Les objectifs et engagement de Sonatrach pour 2020 et 2021 n’ont pas été honorés. Il sera démontré plus loin et dans le détail, un manque à gagner en 2020 de l’ordre de 4 milliards dollars, ainsi qu’en 2021. Mais surtout il sera démontré l’origine de l’augmentation des exportations annoncées par Sonatrach, sans donner d’indication sur la provenance, uniquement en explicitant les données publiques, officielles et déclarations officielles des responsables.
La pratique montre que souvent les effets d’annonce qui visent à rassurer les citoyens dans des moments particuliers comme le cas de l’Algérie après le soulèvement citoyen contre la politique menée par Bouteflika, sa démission et le déroulement des nouvelles élections de 2019, pourraient se traduire par l’effet inverse voire pervers si l’on ne met pas un curseur à leur contenu, comme dirait le simple citoyen qui ne supporte guère qu’ on in insulte son intelligence. On rappelle à juste titre, l’épisode de la raffinerie d’Augusta.
On aurait pu éviter au trésor public un préjudice estimé en milliards dollars, si une contribution médiatique objective, et surtout sans complaisance, a été orientée selon l’intérêt général. On vient d’apprendre de la part du représentant de Sonatrach, après un dossier lourd soumis à l’appréciation des juges que pour l’année 2021, les résultats de cette raffinerie sont « positifs » et « conformes aux objectifs » (01) et que ceci lui a permis de « payer » « une partie de ses dettes. » C’est presque un message indirect aux juges pour leur signifier que c’était une « bonne affaire ». C’est vraisemblablement ce qui arrive actuellement.
On a un peu poussé trop sur le « tout médiatique » en donnant l’impression que tout va bien, parfois même au détriment de la vérité. Il se trouve que sur le terrain, le constat est tout autre.
Les 34,5 milliards de dollars « attendus » par les exportations selon Sonatrach, ne sont pas le fruit d’un effort intensif interne au groupe mais une conséquence directe des prix du baril qui est passé en moyenne de 42 dollars le baril en 2020 à 71 dollars le baril en 2021.
De quelles performances parle-t-on ? Où sont les nouveaux gisements mis en production ? Il faut préciser qu’une entreprise performante est d’abord celle qui parvient à réaliser ses objectifs, connaît un succès intensif. Et qu’elle soit résiliente, c’est-à-dire capable d’affronter les coups durs, un concurrent très compétitif, et de rebondir.
Pour le cas de Sonatrach, suite aux chiffres avancés par le vice-président de Sonatrach chargé de la planification et de la stratégie, rendu publics par la chaîne 3, succédant aux déclarations du ministre de l’Energie et du PDG lui-même, ils n’ont rien à voir avec la performance.
Ce groupe n’a pas atteint ses objectifs ni en 2020 et encore moins en 2021, malgré la distillation des chiffres et leur présentation en production, commerciale, primaire et exportations, très peu perceptible pour le citoyen non averti, contrairement au regard expert qui dénote d’importantes inconsistances et incohérences, l’avis expert a été demandé avec insistance de la part du Président de la république, à l’occasion du débat sur le gaz de schiste, où il avait clairement appelé à des avis d’experts en la matière pour éclairer l’état sur la prise de décision.
Une analyse détaillée évidente, démontre clairement pourtant, que les engagements et objectifs tant médiatisés durant les deux années 2020, 2021, n’ont évidemment pas été atteints, que les managers eux même se sont engagés pour fixer les objectifs. Comment ?
1- Année 2020
Rappelons pour mémoire que la crise sanitaire déclarée en territoire chinois, usine du monde n’a pu être sérieusement répercuté à travers le monde qu’à partir du premier trimestre 2020, à cette date, Sonatrach produisait déjà en dessous de son quota de production, selon les rapports OPEP, avant la réduction importante, pour atteindre le summum au mois d’avril pour que le prix du baril atteigne une moyenne de 26 dollars parfois négatif dans les transaction à terme à cause du surstockage lié à une mévente due à la récession économique qui a touché pratiquement l’économie du monde entier à laquelle il fallait ajouter quelques erreurs tactiques commises par le géant Saoudien qui a inondé le marché croyant faire mal à la Russie, il a pris dans ce sillage l’ensemble des pays de l’OPEP en tirant une balle dans son propre pied.
Conséquence : la plupart des pays ont revu à la baisse leurs prévision et l’Algérie n’en a pas fait exception. Ainsi dimanche 22 mars, le groupe de Sonatrach a été «chargé de réduire, de 14 à 7 milliards de dollars, les charges d’exploitation et les dépenses d’investissement afin de préserver les réserves de change.» (02) Par la suite et dans le cadre de la loi complémentaire pour l’année 2020, les prix du baril sont passés dans le budget initial de 50 à 40 dollars avec toutes les conséquences qui en découlent.
Le groupe Sonatrach, tenant compte des impacts du Covid-19 sur la base d’un prix de 40 dollars, a retenu une prévision des recettes pétrolières de 24-25 milliards de dollars.
