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Tamazight, le peuple et les imposteurs

Les masques sont tombés

Tamazight, le peuple et les imposteurs

La mobilisation actuelle de la jeunesse pour condamner le vote des députés contre un amendement de la loi des finances 2018, qui proposait d’affecter les ressources nécessaires à la généralisation de l’enseignement de la langue tamazight au niveau national, exprime aussi le refus énergique du principe de ‘’deux poids, deux mesures’’ de la part de l’État, censé assurer l’égalité des citoyens devant la loi.

Après 1962, TOUS les moyens ont été donnés pour introduire la langue arabe, alors inconnue des algériens, dans le système d’enseignement. Il n’a pas été question une seule fois de manque de moyens, comme tente de se justifier aujourd’hui l’État pour freiner et saboter la généralisation de l’enseignement obligatoire de la langue tamazight.

Tous les subterfuges budgétaires (1), toutes les ruses sont utilisés pour saboter le déploiement de l’enseignement de la langue tamazight sur tout le territoire algérien, alors qu’elle est déjà présente sur tout le territoire algérien et nord-africain depuis des millénaires. La principale ruse utilisée, afin de la minorer et de l’achever, était de rendre son enseignement facultatif.

Seule l’Algérie a poussé l’absurde à ce niveau dans le monde: disposer d’une langue nationale et officielle multi millénaire dont l’enseignement est déclaré facultatif !

C’est exactement ce que fait Israël pour la langue… arabe : ‘’Le ministère de l’Éducation (israélien) a décidé que, dans les programmes scolaires du niveau secondaire, l’enseignement de la langue arabe n’était plus obligatoire’’(2).

L’Algérie n’est pas sortie de l’imposture élaborée  dès les années 1930 par les Oulémas, les Messalistes du PPA et les panarabistes du FLN. Tout a été mené depuis afin de faire entrer l’Algérie dans le moule du panarabisme, quitte à changer cette Algérie, son identité, son histoire, sa culture, ses langues.

Dans cette stratégie de négation et de substitution, on distingue deux niveaux de manipulation :

  • Dévaloriser et faire l’impasse sur la langue tamazight, ‘’qui n’est pas une langue’’, ‘’qui ne s’écrit pas’, qui est une chelha des montagnards attardés, c’est à dire un reste de la jahilia !

  • Jouer diaboliquement sur la confusion entre la darija, langue d’une partie du peuple ‘’arabisé’, qui a perdu en partie l’usage du tamazight, et la langue arabe dite ‘’classique’’. Cette confusion est savamment entretenue jusqu’à aujourd’hui en 2017 (3), alors que ce sont deux langues totalement différentes : la darija est née chez nous après le 11eme siècle, synthèse de tamazight et des parlers arabes. Ce n’est pas une langue importée du Moyen Orient.

Toutes ces manipulations sont sous-tendues par la volonté acharnée de se définir comme Arabe, la vassalisation de notre pays aux monarchies arabes (avant c’était à l’Égypte de Nasser), et par conséquent le refus d’assumer notre histoire multi millénaire amazigh et enfin notre culture propre.

La désillusion est magistralement exprimée par ce chauffeur de taxi, entre Alger et l’aéroport, quelques jours après le conflit avec l’Égypte, suite à l’agression des joueurs de l’équipe nationale de football : ‘’ Ya khou ! Depuis 1962 on nous dit que nous sommes des Arabes, alors que maintenant il s’avère que ce n’est pas vrai !’’ (nota : les Égyptiens traitaient alors les Algériens de berbères/barbares et leur déniaient leur qualité d’Arabes).

A toute chose malheur est bon ! C’était la seule fois dans l’histoire où l’équipe nationale algérienne se définissait à l’unanimité comme ce qu’elle était réellement : une équipe amazigh.

Les tergiversations et blocages actuels de ceux qui sont campés dans les rouages de l’État, qui sabotent et qui freinent des quatre fers, ne font que renforcer la conviction de notre jeunesse pour continuer le combat afin de ne pas compromettre l’avenir de notre nation.

Si le statut, la prise en charge et l’enseignement au niveau national des langues nationales effectives, tamazight et darija, constituent une part importante du combat, celui-ci s’intègre dans un combat plus global concernant le type de société en perspective.

On peut dire qu’il y a deux sociétés concurrentes qui se construisent aujourd’hui.

  • Une société basée sur le bédouinisme islamo-oriental, vassale des monarchies islamistes du Golfe, adepte de la prédation (4), de la destruction de l’environnement et s’intégrant totalement dans l’économie de bazar.

  • Une société algérienne / nord-africaine, profondément attachée à son territoire (historique, culturel, linguistique, environnemental) qui s’inscrit dans le temps long et qui lie de manière indissociable l’avenir de l’humain Amazigh et la protection de son environnement pour pouvoir survivre dans les siècles à venir. Les multiples expériences  et réalisations (5) un peu partout sur le territoire nord-africain est un indicateur fort qui confirme le bien fondé de cette motivation et qui montre la seule voie à suivre.

Les manipulations actuelles des politicards corrompus, des généraux de l’import-import et des monarques des temps révolus ne sont que des combats d’arrière-garde. Ils ne freineront pas la locomotive du développement, du vrai.

A. U.L.

Notes :

(1) des milliers de diplômés en langue tamazight sont actuellement au chômage.

(2) source : https://www.courrierinternational.com/article/moyen-orient-comment-israel-efface-progressivement-la-langue-arabe

(3) «Il est impératif de s’adresser aux enfants du même peuple dans toute sa composante linguistique, y compris le Tamazight en tant que partie intégrante », Djamel Kaouane ministre de la communication, déclaration du 16/12/2017. (commentaire : comme si l’usage de l’arabe classique imposé était une partie intégrante de ce peuple algérien).

(4) On ne peut éviter l’inévitable Ibn Khaldoun : ‘’Si les Arabes ont besoin de pierres pour servir d’appuis à leurs marmites, ils dégradent les bâtiments afin de se les procurer ; s’il leur faut du bois pour en faire des piquets ou des soutiens de tente, ils détruisent les toits des maisons pour en avoir…’’

ttps://blogs.mediapart.fr/victorayoli/blog/060917/grandes-voix-ibn-khaldoun-les-prolegomenes

(5) Les initiatives populaires et les réalisations de protection de l’environnement et de développements durables sont chaque jour plus nombreuses :  

L’association du sud marocain pour le développement durable, Timsal à Ouarzazate, gagne le prix de la société civile, http://www.amazighworld.org/studies/index_show.php?id=642440

Les villages propres de Kabylie qui redoublent d’ingéniosité pour régler les problèmes des déchets et de protection de l’environnement (Igarsafen, Zubga, Tiferdud, …)

la réalisation d’un nouvel ighrem/village de Ghardaïa- At Isgen (Tafilelt), une performance écologique, urbanistique, …

Auteur
Aumer U Lamara, physicien, écrivain.

 




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