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Sommes-nous Arabes ?


La confrontation de l’Algérien au mensonge identitaire se produit dès la première journée de l’école. On y parle un langage étrange à peine compréhensible où l’on nous explique qu’il faudra désormais l’apprendre, s’y faire et l’utiliser.

On nous explique également que notre langue, l’Algérien, n’est qu’un vulgaire verlan, que l’école, licoul, seqouila, lemssid, ne s’appelle plus ainsi, mais El madrassatou. Que tchina s’appelle en réalité bourtouqalatoun, que le tablier n’est autre que El miezarou, que notre cartable si fièrement arboré se transforme en mihfadatoun une fois les portes de licoul franchies. La schizophrénie va encore plus loin puisque le stylo se dit Qalamoun, le crayon, Qalamou-errassassi, la trousse, une Miqlamatoun, la voiture, une Sayaratoun et son guidon est un Miqwad ! La honte ! (Certains mots utilisés peuvent heurter la sensibilité des Algériens tant ils évoquent un vocable ordurier quasi-inadéquat. Nos excuses.) Passons !Le lieu tant aspiré, tant envié aux ainés,  dévoile, ainsi, un visage hideux où une irrespirable et écrasante atmosphère attend les pauvres mioches. L’école primaire représente une rupture brutale entre l’Algérie de nos pères que l’on laisse à l’extérieur de l’enceinte, comme laissent les fidèles leurs chaussures aux portes des mosquées.Le lieu (censé nous faire progresser dans la vie et sur les chemins du savoir, libérer nos consciences, affirmer nos personnalités, aiguiser notre créativité) devient très rapidement une sorte d’enclos mental où l’on doit d’abord déconstruire un héritage identitaire complexe et le remplacer par un vocable, une idéologie, une nouvelle compréhension du monde et un imaginaire allochtone. Le lieu censé nous catapulter vers la fécondité des âmes et l’affirmation de soi, nous apprend, d’abord, à nous rabaisser et à nous défaire d’un élément central de la personnalité algérienne : la langue de nos mères. Ceci à l’âge où le cerveau s’empresse d’ériger des connexions par milliards, d’assouvir les curiosités, de s’abreuver aux sources du savoir. À l’âge fragile où l’on se cherche, l’école doctrinale vient rapidement brider l’Algérien par des éléments linguistiques étrangers, une idéologie étrange, mêlant haine de soi et glorification de l’appartenance à une culture, à une nation fantasmée qui nous serait non seulement supérieure, mais dont nous serions également issus. À croire que l’Algérie est condamnée à n’être que l’éternelle tribu perdue du monde entier.C’est ainsi que l’on apprenait que nos ancêtres lointains étaient venus du Yémen, peupler un territoire vierge, habité tout au plus par quelques chèvres, des arachnides et des arbustes d’Alfa et que l’arrimage moyen oriental, n’est qu’un juste retour aux sources. Les théories apprises fixaient le début de notre histoire à la glorieuse ère où, frappées par la grâce divine, les quelques anciennes tribus yéménites amnésiques, se seraient converties massivement à la religion de la paix, conquises par la gentillesse, les roses et les tonnes de dattes succulentes des conquérants – pardon – des libérateurs arabes à dos de chamelles. L’appartenance à la nation qui offrit au monde le dernier des prophètes et un livre au savoir infini, devenait une nécessité, que dis-je, une fierté pour les païens que nous étions. Faire partie de l’Oumma serait le plus beau cadeau que l’on puisse recevoir, un desiderata, une exigence juste bonne pour un peuple vu comme une plèbe méprisée. En intégrant la glorieuse Oumma, le nord-africain hérite nécessairement du passif et de l’actif de cette grande « civilisation ». Antar Ibn Chaddad devient alors la figure emblématique du courage poétique, Oumar Ibn El Khattab celle de la justice et Khalid Ibn El Walid celle de l’invincible stratège. L’école algérienne créa un faux référentiel, un canevas contracté où baignent les mythes et les mensonges venus peupler des petites têtes innocentes. Cette marche forcée vers une déculturation massive et génocidaire (n’ayons pas peur des mots) a été méthodiquement menée et appliquée à l’ensemble des peuples d’Afrique du Nord sous l’impulsion de l’Égypte nacérienne, elle-même victime d’une injuste destruction culturelle et civilisationnelle qui a effacé ses plus profondes dimensions amazighes, pharaoniques et africaines.Aujourd’hui, des nations africaines et amazighes, assimilées de force, participent à une compétition sportive raciste, négationniste et exclusive, organisée sous la bannière de la Fifa, dans un bout de pays islamiste, qui rêve de reconstituer le mythe de la grandeur perdue des Califats arabes, non pas par la grandeur des valeurs, mais par l’argent qui fait taire toutes les grandes valeurs.

Hebib Khelil

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