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Sonatrach : les conséquences d’une approche immobiliste de vente de gaz  

COMMENTAIRE

Sonatrach : les conséquences d’une approche immobiliste de vente de gaz  

Il y a quelques semaines seulement dans son bilan du premier semestre 2019, le géant italien ENI, principal client gazier de l’Algérie, révélait la baisse « dramatique » des exportations algérienne vers l’Italie durant ces premiers mois de l’année en cours. (01).

Ces volumes y compris le gaz naturel liquéfié (GNL) qui étaient de 6,48 milliards de m3 durant la même période en 2018 sont redescendus  à 3,73 milliards de m3 de janvier à juin 2019 soit une baisse de 42,4%. Le rapport relève que cette baisse drastique non attendue, devait le contraindre pour faire de la gymnastique afin de combler ce déficit qui a certainement causé une perturbation dans la programmation de la compagnie italienne qui a réussi à trouver son salut là où on ne s’attendait pas.

En effet, la Libye en plein guerre civile et dans une instabilité depuis plusieurs années a fait un effort pour une disponibilité de plus de 1,1 milliard de m3. Hier, une dépêche de l’agence Bloomberg depuis le Caire (02) nous apprend qu’un certain El Hachemi Mezighi qui se dit vice-président du marketing du mastodont leur déclarait sans «rougir » que « les clients européens de Sonatrach ont considérablement réduit leur demande en gaz conventionnel en provenance d’Algérie, entraînant une chute de 25% du niveau des ventes escompté cette année ». Ce n’est que maintenant après avoir perdu tous ses cadres avec des installations obsolètes que cette entreprise se réveille pour penser à transformer une grande partie de son gaz pour en GNL pour se tourner vers l’Asie en vente directe.  

1- Pourtant cette situation ne date pas d’aujourd‘hui mais menaçante depuis 2012 

Le marché gazier représente une part importante des exportations de l’Algérie, la`situation semble s’empirer de plus en plus. En effet, la section parisienne de l’association Cedigaz n’a pas mis les gants pour présenter dans son rapport une analyse pessimiste du marché du gaz. Il est indolent à cause de la crise de l’euro. Ceci n’a pas épargné le commerce global du gaz aussi bien celui naturel liquéfié (GNL) que le traditionnel par gazoduc.      

Ainsi, le gaz russe qui arrive en Europe a perdu près de 4% en 2012 pour se stabiliser autour de 701,5 milliards de m3, à cause du ralentissement des activités dans les principales zones de consommation européennes et dans la Communauté des Etats indépendants (CEI) qui concentrent ensemble la plus grande partie des flux gaziers internationaux. En dépit d’une très forte demande du marché asiatique du GNL, dans sa globalité, cette ressource n’échappe pas à la crise.

En effet, l’offre mondiale de GNL a chuté de 2,2%. En général, les transactions internationales du marché gazier sont ralenties de 0,8% pour un volume d’échanges de 1015 milliards de mètres cubes. L’association situe les causes de ce ralentissement qui selon toute vraisemblance va durer dans le temps, aux incertitudes du climat économique, aux tensions géopolitiques et surtout aux problèmes de sécurité dans les pays arabes. La consommation globale de gaz naturel s’est établie à 3348,7 milliards de m3, soit une faible hausse de 2,2% par rapport à 2011 et cela a effectivement continué, ce qui est pour le moins qu’on l’on puise dire un taux de croissance inférieur à la moyenne des dix dernières années à 2,7%.

En 2001, la consommation avait crû de 2,8%. Le développement rapide des gaz de schiste a été la cause des nombreuses difficultés rencontrées par les producteurs traditionnels qui ont dû faire face à une concurrence accrue. Il faut ajouter à cela l’abandon progressif des contrats de longue durée, au-delà de 20 ans dans les transactions commerciales du gaz qu’il soit naturel ou liquéfié qui n’est plus un choix délibéré comme on le laisse entendre mais une contrainte imposée par le nouveau contexte juridico-économique dans les principales zones de consommation.

L’avancée considérable vers une politique énergétique commune des principaux pays européens, la révolution du gaz de schiste aux Etats-Unis et ses suiveurs vont à court terme ramener les prix du gaz à la baisse et c’est le cas aujourd’hui.

