Les propos d’Abdelmadjid Tebboune, qualifiant Boualem Sansal d’« imposteur » et de personne qui « ne connaît pas son identité, ne connaît pas son père » sont d’une trivialité choquante. Ils ne devraient pas être prononcés par un homme public.
En plus de dévaloriser la fonction présidentielle, ces mots prononcés devant la représentation nationale dérogent aux principes de tolérance et de respect de la dignité de la personne humaine énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Dans son discours à la nation prononcé, dimanche dernier, devant la représentation nationale au palais des Nations, le chef de l’Etat a usé de propos d’une violence inouïe pour parler de l’écrivain Boualem Sansal, placé en détention depuis son retour en Algérie le 16 novembre dernier. Et, partant, cette saillie ne fera que prolonger la polémique et les tensions entretenues depuis un certain temps avec la France.
Dans un mélange apparent d’émotivité et de colère qui témoigne d’un déficit évident d’intelligence émotionnelle et, visiblement, grisé par l’atmosphère d’une assemblée parlementaire toute acquise à sa dévotion, le chef de l’État algérien s’est laissé aller à des propos que beaucoup ont jugé excessifs et moralement inacceptables.
« D’un point de vue moral et éthique, le président de la République algérienne, Abdelmadjid Tebboune ne devrait pas utiliser des termes vulgaires pour décrire Boualem Sansal », estiment des observateurs.
En évoquant pour la première fois le cas de l’écrivain franco-algérien, Abdelmadjid Tebboune a laissé éclater sa colère : « Vous envoyez un imposteur, une personne sans identité qui ne connait pas son père et qui ose prétendre que la moitié de l’Algérie appartenait à un autre pays ! »
Dans cette saillie rageuse, agressive et vengeresse et s’adressaint, bien sûr, à la France, Abdelmadjid Tebboune a puisé dans un registre verbal et rhétorique qui détonne avec la solennité des lieux et de l’événement.
Une attitude qui ne convient pas à sa stature de chef d’État qui, plus est, s’adressait à la nation. Le discours est certainement suivi par de nombreux diplomates accrédités en Algérie. Ce qui portera inévitablement un sacré coup au peu de crédit qui reste à sa gouvernance.
Les propos de Tebboune, qualifiant Boualem Sansal de personne qui « ne connaît pas son identité, ne connaît pas son père » sont d’une trivialité choquante. Ils ne devraient pas être prononcés par un homme public. Celui-là même qui se revendique musulman, se trouve être une personnalité référente du sommet de l’État algérien qui doit, ce faisant, imposer à sa parole et à sa conduite des restrictions dictées non seulement par la morale et les convenances. Il doit s’astreindre au devoir éthique dû à la fonction de chef d’État.
Bien plus, il devrait faire oeuvre de pédagogie et de discernement dans son « dire et son faire », pour « promouvoir les valeurs de respect, de tolérance et de dialogue ».
Car, au-delà « de la volonté de discréditer un homme et de dénoncer les propos d’un écrivain qui n’a fait qu’exercer son droit à la liberté d’expression », la déclaration a montré l’intolérance du chef de l’Etat à l’égard d’une catégorie de personnes qui ne doivent pas être stigmatisees et ravalées au rang infra-humain en raison de leur naissance. Au contraire, la société et l’Etat ont le devoir et la responsabilité de les protéger. Par cette embardée, Tebboune s’avère un bien mauvais exemple à suivre et à citer en référence.
Nous avons constaté que le passage où Tebboune s’en prenait à Boualem Sansal a disparu des vidéos diffusées par les canaux officiels : Al24, site de la présidence… Sans doute ayant compris l’énorme bourde que constitue cette déclaration, la présidence s’est dépêchée d’effacer les traces au moins… dans les relais officiels. Sauf que la vidéo est déjà partagée partout.
Mais revenons aux réalités, « l’affaire Sansal » est-elle aussi capitale pour être traitée (et de quelle manière !) dans un discours solennel ? Assurément non. L’évocation de ce détenu d’opinion renseigne sur le manque flagrant de discernement du chef de l’Etat.
Samia Naït Iqbal