C’est la 2e fois qu’Abdelmadjid Tebboune s’exprime dans le quotidien français L’Opinion. Dans cet entretien complaisant sans contradiction, le chef de l’Etat algérien a déroulé le discours officiel sans risque d’être mis devant les faits accomplis. Cette partie traite des questions internationales.
1. Non-alignement et isolement
Malgré les déconvenues diplomatiques et ses crises multiples avec d’abord l’Espagne, puis la France, le Mali, le Niger, Tebboune insiste sur le fait que l’Algérie n’est pas isolée et qu’elle maintient des relations avec divers pays, y compris des puissances comme les États-Unis et la Russie. Cependant, cette affirmation peut être mise en question. Bien que l’Algérie ait effectivement des relations diplomatiques avec plusieurs pays, le terme « isolement » peut être interprété de manière plus nuancée. L’Algérie semble parfois se retrouver en marge des grandes alliances régionales et internationales, notamment en raison de ses positions sur des questions sensibles comme le Sahara occidental et la Palestine. La perception d’isolement pourrait également découler de la méfiance croissante des pays voisins, en particulier le Maroc, qui a des relations tendues avec l’Algérie.
2. Double standard et politique étrangère
Tebboune critique le double standard dans les réactions internationales, notamment en ce qui concerne l’Ukraine, Gaza et le Sahara occidental. Concernant le premier pays, le chef de l’Etat a eu cette réponse : « Quand je suis allé voir Vladimir Poutine en Russie en juin 2023, Emmanuel Macron m’a dit de voir si je ne pouvais tenter quelque chose pour la paix. Le président russe m’a aussi donné son feu vert. Il était prêt à dialoguer, mais Volodymyr Zelensky n’a pas répondu. »
Bien que son point de vue sur la nécessité d’une approche cohérente soit valide, il est important de noter que l’Algérie elle-même a parfois été accusée d’appliquer des standards différents dans ses relations avec d’autres pays. Par exemple, son soutien à la RASD contraste avec son silence sur certaines violations des droits humains dans d’autres contextes. D’ailleurs Tebboune a fermé les yeux devant Poutine sur la guerre que ce dernier mène contre l’Ukraine, allant même jusqu’à le qualifier d' »ami de l’humanité ».
3. Relations avec les États-Unis
Tebboune évoque des relations positives avec les États-Unis, soulignant le soutien américain à l’Algérie à l’ONU pendant la guerre d’indépendance. Tout en reconnaissant que l’Algérie acceptera l’expulsion de ses ressortisants des Etats-Unis, il ajoute bravache : « Nous rejetons aussi toutes les tentatives de vassalisation de notre pays. Et je n’ai pas de complexe à le dire aux grandes puissances ». Concernant la déclaration réitéré deux fois sur la déportation des habitants de Gaza vers la Jordanie et l’Egypte, Tebboune a préféré répondre à côté pour ne pas froisser le président américain. Pourtant la question est claire et connue : « L’expression est malheureuse mais, dans son esprit, il ne s’agit pas de la population palestinienne qui a toujours eu des soutiens en Europe, dans le monde arabe, en Afrique… L’OLP est représentée à l’Unesco », a répondu Tebboune. Magistral pirouette !
4. Syrie et solidarité arabe
Abdelmadjid Tebboune rappelle que l’Algérie a voulu faire réintégrer la Syrie dans la Ligue arabe, lors de son sommet à Alger, mais deux pays ont dit niet. Evidemment Tebboune ne les a pas cités. Nous sommes sûrs au moins de l’Arabie saoudite. Le chef de l’Etat a éludé le fond de la question du journaliste qui lui pose la question sur l’actualité. Tebboune a boté en touche parce l’Algérie, ayant soutenur Bachar El Assad jusqu’à sa fin, n’arrive pas à nouer le dialogue avec les nouvelles autorités.
5. Sahara occidental
Sur la question du Sahara occidental, Tebboune réaffirme le soutien de l’Algérie à la RASD. Bien que cela soit en ligne avec la position historique de l’Algérie, il est important de se demander si cette position est réellement efficace. Le soutien à la RASD n’a pas conduit à des avancées significatives vers une résolution du conflit, et la reconnaissance internationale de la RASD semble diminuer. Cela soulève des questions sur la stratégie algérienne et sur la manière dont elle pourrait évoluer pour répondre aux réalités géopolitiques changeantes.
6. Sécurité régionale et Sahel
« Nous avions même un plan de développement pour le nord Mali que nous étions prêts à financer à hauteur de plusieurs centaines de millions de dollars. Nous avons une importante communauté touareg en partage et avons toujours été disponibles pour rassembler les signataires de cet accord, car il n’y a pas de solution uniquement sécuritaire », a-t-il soutenu concernant la crise avec le Mali. Comment Tebboune peut-il développer l’Azawad alors qu’il a abandonné les wilayas du Sud ? Les épidémies qui ont frappé plusieurs localités faisant des dizaines de morts en est la meilleure illstrations sans parler du chômage et du manque de développement qui gangrène toute la partie sud du pays.
Tebboune aborde les défis sécuritaires dans le Sahel, mais sa réponse peut sembler simpliste. Il attribue les coups d’État à l’absence d’institutions solides, sans aborder les facteurs plus complexes qui contribuent à l’instabilité dans la région, tels que la pauvreté, le manque d’éducation et l’influence des groupes extrémistes. De plus, l’Algérie elle-même a des défis internes en matière de gouvernance qui pourraient affecter sa capacité à jouer un rôle stabilisateur dans la région.
7. « Kaïs Saied mon frère »
Pour Tebboune, le dictateur tunisien est un sauveur. « La révolution du Jasmin, qui a abouti à la mise en place d’un régime parlementaire, a bloqué toutes les initiatives de Kaïs Saïed qui a remis les pendules à l’heure en restaurant le régime présidentiel qu’a connu la Tunisie depuis son indépendance ». Puis de lui tresser les lauriers : « Mon frère, le président tunisien, est un universitaire reconnu, populaire, qui continue à aller faire ses courses au marché ». Voilà donc, au moment où des opposants politiques croupissent par dizaines dans les prisons, Tebboune voit en son frère Kaïs un démocrate. Concernant le Maroc, Abdelmadjid Tebboune a radoté ses vieilles lunes, ce qui illustre qu’il est un homme prisonnier de son passé.
Conclusion
Malgré des réponses sujettes à controverses, aucune relance du journaliste. Dans cet entretien, Tebboune a déroulé ses réponses sans qu’il soit contredit ou gêné. Les déclarations de Tebboune soulèvent également des questions sur la cohérence et l’efficacité de sa politique étrangère. Elles souffrent d’une absence de vision et de réflexion novatrice. Les réponses de Tebboune révèlent un chef de l’Etat au logiciel politique dépassé avec des références très anciennes et sans perspectives.
Rabah Aït Abache