins « 118 soldats, membres de la Garde nationale et policiers, ont été tués dans le nord-ouest, et plus de 200 blessés », note le chercheur Matt Herbert, qui a compilé les bilans publiés dans les médias. La majorité des membres des forces de l’ordre tués depuis la révolution l’ont été dans cette région, souligne-t-il dans un rapport publié fin juin.
« Cette nouvelle attaque montre qu’il reste des poches où les problèmes de sécurité n’ont pas été résolus », a-t-il déclaré à l’AFP dimanche, tout en soulignant que « la vaste majorité de la Tunisie reste sûre ».
Selon ce membre de l’Initiative mondiale contre la criminalité transnationale organisée, pour venir véritablement à bout des groupes jihadistes il faudrait, outre l’effort militaire, « une stratégie globale orientée vers la population (…) visant à résoudre les problèmes économiques et de gouvernance que ces groupes exploitent ».