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Socialisme et islamisme : les deux faces d’un échec recommencé ? 

TRIBUNE

Socialisme et islamisme : les deux faces d’un échec recommencé ? 

« L’islamisme n’est pas l’islam mais cette maladie de l’islam qu’est la recherche effrénée d’un bouc émissaire au marasme dans lequel la relégation des femmes et l’échec de la sécularisation ont plongé le monde arabo-musulman », Alain Finkielkraut

Laboratoire d’expérimentations de toutes les idéologies et des théories venues d’ailleurs, l’Algérie peut s’enorgueillir d’avoir fait la preuve vivante de leur inefficacité et de leur perversité. Le colonialisme français, le nationalisme arabe, le socialisme soviétique, l’islamisme politique,  le terrorisme dévastateur, le libéralisme débridé. « On ne mesure pas la puissance d’une idéologie aux seules réponses qu’elle est capable de donner mais aussi aux questions  qu’elle parvient à étouffer ».

Le socialisme a « enterré » le travail de la terre pour « implanter » des « éléphants blancs » sur des terres cultivables ; le libéralisme l’a livré « pieds et poings liés » au marché mondial dominé par les puissances hégémoniques. Bref, les idéologies nous font croire à la magie des mots pour « masquer » la réalité des maux. Le peuple algérien se prêté à toutes les manipulations.

L’héritage colonial a placé les dirigeants algériens devant plusieurs stratégies théoriquement possibles mais pratiquement explosives, eu égard au contexte historique de l’époque : accepter l’héritage et poursuivre la voie tracée par le colonisateur français c’est-à-dire poursuivre la voie capitaliste, contester son héritage et emprunter à titre transitoire une voie non capitaliste, refuser l’héritage colonial et s’engager dans la voie de la construction du socialisme selon le modèle socialiste ; accepter l’héritage sous forme d’inventaire et s’efforcer de chercher une troisième voie à mi-chemin entre le capitalisme et le socialisme. Il est clair que le socialisme eu égard au contexte historique de l’époque était une référence quasi obligée du discours des gouvernants.

Cela s’explique aisément un régime dictatorial dépourvu de toute légitimité propre ne peut durer qu’en recherchant le soutien populaire. Et il ne peut le faire que de deux manières soit en mettant l’accent sur l’islam, soit en se réclamant du socialisme. Pour les dirigeants algériens, une fois la souveraineté retrouvée, l’islam devait s’effacer de la scène politique, et céder la place aux idéologies nationalistes (panarabisme nassérien) et matérialistes (autogestion yougoslave et socialisme soviétique) qui ont trouvé en Algérie un terrain propice à leur expansion.

C’est dans cette situation géopolitique (guerre froide entre les deux superpuissances USA-URSS, montée en puissance du panarabisme arabe, accélération de la décolonisation, mouvement des non-alignés, tiers-mondisme en vogue etc.) bien particulière qu’un Et  at militaro-rentier a vu le jour. Il va s’appuyer dans un premier temps sur l’accaparement des biens abandonnés par les colons  déclarés « biens vacants » c’est à dire propriété de l’Etat (terres, usines, commerce, biens immobiliers) et dans un deuxième temps sur la nationalisation des hydrocarbures qui consiste dans le transfert de la propriété des gisements pétroliers et gaziers à l’Etat algérien c’est-à-dire pratiquement aux détenteurs du pouvoir. Les revenus pétroliers et gaziers sont présents dans l’Etat, dans la tête de ceux qui pensent être l’Etat.

Une certitude, l’Algérie ne vit que grâce aux recettes des exportations pétrolières et gazières. Il s’agit d’une ressource financière avec laquelle l’Etat tient en otage la population et affiche sa légitimité vis-à-vis des partenaires étrangers.

