Jeudi 8 novembre 2018
»Tamazight doit être enseignée en caractères latins par pragmatisme »
L’association des amis de TQ5 a organisé une conférence-débat animée par Dr. Arezki Nait Abdallah intitulée »Tanfurmatit s tamazight , Awal, le premier logiciel en Tamazight » à Montréal samedi 3 novembre à 14 h.
Le très discret fils d’Ighil Ali (Bgayet) Arezki Nait Abdallah fait partie de ces militants de la première heure qui ont fait énormément de choses pour tamazight mais sans trop de bruit. En effet depuis 1985 qu’il est professeur d’informatique au Canada, plus précisément à Western University, London (Ontario).
Dans sa conférence qu’il a animée il a expliqué avec force détails la thématique de l’introduction de tamazight dans l’informatique en mettant en place le premier logiciel en tamazight en le dénommant Awal Amazigh. C’est le premier logiciel de traitement spécialement pour tamazight. C’est un logiciel multifaces et permet l’édition simultanée de plusieurs fichiers. Un logiciel qui donne la possibilité aux usagers de recourir aux deux caractères en l’occurrence le latin et tifinagh.
Il y a lieu de signaler que ce logiciel a été inventé en 1989 avec des moyens rudimentaires mais avec une détermination. Arezki Nait Abdallah a met l’accent sur l’impact de ce saut qualitatif en matière d’usage car il visait le large public. Un outil accessible. Lorsque le logiciel était mis en circulation, la langue arabe n’avait pas eu encore droit à cette révolution en informatique.
Par ailleurs, le conférencier a énuméré un certain nombre de problèmes techniques relatifs à l’impression notamment pour les textes rédigés en caractères spécifiques, de tifinagh et des symboles mathématiques. Il avait souligné la nécessité d’inventer un outil universel comme solution idoine.
Le conférencier a dressé aussi un bilan de l’expérience des travaux réalisés dans le cadre de ses activités au sein de l’Académie berbère présidée par Bessaoud Mohand Arab en passant par l’interdiction des cours de Mouloud Mammeri à l’université d’Alger en 1974 en trouvant le subterfuge des autorisations préalables. Et il a mis en exergue ses activités en tant que membre du Groupe d’Études Berbères de Vincennes dès 1972.
Il a rédigé avec Hend Sadi un polycopié intitulé »Problèmes de notation de la langue berbère » qui aborde les problèmes de l’écriture de tamazight. Le conférencier a mis en relief les travaux d’adaptation des oeuvres universelles en tamazight de Mohia en soulignant leur impact dans le développement et la promotion de la langue berbère.
Il a aussi évoqué les différentes initiatives et actions pour soutenir le printemps berbère de 1980 avec la création du comité de défense des droits culturels en Algérie.
Enfin, lors des débats, le conférencier a répondu à un certain nombre de questions relatives au perfectionnement du premier logiciel créé et le choix des caractères adéquats pour l’enseignement de tamazight ainsi la création de l’académie algérienne de tamazight. Pour la première tranche de la question, Arezki Nait Abdallah préconise de partir sur de nouvelles bases vu la révolution qui s’est effectuée dans ce domaine d’informatique.
A cet égard il n’a pas manqué de mentionner les travaux de localisations informatiques en langue kabyle lancés ces dernières années par la nouvelle génération très portée sur l’informatique et le monde numérique. Il a cité en autres les travaux de localisation en kabyle et certainement plus tard les autres variantes de la grande famille des langues amazighes, des logiciels et outils informatiques comme la suite Open Office, le navigateur Firefox, Common Voice, l’encyclopédie Wikipédia et enfin Libre Traduction (Google) qui facilite la compréhension et les échanges dans plusieurs langues de la planète. Ce qui est un grand espoir pour sauver notre héritage linguistique a-t-il dit Areski Nait Abdallah.
Pour la deuxième tranche des questionnements, le conférencier a affiché son scepticisme en matière d’intentions du pouvoir en créant une académie algérienne de tamazight. Tout serait mis en place pour créer un brouillard pour faire passer ses projets qui s’inscrivent dans l’idéologie arabo-islamiste.
Par ailleurs, il a évoqué aussi le colloque de 1991 à Ghardaia qui représentait aussi une forme de pollution et parasitage sur les systèmes d’écriture de tamazight même s’il y avait eu des travaux sérieusement élaborés. Il avait permis aussi à certains pseudos chercheurs de présenter des travaux farfelus. Même cette reconnaissance représente une forme de folklorisation au lieu de s’occuper de l’essentiel.
L’arabisation en Algérie a pour finalité d’anéantir tout ce qui est relatif au monde amazigh. Même le FFS ne s’est pas opposé à l’arabisation, en critiquant juste le processus et la manière dont cette politique a été menée, a t-il souligné.
En ce qui concerne le choix des caractères, Arezki Nait Abdallah a défendu les Isekkilen gréco-latins pour l’enseignement de Tamazight pour des raisons pragmatiques et scientifiques. La quasi totalité des travaux de recherches ont été effectués en caractères gréco-latins en citant Mouloud Mammeri et Amar Boulifa. Mais il n ‘a pas écarté la possibilité de recourir aux caractères tifinagh dans certaines situations pour des considérations historiques. Il cite l’exemple du japonais qui utilise quatre caractères, mais celui choisi pour l’enseignement présente beaucoup d’avantages.
Par ailleurs, Dr. Arezki Nait Abdallah était avec Dr. Younes Adli fin octobre une conférence sur Tajmaat (l’assemblée kabyle), parmi les invités d’honneur de la levée de fonds Tiregwa 2968-2018 qui s’est déroulée le soir du 3 novembre également. Dans sa prise de parole, très applaudie, Arezki Nait Abdallah a présenté un exposé relatif à l’informatisation de tamazight et les actions menées dans le cadre de l’académie berbère et bien d’autres avancées.
(*) Kamel Amari est journaliste-analyste TQ5, Montréal