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Système dégage, y en a marre de ce pouvoir, «telgou rebna » !

DISSIDENCE CITOYENNE

Système dégage, y en a marre de ce pouvoir, «telgou rebna » !

C’est le cri d’un peuple qui a participé à l’écriture de l’une des plus belles pages de l’humanité et l’appel pressant d’une patrie. Il s’est libéré du joug colonial après 132 ans d’occupation et de domination.

C’est l’histoire d’un peuple dont les racines plongent dans les profondeurs de l’existence, d’un peuple qui a toujours su relever la tête. Des hommes et des femmes courageuses ont sacrifié ce qu’ils ont de plus cher pour que l’honneur et la dignité de son peuple ne soient pas spoliés. Ils ont jeté les bases d’un état qui devait être social, moderne et démocratique.

Juillet 1962 : l’indépendance. Révolution confisquée, détournée, dévoyée. D’autres s’accaparent les rênes du pouvoir. Très vite ils enterrent le rêve de novembre, écartent les hommes, falsifient le destin, et détournent le fleuve. Pendant des décennies, le peuple, tétanisé, traumatisé, assiste, le cœur déchiré, à la perversion du rêve de liberté, de démocratie et de progrès. Les pseudo-nationalistes, les islamo-baathistes, les prédateurs de tout acabit empilent leurs couches, construisent leur vouloir et développent leur pouvoir.

Lui, fidèle à ses « compagnons de lutte », il profite de la conjoncture, avance ses pions. Après 20 ans de désert, il revient. Il étale ses promesses, tisse sa toile et déconstruit progressivement et efficacement les acquis de la démocratie et bafoue ses principes auxquels il n’a véritablement jamais cru. Il construit petit à petit son mythe, impose sa présence, son image et sa nécessité et s’identifie à la nation (l’Algérie c’est moi). La » harwala » redémarre sur les chapeaux de roue. Il a compris que le système qui venait de fêter ses 37 ans avait atteint sa maturité. Il n’avait qu’à réactiver les relais et à repositionner les leviers déplacés par l’intrusion des islamo-intégristes.

Le terreau lui était favorable. Il développe son règne qui allait asseoir son hégémonie sur la quasi-totalité de la vie politique, sociale et économique. La violence politique étayée par la violence physique allait engendrer des traumatismes que le peuple mettra des années à effacer. Bouteflika s’avérera comme l’illustration aboutie d’un système autoritaire et machiavélique. Il installe au passage ses réseaux de clientèle constitués de larbins et de néo-prédateurs qui serviront de matrice au bon fonctionnement du régime. La soumission au roi devient un acte de bravoure, mais surtout un acte utile.

Le reste du peuple observe, impuissant, tétanisé, frappé par le syndrome de Stockholm, à sa marginalisation et à la dilapidation de la richesse nationale par les lobbies officiellement constitués et l’émergence d’une véritable pègre « 3issaba ». Dès lors la corruption est promue en valeur sûre voire en norme et la soumission (chitta) se transforme en outil de promotion politique, économique et sociale à tel point que ses acteurs opèrent, toute arrogance déployée et à visage découvert, sans crainte de la justice qu’ils ont modelée, soudoyée et dominée pour concrétiser leurs desseins.

Le patriotisme hérité d’Abane, Ben M’hidi, Krim, Ben Boulaid, Hassiba Ben Bouali et tous les autres et construit par le sacrifice suprême, s’étiole et le peuple se dépouille doucement de ses repères, de ses valeurs, de son identité.

L’échelle des valeurs est renversée ; la ruse supplante l’intelligence, la soumission et le larbinisme deviennent la norme et leurs promoteurs servent d’exemple. Le mensonge distillé au peuple au gré des intérêts de la caste se propage et grandit chaque jour que Dieu fait. La coupe est pleine, les risques très grands et les défis énormes.

La situation est la suivante :
– 2 milliards USD d’exportation hors hydrocarbures/an
– La situation sécuritaire régionale (pays entouré de foyers de tension)
– 50 millions d’habitants en 2025
– En 2035 : consommation en hydrocarbures = la production
– En 2025 : 12 millions d’écoliers et 2 millions d’étudiants à prendre en charge
– Une grande partie des besoins en produits de consommations (lait, céréales, médicament) est importée
– Les caisses de sécurité sociale (dont la retraite) connaîtront un déficit abyssal (Moy OCDE : 5 actifs pour 01 retraité, moy DZ : 2,5 actifs pour 01 retraité)
– La désertification, la rareté de l’eau, les coûts de l’entretien des infrastructures,… sont autant de paramètres d’inquiétude.

La question qui s’impose : ce régime peut-il faire face à ces défis ?

Le peuple a désormais pris conscience des risques et de l’incapacité de ce système à se réformer et à faire partie d’une alternative. Le mensonge se prolonge malgré tout. Ils promettent de faire en 01 an ce qu’ils n’ont pas voulu et pu faire en 20 ans. Ils ne l’ont pas fait avec 55 milliards USD et 30 millions d’habitants. Ils vont le faire avec 30milliards USD et 45 millions d’habitants. Et au passage les réserves de change sont passées de 195 milliards USD en 2014 à 80 milliards USD fin 2018.

Ce peuple que l’on croyait, il y a à peine quelques semaines, anéanti et incapable de se réveiller, a surpris à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Il dévoile une capacité de mobilisation et un degré de maturité surprenants. En même temps il lève le voile sur la configuration réelle du système en place. Ce dernier, par son cafouillage, ses tergiversations et ses magouilles a renvoyé l’image d’un régime tout aussi malsain que dangereux. Son personnel, sa genèse, sa doctrine, son fonctionnement mais aussi ses dérives politiques, économiques et sociales sont mises à nu et affichées sur la place publique.

Dans sa lancée le peuple esquisse les contours de son avenir et décide de recouvrer sa citoyenneté pleine et entière. Chose fabuleuse et inédite, il ne construit point son engagement sur la vengeance ou le règlement de compte et mieux encore il veut faire sa « révolution » à sa manière (aucune référence aux révolutions des autres) et en toute souveraineté. Ses slogans : « système dégage », « justice indépendante », « non à la dilapidation de la richesse nationale », « respect de la diversité et du pluralisme » sont révélateurs de l’état d’esprit qui anime ce mouvement.

Cependant rien n’est encore acquis. Ce système fonctionne comme une hydre, il a un pouvoir de régénération unanimement reconnu. Mais une chose est certaine le peuple est en train d’écrire une nouvelle histoire. Cette génération qui occupe pleinement les espaces de contestation montre des signes de maturité et de détermination exceptionnels.

Elle définit, dans la joie et la fraternité, globalement les contours de l’Algérie de demain. Il appartient à la classe politique de se redéployer, de se nettoyer, de se transformer, elle aussi, mais aussi aux hommes compétents et intègres d’approfondir le projet dans le cadre d’une démarche participative qui aboutirait, à terme, à l’avènement de la véritable république telle que définie par le congrès de la Soummam 63 ans plus tôt.

Sadali Mohand Ouamer
Ain El Hammam, le 14 mars 2019

Auteur
Mohand Ouamer Sadali 

 




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