Cette situation offrira la possibilité aux consommateurs d’avoir un choix au moment où leurs économies ont en vivement besoins. Donc, Sonatrach et à travers elle l’Algérie aurait pu tenir compte de ces nouvelles donnes pour ajuster sa stratégie. Cette démarche l’obligera de voir ses clients avec œil nouveau, en tout cas très loin de celui des années 60.  

2- Une nouvelle approche commerciale est impérative

Dans ce nouveau contexte commercial, ce type de contrat fondé sur le principe du partage de risque, ne serait pas favorable pour le consommateur et encore plus pour le producteur du gaz, pourquoi et comment ?

L’Algérie a toujours rencontré des difficultés dans les pays de la rive sud de la méditerranée pour trouver un débouché pour son gaz. Même si l’on s’aligne sur l’idée que le contrat historique entre Sonatrach et la société El Paso Natural Gas portant sur une capacité de 20 milliards de m 3 sur 25 ans comme une mauvaise affaire pour l’Algérie, on ne doit pas non plus oublier tout de même que ce contrat a été proposé au géant américain après le refus des compagnies Françaises sans compter la préoccupation pressante pour commencer à recevoir un retour sur les investissements consentis pour le développement du champs de Hassi R’mel , le transport et la liquéfaction du gaz à commercialiser.

Aujourd’hui avec Medgaz vers l’Espagne et celui du Galsi vers l’Italie, on peut se demander si cette entreprise n’a pas tiré de leçons des différents problèmes qu’elle a eu avec les pays européens dés ses premières années d’exportation. Intègre t- elle ces nouvelles donnes dans sa stratégie gazière à long terme ?

La dérégulation du marché du gaz est très avancée aux Etats-Unis et en Grande Bretagne. L’Europe qui vient de se lancer dans ce processus a commencé à ressentir ses effets sur les prix du gaz.  Le principal objectif que vise la libéralisation de l’énergie est le développement des marchés « spot », qui permettent à leur tour des échanges directs sur le court terme avec une multiplicité des acteurs. Cette nouvelle configuration du marché aura une influence directe sur l’équilibre offre/demande et par voie de conséquence sur les prix. Le but visé est que ces prix serviront de référence aux contrats moyens – long termes. Il est clair que d’un tel contexte de relation entre les différents acteurs naîtra une forte concurrence et une fluidité des prix  qui rendront difficile la visibilité sur le long terme d’où l’hésitation d’engagement sur de longues périodes. En effet, une forte fluctuation des prix augmente le risque des investissements du type capitalistique à consentir dans ce genre d’activité. Actuellement dans le marché américain, les contrats long terme ont laissé la place à ceux de moyen terme (10 ans) et qui représentent environ 50% des transactions, le reste est dédié au marché spot.

Le marché Britannique quant à lui reste à 80% sur une logique  de moyen long  terme. En Europe, le marché spot est dans ses débuts mais ne tardera pas à réorienter ses références.

Aujourd’hui le fioul lourd et celui domestique ne suffisent plus à eux seuls de servir de base pour  l’indexation des prix du gaz dans les contrats à long terme parce que cette source d’énergie s’impose d’année en année dans tous les secteurs et notamment celui de l’électricité.

La production d’un MWh d’électricité dans une centrale à gaz à cycle combiné de rendement 50%, dégage 0,38 tonne de CO2 contre 0,99 tonne de CO2 dans une centrale à charbon  à rendement de 35%. Avec un prix de permis d’émission d’environ 32$ la tonne de CO2, on obtiendra une différence de coût de production de 19,52 $/MWh. Avec une telle performance, il serait donc possible que les formules d’indexation s’éloignent en partie des produits pétroliers pour d’avantage s’appuyer sur les prix spot ou à terme du gaz et pourquoi pas sur ceux de l’électricité.

Donc avec de telles perspectives, un accord sérieux entre l’Algérie et la communauté européenne qui tarde à venir et surtout un taux de couverture des importations en perpétuelle augmentation justifient amplement les inquiétudes suscitées. Mais tout porte à croire que le management de Sonatrach se préoccupe uniquement de ses salaires en annonçant aux citoyens des problèmes mais jamais les solutions pour lesquelles ils sont payées.                                          

R. R.

Renvois 

(01)- https://www.eni.com/docs/en_IT/enicom/publications-archive/publications/reports/reports-2019/Interim-consolidated-report-June-30-2019.pdf  

(02)-https://www.worldoil.com/news/2019/11/22/algeria-squeezed-in-europe-s-gas-market-by-a-flood-of-lng

 

Auteur
Rabah Reghis

 




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