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Sonatrach : des cadres s’inquiètent de l’ampleur du lobbying de Petrofac

DECRYPTAGE

Sonatrach : des cadres s’inquiètent de l’ampleur du lobbying de Petrofac

Toute porte à croire que la crise politique dans laquelle est plongée l’Algérie ces derniers jours arrange les affaires d’Ould Kaddour, « pressé d’octroyer les dernières affaires » à ses amis, lit-on dans une dénonciation anonyme selon toute vraisemblance de cadres supérieurs, honnêtes et soucieux de l’intérêt suprême du mastodonte et de ce qu’il représente pour le pays.

Ainsi après l’entrée en grande pompe d’ExxonMobil pour l’exploitation des ressources non conventionnelles, la création d’une joint venture pour la commercialisation des produits pétroliers sans compter la délocalisation du raffinage de Suisse en Sicile, le 13 mars dernier la société britannique Petrofac avait remporté un contrat de 1 milliard de dollars pour le champ  gazier d’Ain Tsila.

Selon cette source anonyme cela ne va pas s’arrêter là. Car cette société qui s’est avérée la moins disante de tous les soumissionnaires dans l’appel d’offres de la raffinerie de Hassi Messaoud estimé à 4 milliards de dollars, tente à travers son lobby de peser de tout son poids pour le concrétiser avant les prochaines élections présidentielles de crainte du changement du management de Sonatrach.

Il faut rappeler que cette entreprise, spécialisée dans l’ingénierie pétrolière et gazière est présente dans 24 pays dans le monde mais réalise les 25% de son chiffre d’affaire en Algérie.

Comment est-elle arrivée à cette performance financière en Algérie ?      

D’abord par la même méthode qu’utilisent  de nombreuses compagnies pétrolières en Algérie, à savoir la création de leur propre lobby en l’entretenant par le biais des versements des commissions et des pots-de-vin.

Cette britannique est entrée en Algérie en 2000 dans le cadre du projet Ohanet comme soi-disant un investisseur au moment même où le pays en recherchait pour booster le secteur des hydrocarbures afin d’augmenter ses réserves qui constituent sa principale ressource qui lui assure des recettes pour ses différents besoins. A peine quelques mois après, la compagnie australienne BHP Billiton a délégué Petrofac pour la réalisation de toutes les installations du champ d’Ohanet, dans le cadre du contrat à risque pour le développement du gaz dans cette région. Le montant forfaitaire de cette prestation était de 1 milliard de dollars. Petrofac détenait 10% de l’investissement de ce projet.

Le champ de l’Ohanet a été reversé à la Sonatrach, suite à l’expiration du contrat en octobre 2011.En 2007, l’association Sonatrach/BP/Statoil Sonahess a confié à Petrofac, un contrat de 665 millions de dollars, pour la mise en place d’une compression de gaz à Krechba. Le 6 octobre 2008, Petrofac a été sollicitée pour la réalisation d’études pour le développement de gisements de gaz des champs de Tinrhert et d’Ahnet ainsi que ceux de Menzel Ledjmet Sud-Est. Le gros lot durant cette période pour cette compagnie a été réalisé le 3 mars 2009, lorsque le groupement Berkine : Sonatrach/Anadarko, a confié à Petrofac, la réalisation en  EPC des installations de CPF El Merk, pour un montant de 2.3 milliards de dollars.

Le 11 avril 2011, la société In Salah Gas (ISG), une filiale commune entre Sonatrach (35%), BP (33%) et Statoil (32%), a attribué à Petrofac, le contrat de réalisation en EPC du projet In Salah Gas pour un montant de 1.2 milliard de dollars. Ce projet de développement des quatre (04) champs du Sud d’In Salah Gas, en vue de maintenir le plateau de production de gaz naturel à 9 milliards de m3/an. Le 31 juillet 2013, Sonatrach a signé avec le groupement Petrofac, un contrat de réalisation des installations de séparations et de Boosting d’Alrar dans la région de Stah à In Amenas pour un montant de 52.878.090.785 dinars, équivalent à près 700 millions de dollars. 11 mois plus tard, soit le 11 juin 2014, le groupement Reggane composé de Sonatrach/Repsol/Rwe Dea Ag/Edison a attribué à Petrofac le contrat de réalisation des installations pour le projet Reggane Nord de la consistance en EPC des Installations de surfaces, réseaux de collecte et de pipeline d’expédition pour un montant de 976 millions de dollars. Une année avant, son lobby qui a atteint le summum de sa puissance avait tenté d’imposer la création d’un joint-venture entre Sonatrach et Petrofac. Mais la résistance des cadres du groupe pétrolier algérien avait repoussé cette tentative.

