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Tchad : tensions sur le partage du pouvoir entre militaires à Ndjaména

SAHEL

Tchad : tensions sur le partage du pouvoir entre militaires à Ndjaména

Au Tchad, la mort du dictateur-président Idriss Déby Itno a été annoncée mardi 20 avril par un Conseil militaire de transition (CMT). La constitution de ce dernier autour du général quatre étoiles, Mahamat Deby à 37 ans pour remplacer son père suscite la polémique.

Dans la foulée de ses annonces pour baliser le terrain, le même conseil militaire a déclaré la suspension de la Constitution ainsi que la dissolution du gouvernement et du Parlement. Le président de l’Assemblée nationale aurait refusé d’assurer l’intérim.

L’autoproclamé maréchal Idriss Déby est sans doute décédé un peu plus tôt que ne l’a annoncé le Conseil militaire de transition. Rien n’est encore clair sur les circonstances exactes de son décès. Comment est-il mort ? Pendant les combats ? Après ? Aucune réponse n’est donnée par le conseil militaire occupé à assurer la continuité du pouvoir par la famille Déby Itno.

Dès lundi soir en effet, les tractations pour sa succession ont commencé. Autour des hauts gradés convoqués à la présidence se trouvait aussi le président de l’Assemblée nationale qui, selon nos informations, a décliné la proposition d’assurer la transition. Il a évoqué son âge avancé et surtout la complexité de la situation sécuritaire pour demander aux militaires de combler la vacance de pouvoir, indique une source sécuritaire. Des informations que le concerné n’a pas confirmé mardi soir.

C’est ainsi que naîtra le Conseil militaire de transition (CMT), qui se donne un an et demi pour organiser de nouvelles élections, ajoute la même source.

Depuis mardi, des émissaires du CMT ont commencé à rendre visite aux acteurs politiques majeurs pour solliciter un soutien politique. Un soutien dont le comité aura besoin pour faire face à la contestation qui enfle contre un pouvoir désormais dirigé par le fils du maréchal Idriss Déby Itno, le général de corps d’armée Mahamat Idriss Déby Itno.

Celui-ci devient à 37 ans chef de l’État et chef suprême des armées. Il était jusqu’ici à la tête de la fameuse DGSSEI, une sorte de garde présidentielle, le corps d’élite de l’armée. À ses côtés, quatorze chefs militaires dont certains sont parmi les plus influents des dernières années.

Il s’agit essentiellement de généraux issus du Nord et du clan d’Idriss Déby Itno et qui ont toujours constitué le socle de son pouvoir : le chef d’état-major et général des armées Abakar Abdelkerim Daoud, le directeur général du renseignement militaire Tahir Erda Taïro, sans oublier les ministres de la Sécurité publique, de l’Administration du territoire ou encore celui des Armées, tous des hauts gradés tchadiens.

Demandes de retour à l’ordre constitutionnel

Officiellement donc, l’armée a pris les affaires en main sans aucun problème. Mais des sources à Ndjamena parlent de tensions au sein du premier cercle du pouvoir, notamment sur le partage du pouvoir au sein du nouveau conseil.

Autre problème : ce conseil militaire de transition s’est octroyée les pleins pouvoirs, ce qui n’est prévu nulle part dans la Constitution révisée de décembre 2020, dénoncent la société civile, l’opposition, ainsi que des partis issus de la majorité présidentielle.

Demba Karion, du mouvement citoyen Tournons la page-Tchad, assure dénonce une volonté de légitimer un coup d’État de l’armée. « Nous nous sommes battus, nous avons marché, nous avons milité et mis ce mouvement en place, nous avons travaillé pendant des années, ce n’est pas pour quitter une dictature et aller dans un coup d’État. Nous réclamons un gouvernement de transition qui soit géré par les civils. »

Un général tchadien condamne lui aussi ce qu’il qualifie de coup d’État. Idriss Dicko, toujours en fonction dans l’armée tchadienne et ex-directeur adjoint du cabinet militaire du chef de l’État, estime que le pays va au chaos si le comité militaire de transition dirigé par Mahamat Déby, le fils du dirigeant défunt, ne respecte pas le processus de transition prévu dans la Constitution du Tchad.

« C’est un régime issu d’un coup d’État que nous condamnons. Nous aurions souhaité d’abord le respect de la Constitution, une vacance, explique Taher Ali Nanaye, le porte-parole du Conseil national pour le changement (CNC), une formation d’opposition en exil. C’était au président de l’Assemblée, conformément à la Constitution, d’organiser des élections libres et transparentes dans le délai prévu par la Constitution. »

Le secrétaire général du MPS, le parti au pouvoir, justifie pour sa part la mise en place de ce conseil militaire par le souci de défendre l’intégrité du pays. « Je rappelle que M. Idriss Déby Itno est mort en défendant la patrie. Donc l’action qu’il a menée est d’abord une action militaire. Les premiers qui ont récupéré le maréchal sur le terrain étaient des militaires. Ce sont qui ont assisté d’abord à sa mort et donc quand ils se sont organisés, c’est d’abord pour la défense du territoire national », explique Mahamat Zene Bada.

En attendant, le nouveau pouvoir tchadien a déjà annoncé une série de mesures très strictes : la dissolution du gouvernement et de l’Assemblée nationale, un couvre-feu de 18h à 5h du matin, une fermeture des frontières. Surtout, il suspend la Constitution et annonce qu’il va assumer une transition de 18 mois, tout en promettant des élections libres et démocratiques. Des mesures qui sont loin de faire l’unanimité au Tchad.

Ce mercredi matin, le mouvement rebelle Fact dénonce lui aussi la création du Conseil militaire et appel à un dialogue inclusif. « Nous ne reconnaissons aucune légitimité au conseil militaire et familial. Idriss Déby est décédé, son fils le remplace. Ce n’est pas une dynastie, le Tchad c’est une république laïque. Il faut que l’ordre institutionnel soit rétabli. »

 

 

Auteur
L.M/RFI

 




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