Une rente pétrolière et gazière que l’Etat ne peut maîtriser ni dans sa durée et ni dans son amplitude. Elle est fonction des quantités mises sur le marché international et du cours du baril pratiqué dans les transactions avec les partenaires. Les Etats arabes et africains n’existent que parce qu’il y a du pétrole, du gaz ou autre matière convoitée sur leur territoire. Les peuples qui y habitent sont considérés comme des troupeaux de bétail à qui on confie la garde à un berger, généralement l’idiot du village ou le serviteur docile que l’on arme d’un bâton, à qui l’on demande, lorsque le prix du baril chute, de les amener à l’abattoir et quand il flambe de les ramener aux pâturages.

Pour l’Occident, le pétrole est une des choses sacrées sur terre, personne n’y touche, il y va de la prospérité matérialiste occidentale et de la décadence spirituelle des arabes. Le pétrole est la base sur laquelle la civilisation moderne s’est construite. Il est le carburant de la prospérité des nations, le moteur de la mobilité sociale, un accélérateur de l’histoire, un frein aux religions, et un levier de commande de la liberté des peuples. L’histoire et la géographie se rejoignent au présent. L’émergence de l’Etat post colonial correspond à la mise en place d’un système militaro-rentier maniacodépressif qui s’en passe d’un Etat de droit et d’une économie productive. Une économie de bazar et un commerce informel font amplement l’affaire, une affaire juteuse.

Un Etat financé par la rente et non par l’impôt. Il repose sur l’armée et non sur la société civile. Le pétrole cimente la société à l’Etat. La sécurité et les « transferts sociaux » sont assurés par les revenus pétroliers et gaziers et non par les contribuables ou la solidarité intergénérationnelle rendue indigente. Un Etat providence pour soumettre la population et un Etat écran pour la passation des contrats avec les partenaires étrangers. Le pétrole et le gaz aiguisent les appétits nationaux et internationaux. Mirabeau disait « la corruption est dans l’homme comme l’eau est dans la mer ».

La corruption fait partie de l’économie moderne. Elle est visible dans les dictatures et les monarchies et invisible en Europe et aux Etats Unis. Les deux évidemment se tiennent la main mais en dessous de table. Des mains visibles non pas comme celle de dieu qui sont invisibles. L’islamisme a été dilué dans un baril de plus de 100 dollars et le terrorisme noyé dans une mer sans eau.

L’argent a eu raison sur les ambitions des islamistes d’accéder au pouvoir par la voie de la religion. « Les Arabes ne veulent plus aller au paradis le ventre vide ». (Même s’il devait pactiser avec le diable pou’ le remplir !!!). D’ailleurs, ils ont cessé de regarder le ciel, ils ont les yeux rivés sur l’écran. Un écran en couleurs et non en noir et blanc comme l’enfer ou le paradis Il est joyeux et non lugubre, attractif et non répulsif, il est nu et non en hidjab, il est en liberté et non emprisonné. Il est virtuel et non réel. Il nous fait rêver éveillé. Il est disponible H24. On le transporte partout avec nous même dans les endroits les plus intimes.

D’ailleurs, il n’y a plus de jardin secret, tout se partage y compris le lit. C’est une arme redoutable, elle atteint l’âme. L’argent n’a ni sentiments, ni patrie, ni religion. Là où il va, il est chez lui.  Et partout on déroule à ses pieds le tapis vert. La couleur du “paradis”. Les financiers n’ont aucun patriotisme et pas la moindre décence. Leur seul but est le gain ».

L’économie rentière est la base sur laquelle repose les régimes arabes et la prospérité occidentale. « On ne crache pas dans la soupe ».

Le pétrole a transformé le pays en une vaste caserne à ciel ouvert où chacun attend son virement du mois en fonction de son grade (attribué ou mérité ?) et de sa disponibilité à servir loyalement ses supérieurs. Le pétrole dans sa gouvernance est informé par le renseignement et protégé par l’armée dans le fonctionnement et la pérennisation du régime en place.

