Alors que plusieurs médias français évoquaient, ces derniers jours, une probable rencontre entre Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune à l’occasion du Sommet du G20 qui débute, aujourd’hui, à Johannesburg, le chef de l’Etat algérien a finalement renoncé à s’y rendre. Il a chargé son Premier ministre, Seifi Ghrieb, de le représenter lors de ce rendez-vous du club des grandes puissances économiques.
Une absence inattendue qui relance les interrogations : s’agit-il d’un simple ajustement d’agenda ou d’une décision intentionnelle visant à éviter un face-à-face diplomatique délicat ? Pour autant, il y a lieu de rappeler que Tebboune a séché les plus importants sommets internationaux qui ont eu lieu depuis son intronisation au pouvoir par Ahmed Gaïd Salah en hiver 2019.
Une volte-face qui laisse encore perplexe
Jusqu’au début de la semaine, tout indiquait que Tebboune participerait au Sommet. Le G20, pour la première fois organisé en Afrique, offrait à l’Algérie une tribune de choix pour réaffirmer son ambition internationale.
Pourtant, la veille de l’événement, le Président a préféré se rendre à Constantine pour inaugurer des projets locaux. Ce déplacement ne justifie pas, à lui seul, l’abandon d’une participation annoncée depuis des semaines. Le caractère tardif de la décision donne plutôt l’impression d’un repositionnement politique délibéré.
Tebboune a-t-il cherché à éviter Macron ?
C’est la question qui s’impose. Depuis plusieurs jours, des sources françaises laissaient entendre que les deux chefs d’État pourraient profiter du Sommet pour renouer le dialogue. Interrogé mardi, Emmanuel Macron s’était dit « disponible pour tout dialogue », à condition qu’il soit « sérieux, serein » et fondé sur « le respect de la France ». Une formulation mesurée mais ferme, qui replace Alger dans un rapport de forces moins avantageux qu’en 2022, au moment du rapprochement avorté entre les deux pays.
Un dégel technique, mais un blocage au niveau politique
La coïncidence est frappante : au moment même où Tebboune renonce à se rendre à Johannesburg, une délégation française de haut niveau — conduite par Anne-Marie Descôtes — est à Alger pour relancer les coopérations en matière d’immigration, de sécurité et d’économie. Les discussions avancent donc sur le plan technique, mais l’impulsion politique, elle, attend toujours.
La libération récente de l’écrivain Boualem Sansal, perçue comme un geste de bonne volonté, laissait penser qu’une reprise du dialogue au sommet était envisageable. L’absence du chef de l’Etat montre au contraire que l’Algérie veut contrôler le rythme et les conditions de ce rapprochement. Voire…
Une absence parmi d’autres, mais pas sans conséquences
Certes, Abdelmadjid Tebboune n’est pas le seul chef d’État à avoir décliné le Sommet : les présidents américain et chinois, Donald Trump et Xi Jinping seront eux aussi absents. Si ces deux défections pèsent lourd sur la dynamique du G20, il n’en va pas de même pour celle du chef de l’Etat algérien, dont l’influence sur la gouvernance mondiale demeure infinitésimable.
Ce contraste est d’autant plus frappant que Tebboune avait lui-même annoncé, avec une certaine fierté, la participation de l’Algérie à cette rencontre inédite sur le continent africain.
Reste que l’essentiel se joue ailleurs : en se retirant, Tebboune laisse passer l’occasion d’un premier contact direct avec Emmanuel Macron depuis plus d’un an. Une fenêtre diplomatique s’est refermée, au moment même où les deux capitales tentaient d’esquisser un début de réchauffement.
Mais en renonçant à se rendre à Johannesburg, Abdelmadjid Tebboune donne l’impression d’entretenir la brouille. Faut-il y voir un calcul maîtrisé visant à préserver un pseudo-avantage stratégique d’Alger, ou simplement l’une de ces brusques inflexions dont le Président algérien a parfois le secret ? Il y a une évidence toutefois : la diplomatie algérienne est de plus en plus à la ramasse sur toutes les questions y compris celles régionales.
On ignore en revanche si le Premier ministre, Seifi Ghrieb a reçu pour mandat d’établir un contact discret avec la délégation française en marge du sommet. On attend de voir.
Samia Naït Iqbal

