Mercredi 1 mai 2019
Souveraineté du peuple indépendance de la justice et usage du pouvoir
Khaled Nezzar a révélé que le 2 avril n’a pas été le fruit du mouvement populaire et il a exprimé ses regrets sur les évènements de la décennie noire pour laquelle l’ANP est trainée en justice.
Le général-major Gaïd Salah se concentre de plus en plus sur le traitement des dossiers relatifs aux torts très lourds causés au pays par des dignitaires du système et des opérateurs économiques. L’ANP s’évertue à faire assainir par la justice des cas de dilapidation des deniers publics. Cette antienne est à mettre en perspective avec celle relative au discours politique subordonnant la sortie de la crise au respect du seul article 102 de la Constitution.
Faut-il comprendre que les dossiers relatifs aux atteintes portées à l’économie ne peuvent être traités qu’avec un fort soutien du haut commandement de l’ANP ?
Le discours perd de son ambivalence : le peuple n’a pas encore gagné sa souveraineté. Par ailleurs, l’ambiance de la lutte pour cette dernière est polluée par la mise aux arrêts de Issad Rebrab. Pour lui davantage encore que pour d’autres, l’emprisonnement ne contribue pas à la récupération de ce que l’Etat doit recouvrer sur les mauvais usages qui ont été faits des ressources de l’Etat et d’entreprises et de banques publiques, mais aussi de devises du pays.
Il n’entre pas dans notre intention d’accabler (ni de disculper) qui que ce soit. Il appartient à la justice de décider sur la base des dossiers. Il reste que certains écrits s’attachent à blanchir cet homme d’affaires. Entrepreneur respectable s’il en est, Rebrab a déployé des activités ici et à l’étranger. Que les travailleurs employés dans diverses activités locales de l’intéressé manifestent leur mécontentement parce qu’ils se sentent menacés de chômage, c’est tout à fait compréhensible ; mais que des intellectuels, dont des économistes, le défendent comme des avocats sans être désignés comme tels, c’est plus difficile à lire.
D’une part, l’intéressé a développé une stratégie monopolistique : son activité principale est restée le raffinage de sucre et d’huiles bruts importés. Il a préféré l’occupation du marché en quasi-monopole à la décision de remontée dans l’échelle des valeurs : il a attendu vingt ans pour se décider à envisager la trituration des graines oléagineuses ; il a rencontré la décision de l’administration qui aurait privilégié un concurrent arrivé avant lui. Mais, entretemps, il a déployé des activités dans différents pays étrangers.
Si on connaît les ressources et les activités qui ont alimenté son accumulation primitive dans le pays en dinars, celles qui ont servi de base à l’accumulation primitive en devises n’est pas élucidée ; or, en Algérie, le contrôle des changes a toujours été prégnant.
Un opérateur qui exporte toute sa production d’extraits de kharoub n’arrive pas à obtenir l’autorisation d’ouvrir un bureau de représentation à l’étranger, qui lui permettrait de doper fortement ses exportations, et ce, en dépit de démarches assidues depuis longtemps.
La sérénité doit permettre à la justice de traiter les dossiers sans esprit de vengeance ni de chasse aux sorcières. L’appareil judiciaire a besoin d’échapper à toute subordination. Il lui appartient de traiter les dossiers qu’il décide; la justice ne doit être ni sélective ni expéditive.
La récupération par le pays de ce qu’il a perdu par le fait de comportements indélicats ne doit pas empêcher ni même simplement retarder la transition demandée par le peuple. Or, la demande du peuple est fustigée par la voix autorisée comme crise dont la sortie suppose, en bonne logique, d’éradiquer le mouvement populaire, au besoin par la répression.
Ahmed Gaïd Salah détient des pouvoirs qu’aucun militaire n’a possédés jusque-là. L’usage qu’il en fera projettera le pays dans une nouvelle ère ou le conduira au chaos. Mais, a-t-il entendu les regrets de Nezzar ? Le dicton du terroir dit : « Il vaut mieux passer la nuit avec de la colère qu’avec des remords [pour lesquels il n’y a pas de médication] ».