Pris en tenailles entre la volonté populaire de changement et le statu quo suicidaire du régime, on s’interroge : que faire dans un pays où régime et Etat sont cimentés par le pétrole ? Animés par des hommes qui n’ont pour tout programme : « j’y suis, j’y reste » ou « ôtes toi que je m’y mette ». L’un a l’argent et le fusil, l’autre a le verbe et la rue. Ni la rue, ni le fusil ne peuvent s’en passer de l’argent du pétrole et du gaz. La cerise ne fait que trôner sur le gâteau. Elle n’est pas le gâteau. C’est une garniture interchangeable au gré des appétits et des fantaisies des uns et des autres.

Dans toute cerise se cache un noyau dur. Chez chaque homme sommeille un diable. Le diable est devenu plus percutant ; il ne tente plus par la pauvreté mais par la richesse. Une richesse illusoire (paradis des yeux et enfer de l’âme). Il est rusé et charmeur. Il ensorcelle. Quand la ruse plane au sommet, l’intelligence rase les murs. L’argent facile envoute, captive. Il n’épargne personne. Tous lui tendent la main, du Président de la République jusqu’au simple mendiant du coin.

L’administration, l’armée, la justice, les médias, la population sont tous à sa dévotion. Tous lui obéissent au doigt et à l’œil : le juge, le médecin, le professeur, le douanier, le policier. Sans lui, ils sont nus. Il nourrit, il loge, il soigne, il enrichit, il arme, il finance, il renseigne, il protège, il condamne, il voyage. Il est partout et personne ne peut s’en passer de ses dollars ; le communisme, le militarisme l’islamisme, le terrorisme, le libéralisme. Cette soumission au règne sans partage du pétrole sur la société, est-ce la rançon d’un pouvoir et/ou  l’indigence d’une population ?

Aujourd’hui l’Etat et la société se retrouvent le dos au mur. Un Etat virtuel face à une société réelle.  L’algérien est resté bloqué à l’âge infantile. L’homme nouveau promis par les dirigeants algériens des années 60 avec une tête d’enfant dans un corps d’adulte. Ayant été traumatisé par la violence du père, l’algérien de nature attaché viscéralement à la mère, fonctionne plus à l’émotion qu’à la raison.. Il est peu porté à la logique (physique, mathématiques, chimie) et sensible à la bonne parole (religion, radios, télévision). Une parole qui amuse, distrait, endort et invite aux rêves et à l’évasion.

Aujourd’hui que le sein se tarit et que le bras se relâche, la mère s’affole, le père absent qui osera le sevrer ? Il sera aussitôt mordu. On ne joue pas avec le feu, on risque de se brûler.

Le feu prend de toute part et l’eau se raréfie ? « Qui réunit l’eau et le feu, perd l’un des deux » L’argent au le pouvoir ? De quelle légitimité peuvent se prévaloir les fortunes privées en dehors de l’argent du pétrole ? Que vaut la probité d’une élite qui a bâti son pouvoir sur la corruption généralisée de la société ? Un pouvoir que l’élite s’acquiert sur un peuple au moyen de sa dégradation morale. C’est bien la décadence des mœurs qui fait le lit des régimes autoritaires en terre d’islam sous les quolibets des « gardiens du temple ».

Au nom du développement économique, et de la paix sociale, les gouvernements successifs ont dilapidés en toute légalité et en toute impunité les ressources pétrolières et gazières dans le but de se perpétuer au pouvoir. Mais à quel prix ? Au prix de l’assèchement des puits. Tant pis pour les générations futures, elles n’ont pas participé à la guerre de libération nationale.

L’Etat ce n’est pas un météorite tombé du ciel pour faire le bonheur des hommes sur terre. C’est une invention des hommes, des hommes éclairés, faisant de l’Etat de droit un substitut à l’autorité de l’église. L’argent du pétrole s’est substitué à la providence divine Il a obtenu la soumission de la population et le soutien des puissances étrangères. « On dit que l’argent n’a pas d’odeur : le pétrole est là pour le démentir ». C’est la fin des idéologies matérialistes et le sursaut des religions monothéistes.

Auteur
Dr A. Boumezrag

 




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