Cette prévision a été faite par les responsables dirigeants de Sonatrach. A la fin 2020, le prix moyen du Sahara Blend a atteint 42.6 dollars le baril. Or les recettes n’ont été que de l’ordre de 20.6 milliards de dollars. Sonatrach n’a toujours pas expliqué le manque à gagner de 3-4 milliards de dollars. Au contraire, Sonatrach essaie de convaincre qu’elle a réalisé une bonne performance en 2020 car selon son argument, le bilan serait positif.
En effet, de point de vue comptable, avoir un bilan positif c’est bien mais pas suffisant, si l’objectif n’est pas atteint, dans ce cas précis, l’objectif était de 24 milliards de dollars, chiffre cité même par les autorités publiques. Le résultat présente un manque à gagner important par rapport aux prévisions sur lesquelles le management de Sonatrach est « comptable » devant les organes sociaux, et le propriétaire : l’Etat.
Ce bilan 2020 devait être encore plus positif de +3 à 4 milliards de dollars qui manquent dans la trésorerie de Sonatrach, qui a demandé un accord pour un endettement du même ordre de grandeur. Il est important de rappeler, que ces prévisions, ont été à l’origine de la déclaration du chef de l’Etat de prendre des engagements sur des recettes attendues de l’ordre de 24 milliards de dollars. Il a, dans ce cadre justement, avancé le montant de 1 900 milliards de dinars de disponibilité pour l’investissement.
Les prévisions de recettes de Sonatrach pour l’année 2020, ont également permis au ministre de l’Energie de prendre des engagements et des prévisions de recettes de l’ordre 23-25 milliards dollars pour l’année 2020. M. Abdelmadjid Tebboune et le ministre de l’Energie n’ont pas avancé ces chiffres de leurs têtes mais sur la base des prévisions du management de Sonatrach et ne leur a pas forcé la main pour avancer la fourchette des recettes de 24 à 25 milliards de dollars donc ce management et l’organe qui a validé ces prévisions assumeront leurs engagements.
En plus de la baisse dans toutes les activités de l’ensemble de la chaîne amont exploration, production, forage ; cette année 2020 et même l’année 2021, le groupe a connu un nombre considérable d’accidents sur des installations industrielles, jamais égalé. Les « Majors » et sociétés pétrolières, considèrent le volet « HSE » et le nombre d’accidents, comme un paramètre clef pour l’évaluation des indicateurs de performances. Le rapport public du ministère de l’Energie concernant le bilan préliminaire 2020, en dit long sur la baisse de l’activité totale de l’ensemble des activités de ce groupe.
2- Qu’en est-il de l’année 2021 ?
Si l’on compare les performances de la décennie 2010, l’année 2019 est la plus mauvaise en baisse par rapport aux années précédentes. Pourtant, l’année 2021 est attendue selon les prévisions annoncées par le PDG de Sonatrach en net recul par rapport à l’année 2019, avec un manque à gagner en milliards de dollars lié au déficit de performances malgré la hausse du prix du baril.
Pourtant, les engagements et les objectifs, annoncés à chaque mise en place du management de Sonatrach sont « l’augmentation de la production et des réserves ». Maintenant si on revient au côté quantitatif, les recettes 2019 sont 33 milliards pour un prix du baril de 62.9$, Or pour un prix du baril estimé à 71 $ en 2021, Sonatrach réaliserait selon les dernières déclarations officielles publiques environ 34 milliards de dollars. (03).
Aussi, il est dit que la production primaire aurait augmenté de 5% par rapport à l’année 2020,soit 185 Millions TEP en 2021, en comparaison à 176 millions TEP en 2020, soit 185 millions de tonnes équivalents pétrole (MMTEP).
Faut-il s’enorgueillir pour autant ? Effet, en partant du principe que la différence entre la production primaire et celle commerciale donnerait le volume utilisé pour les besoins propres de Sonatrach, on obtient pour les 4 dernières années le tableau ci-après qui donne en détail le total produit et celui commercialisé pour déduire ce qui reste pour le maintien de la pression et de la conservation des réserves nationale d’hydrocarbures : ce tableau est synthétisé sur la base des rapports de Sonatrach rendus publics (04)
Année
Destination |
2018 | 2019 | 2020 | 2021 (déduit de ce qui est déclaré publiquement augmentation de 19% export et 5% consommation nationale) |
Production primaire | 192,3 | 187 | 176 | 176 * 1,05 = 185 |
Production Commerciale | 156,1 | 150 | 140 | 159= 81*1,19+59*1,05 |
Volume supposé Réinjectés | 36,2 | 37 | 36 | 26 |
On peut en déduire selon ces chiffres que le gaz à réinjecter qui était en moyenne pour les 3 dernières années de 36,4 MMTEP est descendu en 2021 à 10 MMTEP de gaz en moins dans la réinjection pour le maintien de pression par rapport à toutes les années précédentes. Soit 10 milliards m3 sur l’année, soit la moyenne de : 27 millions m3/j. Or, Selon la déclaration du ministre de l’Energie, en 2021 les exportations en gaz, auraient augmenté de 31%! Y aurait-il une conclusion à en déduire ?
Rabah Reghis
Renvois
(01)-https://sonatrachitalia.it/sonatrach-pronta-a-nuove-sfide-in-italia-con-la-raffineria-di-augusta/
(04) Rapport annuel de Sonatrach 2018, 2019, 2020
Scandale de la raffinerie Augusta : Ould Kaddour est une pièce du puzzle