Mercredi 24 juin 2020
Sonatrach renoue avec l’innovation et le partenariat de recherche
Une note émanant de la direction centrale Recherche et développement adressée aux universités sollicite de lui communiquer «toutes les idées novatrices relatives à l’industrie pétro-gazière, identifiées et développées par ses experts ainsi que la liste des professeurs & chercheurs en précisant leur domaine de compétence ».
Cette lettre qui vise la création d’un partenariat/pôle d’excellence en englobant les structures de recherche propres à Sonatrach, l’Institut algérien de Pétrole, la division exploration, la division laboratoires, n’a pas été avare d’arguments notamment en matière de perspectives et du contexte actuel de l’industrie pétrolière et gazière jugée par Sonatrach comme « complexe » pour l’affronter avec vigueur accompagnée « de nouvelles percées technologiques ».
Le mastodonte selon cette approche ambitionne de jouer un rôle « d’incubateur » dans les universités et les centres nationaux de recherche en tant garant de la sécurité énergétique et premier operateur économique dans ce domaine, aile dorsale de l’économie nationale. Par cette démarche, la Sonatrach vise à « capter au moment opportun les avancées technologiques « les plus prometteuses » pour les adapter à ses activités aussi « rapidement que possible.» Cette cohérence semble profiter des axes tracés par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MERS) depuis septembre 2019. Cette structure de Sonatrach a été chargée pour entériner d’une manière déterminée cette fois- ci une stratégie offensive pour accélérer l’effort de recherche afin de répondre aux besoins et les problématiques de tout le groupe d’une manière efficiente pourquoi pas optimale.
La consolidation de la coopération lit-on dans cette note devra se faire à travers trois paliers qui sont la formation, la recherche et l’innovation. Quant à la forme, Sonatrach vise les universités, les écoles d’excellence et les institutions à caractère scientifique et technique pour créer des passerelles dans les deux sens des chercheurs pour des échanges fructueux et innovateurs.
Cela pourrait être un « entreprenariat » à travers des échanges d’idées, une relation contractuelle via des contrats et mémorandums d’entente pour des formations et des stages d’études supérieurs enfin le partage des installations particulièrement les laboratoires et « les parcs scientifiques ». Cette liste sollicitée complétera celle en cours d’élaboration par le CRD de Sonatrach dans le seul but « de mettre en place un important réseau d’experts et un annuaire d’éminents chercheurs en national et international.»
Aussi, Sonatrach s’est dotée dernièrement, suite à une décision du PDG, d’un conseil scientifique et technique (CST) composé de plusieurs personnalité scientifiques nationales exerçant en Algérie et à l’étranger. Le CST est un organe consultatif qui a pour rôle d’assurer la cohérence de la politique scientifique de Sonatrach et d’émettre des avis et des recommandations sur l’ensemble des aspects relevant du domaine de la recherche et du développement au sein de Sonatrach. Le CST à également pour mission, entre autre : La validation de la stratégie et du portefeuille projets de la DC R&D, le suivi de l’activité de la DC R&D ainsi que l’évaluation de sa performance, en termes d’avancement des projets, et l’orientation de la coopération et du partenariat avec les organismes de recherche au niveau national et international.
Sonatrach serait-elle en train de réparer les erreurs du passé ?
Rappelons pour mémoire qu’au début des années 90 et dans le cadre de son redéploiement stratégique qui semble être imposé par des circonstances particulières que tout le monde connaît et qu’il est inutile de rappeler ici, l’Etat a décidé de mettre à la disposition de l’Enseignement Supérieur tous les établissements d’enseignement supérieur sous tutelle des autres secteurs entre autres le bâtiment, l’industrie lourde et légère, le commerce etc.
Mais nos stratèges dans une conférence nationale organisée à l’initiative de Liamine Zeroual ont vivement recommandé la capitalisation, la consolidation et surtout la fertilisation de l’expérience des Algériens en matière de pétrole et gaz. S’appuyant sur le charbonnage en France, ils ont constaté que même s’il n’y a plus d’exploitation de mines de charbon en France, les charbonniers ne chôment pas car ils trouvent le travail dans les quatre coins du monde parce qu’ils ont su consolider leur expérience dans ce domaine.
Alors pourquoi pas les Algériens, le pétrole est une source tarissable, les pétroliers sauront vendre un jour ce métier à condition bien entendu de ne pas le laisser s’effriter, le renforcer et pourquoi pas le transmettre d’une génération à une autre. Comment ? Il fallait que l’Etat se dote d’un instrument puissant et assez rôdé pour lui permettre de réaliser cet objectif.
L’Institut algérien du Pétrole, avec les investissements énormes consentis par l’Etat pour former des chercheurs pratiquement dans tous les pays développés notamment les USA, des laboratoires de recherches avec des équipements sophistiqués, un site agréable, remplissait toutes les conditions pour cette noble tâche. Une décision est donc prise pour garder cet institut sous l’égide de l’énergie et les mines et lui élaborer un programme pour concrétiser dans les faits ces vœux de l’Etat. Depuis cette date que nous situons autour de 93/94, ce fleuron de l’industrie des hydrocarbures n’a fait que subir les humeurs de chacun des ministres qui passent. Et ils sont nombreux ! Chacun d’eux vient avec une vision différente de l’autre. Et c’est au rythme de ces visions que cet institut a continué de danser jusqu’à sombrer vers les années 2007/2008.
Ce rythme qu’il lui a été imposé lui a fait perdre d’abord ses cadres formés à coup de devises et récupérés par des sociétés étrangères qui concurrencent actuellement Sonatrach, transformer ses laboratoires en bureaux pour le tricotage de secrétaires etc. Chakib Khelil n’a fait en fait que donner le coup de grâce à cet établissement en respectant les consignes qu’il avait ramenées dans ses valises. Le trouvant à terre et vidé de sa substance, il a décidé de le privatiser, ouvrir son capital aux sociétés étrangères. Aujourd’hui de nombreux responsables s’étonnent de ce résultat mais Chakib Khelil n’a jamais caché son penchant ultralibéral.
En dépit de plusieurs lettres, articles, et entretiens directs, pour ce Monsieur le prix du savoir ne peut être défini que par l’offre et la demande sans même offrir les conditions minimales d’une compétitivité loyale ou se rendre compte que du pays d’où il vient, on privatise tout sauf le savoir voire même l’importer même du monde arabe. Sous l’œil de celui qu’il l’a ramené, il a donc entamé un vaste démembrement de ce centre du savoir que les cadres supérieurs de l’Etat en constatent les dégâts aujourd’hui.
R. R.