Il y a treize ans, le peuple syrien se soulevait contre le pouvoir en place. Après des années de guerre, le régime de Bachar el-Assad a réussi à reprendre le contrôle d’une grande partie du pays. Il s’efforce aujourd’hui d’opérer une réhabilitation de son image sur la scène internationale alors que la population syrienne continue de faire face à la pauvreté et à la violence.
Le premier pas vers la normalisation a été régional, avec le retour de la Syrie dans la Ligue arabe l’année dernière. Mais les résultats restent mitigés, estime Thomas Pierret chargé de recherche au CNRS : « Il y a une normalisation totalement achevée, par exemple avec les Émirats arabes unis, qui reste en cours avec l’Arabie saoudite. C’est-à-dire qu’il y a certains dossiers qui restent encore en discussions. Ceci dit, il y a deux pays qui ont joué un rôle important dans la normalisation des dernières années qui sont la Jordanie et l’Égypte qui sont assez déçus des résultats. Certains diplomates de ces pays estiment qu’ils ont fait beaucoup de concession au régime et que lui n’a pas donné grand-chose en retour. »
Côté occidental, le directeur de l’ONG humanitaire franco-syrienne Mehad regrette une volonté affichée de tourner la page sur le conflit : « L’impression, c’est que la communauté internationale est dans une contradiction. D’un côté, les sanctions économiques contre la Syrie sont toujours en cours, mais en même temps les bailleurs de fonds institutionnels parlent de la normalisation des relations avec le régime syrien et de son redressement post-conflit. Or le conflit est toujours en cours, donc on ne peut pas dire que la situation est normale, comme si rien ne s’était passé. »
Je vais essayer de plus parler du cas de la Syrie 🇸🇾 au main duu terroriste Bachar pic.twitter.com/Ceqs9SuVPk
— AL-YASSINE 105 🇵🇸🇩🇿 (@762x39mm_AK47) March 8, 2024
Une situation humanitaire catastrophique face au désintérêt international
Sur la scène internationale, l’ONG estime que les regards se sont détournés du sort de la population syrienne. Pourtant, loin de s’améliorer, la situation humanitaire s’aggrave de jour en jour, alerte l’ONG Mehad.
« Selon les collègues qui vivent et travaillent dans les zones contrôlées par le gouvernement syrien, les populations souffrent des pénuries de médicaments, des problèmes liés à l’accès aux soins, à cause du manque d’argent. Il y a aussi le manque de nourriture à cause des sanctions instaurées par la communauté internationale sur le pays. Il y a un manque des bailleurs de fonds pour financer des projets humanitaires », explique le directeur de l’ONG.
Mego Terzian précise qu’ils étaient même obligés de réduire leurs opérations. « Malheureusement, on prend des décisions douloureuses pour les populations que l’on tente d’aider. En parallèle de cela, le Programme alimentaire mondiale – une branche humanitaire des Nations unies – a annoncé qu’il n’avait plus les moyens de continuer la distribution de nourriture en Syrie en 2024. Ce qui est très grave, notamment pour les populations déplacées dans le nord-ouest et le nord-est du pays. »
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Un niveau de violence inédit
Dans le pays, le niveau de violence est aussi au plus haut depuis octobre, avec des civils visés par les bombardements et un nombre incalculable de crimes de guerre. « La Syrie, aussi, a besoin d’un cessez-le-feu », dit une commission d’enquête de l’ONU.
Les violences depuis octobre sont donc les plus importantes en quatre ans, indiquent les experts. Pourquoi octobre ? Car c’est à cette époque qu’une attaque de drones a lieu contre une académie militaire dans la ville de Homs, explique le correspondant de Rfi à Genève. Le bilan de cette attaque est d’au moins 63 morts, peut-être plus. Damas accuse des groupes terroristes, terme qui peut aussi bien désigner des groupes rebelles islamistes que le groupe jihadiste de l’État islamique, toujours actif dans la région.
En représailles, le régime syrien a intensifié ses attaques sur les zones rebelles, avec l’aide de l’armée russe. Des hôpitaux, des écoles, des marchés, des camps de déplacés ont donc été pris pour cible. Autant d’actes qui constituent des crimes de guerre. Même si toutes les parties au conflit ont globalement ciblé les civils, dit le rapport.
L’autre conséquence de ce regain de violence se mesure à l’étranger. Cela fait sept ans qu’on n’avait pas vu autant de Syriens demander l’asile en Europe. Quant au conflit à Gaza, tout proche, il a également un impact en Syrie, puisque Israël a augmenté ces derniers mois ses bombardements contre des milices iraniennes, présentes en Syrie.
Rfi