Lu dans la presse : « La ministre de la Culture et des Arts, Soraya Mouloudji, a annoncé, lundi à Alger, l’installation, aujourd’hui mardi, d’une commission nationale pour la préservation du patrimoine matériel et immatériel, qui regroupera plusieurs secteurs et organismes. »
Comme toujours dans les dictatures militaro-civiles, on est inondé de bons sentiments et de propositions qui paraissent inattaquables tant elles seraient dans la lettre, porteuses de progrès et de promesses d’avenir.
On pourrait en recenser dix par jour dans la presse algérienne. La question est régulièrement posée à la réflexion des démocrates, doit-on laisser de côté le combat politique pour des propositions qui paraissent positives et à priori non politiques ?
La réponse est assurément non car tout ce qui touche à la gestion de la cité est par définition politique. La justification de ce refus absolu de ma part tient en trois points, le statut de la personne qui propose le projet, le régime politique qui le soutient et le détournement de l’objectif annoncé. Tout cela en une relation qui lie chaque point au précédent.
I/ Une ministre technique ou politique ?
Soraya Mouloudji est présentée comme une brillante universitaire au CV long comme trois bras. En principe, l’objectivité de mon analyse s’effondrerait si je mettais en doute ses compétences sans étayer des arguments. Mais rien ne m’interdit de me questionner pour les raisons que je mentionnerai à la fin de cet article.
Soraya Mouloudji est à l’image de la tonne d’universitaires algériens qui ont rejoint les institutions politiques de l’état sous couverture qu’ils ne font pas de la politique mais mettent leurs compétences au service du pays.
Autrement dit, Soraya Mouloudji ne prétendrait pas être une femme politique mais ce qu’on appelle habituellement une « ministre technique ». Autrement dit, elle serait issue de la société civile sans orientation partisane et politique.
Soraya Mouloudji est entré dans un gouvernement algérien, par deux fois. Qui peut sérieusement prétendre qu’un gouvernement n’est pas une instance politique ? Un(e) ministre technique signifie seulement que sa compétence est directement liée à la mission d’un ministère. Un médecin au ministère de la santé, un ingénieur à celui de l’industrie et ainsi de suite.
Mais dès son premier pas dans un gouvernement, il ou elle devient une personne politique, comme ses collègues. Soraya Mouloudji est au cœur de la décision politique d’une instance exécutive. Un gouvernement nécessite par nature une solidarité de ses membres. Les ministres sont donc des hommes et femmes politiques. Politis veut dire dans son étymologie « ensemble des citoyens », c’est-à-dire le socle de la politique. La culture ne peut en être extraite.
Soraya Mouloudji est donc une femme politique qui ne peut être exclue d’une appartenance au régime politique algérien. Elle a accepté d’y être, elle en assume entièrement la responsabilité de le légitimer.
2/ La ministre d’un régime sclérosé
Le second point qui découle du premier est de constater que ce régime politique dont elle s’identifie est violent et liberticide. Soraya Mouloudji assume la terreur et la corruption des dirigeants du pays.
Elle est une femme politique dans un régime pour lequel elle a mis à disposition ses compétences. Ce second point n’a pas besoin de plus d’arguments tant il est évident.
Il nous reste le troisième qui boucle la chaîne de mon accusation très sévère, c’est le moins que je puisse la qualifier.
3/ Un détournement de la culture pour une histoire falsifiée
Une dictature ne dure que par trois causes. La terreur, la compromission de beaucoup mais aussi par le soutien populaire massif, par adhésion volontaire ou illumination.
Or cette dernière cause est nourrie par un profond abrutissement des jeunes élèves scolarisés dans une éducation nationale totalement au service du régime politique qui le tient d’une main de fer. Par effet d’enchaînement l’art et la culture finissent par être modelés par la propagande d’une réécriture de l’histoire au bénéfice de l’état autoritaire.
Soraya Mouloudji légitime par sa fonction cette politique culturelle de détournement par endoctrinement. Elle est directement responsable de la politique génocidaire des esprits.
Et qui mieux qu’une anthropologue peut participer à ce vaste projet de déculturation ? Anthropologue par formation, sa spécialité est donc l’ensemble des sciences qui étudient l’homme en société.
Et l’un de volets de cette science humaine est l’anthropologie culturelle qui se définit par l’étude des croyances et des institutions d’un groupe, conçues comme fondement des structures sociales et envisagées dans leurs rapports avec la personnalité (dictionnaire).
Comme responsable de la déculturation de la personnalité, on ne pouvait pas mieux désigner meilleure candidate que Soraya Mouloudji par ses compétences construites dans l’université algérienne.
Pour conclure, je reviens à ma réserve sur le sérieux de ses compétences dans son enseignement comme dans ses publications. Nous ne pouvons en douter une seule seconde, ils sont entièrement fondés sur une étude anthropologique construite par le cerveau endoctriné de Soraya Mouloudji.
Finalement, à y réfléchir, je retire le mot réserves pour son niveau universitaire pour le remplacer par une certitude de supercherie universitaire.
Boumediene Sid Lakhdar