Elle a profité du malheur de l’Algérie lors de l’attaque du champ gazier de Tiguentourine pour rafler un dédommagement de plusieurs centaines de millions de dollars pour avoir  immobilisé son personnel pour un contrat non encore mis en œuvre.

Comme toutes ses consœurs, si elle est propre en Algérie, elle ne l’est pas dans son pays                         

Il faut préciser d’emblée que cette société comme avant elle Anadarko, Saipem et ExxonMobil font leur beurre dans des pays à gestion opaque mais se font épingler dans leurs propres pays souvent pour fraude fiscales ou versement de pots-de-vin. Pour Petrofac, ses fondateurs sont toujours poursuivis en Grande Bretagne pour ces mêmes chefs d’accusation (01). Ainsi lit-on dans le dossier dont les liens se trouvent dans les renvois ci-dessous 

Le co-fondateur de la compagnie pétrolière Petrofac a été accusé à titre posthume d’avoir participé à un stratagème visant à verser des pots-de-vin de plusieurs millions de dollars pour garantir des contrats. Les affirmations du Serious Fraud Office (SFO) qui est une agence du Gouvernement du Royaume-Uni, dépendant du ministère de la Justice contre Maroun Semaan, décédé il y a deux ans, ont été révélées dans le cadre d’accusations portées devant un tribunal contre David Lufkin, ancien haut dirigeant de Petrofac.

L’autre cofondateur de la multinationale est Ayman Asfari, d’origine syrienne, l’actuel patron de la société et un important bailleur de fonds du parti conservateur  anglais. Avec son épouse, Asfari a fait don de près de 800 000 livres sterlings au parti conservateur britannique depuis 2009. Il a été arrêté et interrogé mais libéré sous caution en mai 2017 par le SFO en attendant l’aboutissement de l’enquête sur cette affaire de financement occulte. En effet, cet organe gouvernemental a ouvert son enquête en 2017 sur des dénonciations  qui ont révélé que Petrofac aurait versé des pots-de-vin et blanchi de l’argent.

L’enquête suit son cours pour clarifier l’utilisation d’intermédiaires. Le SFO avait débuté cette investigation sur Petrofac dans le cadre d’une enquête plus large sur Unaoil, un cabinet de conseil pétrolier et gazier basé à Monaco. Petrofac a déclaré en février dernier qu’elle s’attendait à ce que ses cadres supérieurs soient interrogés dans le cadre de cette enquête. Suite à cette dernière, le cours de l’action de la société est passé de 9 livres à 3,47 livres.

Pourtant au début de cette année, le cours avait remonté, mais il est depuis retombé à 4 livres à cause de ce scandale. Lors de la première poursuite résultant de l’enquête, David Lufkin, l’ancien responsable des ventes de Petrofac, a plaidé coupable de 11 chefs de corruption devant le tribunal de première instance de Westminster, à Londres, le 6 février 2019. Le Britannique, âgé de 51 ans, a reconnu avoir offert  des versements frauduleux pour obtenir des contrats d’une valeur de 3,5 milliards de dollars en Arabie saoudite et de 730 millions de dollars en Iraq. Les actions de Petrofac ont chuté de plus d’un quart après l’annonce de son plaidoyer. Ce qui explique leur blacklisting dans ces deux pays.

D’autre part, le SFO a reconnu que Semaan était complice de six chefs d’accusation de corruption présumée. Selon les procureurs en charge du dossier, Semaan aurait agi avec Lufkin et d’autres pour offrir des incitations financières aux dirigeants irakiens et saoudiens entre octobre 2011 et février 2013.
Semaan a pris sa retraite de l’entreprise en juillet 2013.

R.R.

Renvois : dossier complet livré par la presse britannique

(01)- https://www.theguardian.com/business/2019/feb/17/petrofac-co-founder-accused-posthumously-bribes-maroun-semaan                                                                                                           bourse.com/PETROFAC-LIMITED-4005555/actualite/Petrofac-un-ancien-dirigeant-devant-la-justice-pour-corruption-27975874/

https://www.theguardian.com/uk-news/2019/feb/07/british-former-oil-executive-pleads-guilty-to-bribery
https://www.reuters.com/article/us-petrofac-italy-saipem-court/italy-court-upholds-fine-on-petrofac-ceo-for-alleged-insider-trading-on-saipem-shares-idUSKBN1QU287

Auteur
Rabah Reghis

 




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