Vendredi 1 janvier 2021
Témoignage : la grosse mascarade de Casbah éditions
Dans un précédent témoignage, j’ai dévoilé l’hypocrisie des éditeurs algériens Frantz Fanon, Samar, et APIC.
Pour lire le texte : https://lematindalgerie.comles-mauvais-comportements-de-certains-editeurs-samar-apic-f-fanon
Aujourd’hui, je dévoile la grosse mascarade des éditions Casbah qui semblent aux autres une maison parfaite. J’énumère ici les faits tels quels. J’espère que ce témoignage, qui concerne ma modeste personne, permettra aux autres de comprendre le monde de l’édition en Algérie, plein d’hypocrisie et de faux-semblants.
-J’ai signé mon contrat (à compte d’éditeur) avec Casbah en février 2020 pour la publication de mon nouveau livre « Migrants sans noms ».
-Le jour de signature, la directrice de l’édition A.A m’a précisé que : le nombre du premier tirage est 500 exemplaires pour tout le monde ; et tous les livres sortent en automne 2020 à l’occasion du SILA.
-Mon livre a été déjà finalisé au début d’automne (couverture, signature du BAT…) mais l’éditeur ne publie pas pour ce motif : éviter une « mévente » due à la crise sanitaire. Motif que la directrice m’a révélé par téléphone et mail.
-J’ai patienté jusqu’au novembre 2020 : l’éditeur ne veut pas toujours publier pour le même motif.
-Mais sa décision ne touche pas les GRANDS gradés du pays : l’éditeur publie en octobre le livre de Dahou Ould Kablia (ex-wali-ministre-sénateur). La directrice trouverait un prétexte pour justifier la publication, mais ce livre passe inaperçu en librairies et aux médias contrairement à un ouvrage de fiction. Constat un : un ex-ministre est plus important que les autres Algériens ; les noms comptent avant la plume. Autrement dit, si un ministre ou un haut gradé envoie un texte (même médiocre), il sera publié rapidement. Les grades brisent tous les murs en Algérie!
-J’ai expliqué dans un mail que leur décision (suspendre les publications) est absurde pour ces raisons : Casbah a une librairie (Tiers Monde)- une imprimerie- ses propres véhicules-distributeurs ; leur tirage est faible (500 s’écoulent rapidement) ; les autres éditeurs (même petites entreprises) publient des nouveautés en automne 2020; les librairies sont ouvertes ; les gens circulent ; les universités et écoles sont ouvertes ; l’Algérie a depuis longtemps une crise de lecture pas seulement en temps de Covid-19… Dans le même mail, j’ai exprimé mon indignation au fait de publier Dahou Ould Kablia tout seul, en demandant des explications à ce sujet.
-La directrice me répond à la manière d’Air Algérie ; « notre programme est suspendu jusqu’à nouvel ordre ». Elle évite le sujet de Dahou, fuit ses responsabilités, ferme les yeux devant mes arguments convaincants… le tout pour gagner du temps et traîner en douceur l’auteur jusqu’à 2021.
-Constat deux : l’éditeur fait ce qu’il veut sans discuter avec l’auteur bien que sa décision soit absurde et tue le livre et l’art. Si le virus dure cinq ans, donc il ne publie pas pendant cinq ans. Et tant pis pour les auteurs, les livres, et la culture ! L’éditeur Casbah ne pense donc qu’à la vente comme s’il était un vendeur de patates. Les premières victimes sont l’auteur et le lecteur ; l’éditeur ne perd pas, mais fait perdre.
– Au téléphone : la même réponse de la secrétaire « Madame la directrice de l’édition A.A n’est pas là ! ». J’ai envoyé un autre mail pour demander la résiliation du contrat, fustigeant leur comportement indigne. Je préfère garder mon livre dans un tiroir que de laisser un commerçant du livre humilier mon travail. Ils ignorent mon mail. Je renvoie. Le mail est rejeté : ce qui signifie que mon courriel est bloqué par l’entreprise. Un comportement honteux et très bas, indigne de représentants d’un objet sacré, le livre ! En Algérie, quand tu défends ton droit, tu déranges.
-Constat trois : l’éditeur retient ton livre, te fait perdre une année d’attente, viole les règlements du métier et le contrat, ignore ta demande de résiliation, s’en fout de ta dignité et de la culture, et fait ce qu’il veut de ton livre sans t’informer. Voilà une telle mascarade, un tel comportement indigne, un manque de professionnalisme abyssal ; même un parkingueur n’agit pas ainsi.
-Ensuite, l’éditeur Casbah, comme la majorité de ses autres collègues, pleurniche sur la crise du livre et fait la morale sur le secteur. Et comme la majorité des éditeurs algériens, voire tous, Casbah préfère la vente directe (SILA et autres évènements) pour encaisser directement l’argent et faire la sieste le reste de l’année. Sans salons, pas de travail pour promouvoir le livre et la culture.
-Ce qui encourage l’éditeur dans son despotisme, c’est le silence des autres auteurs (plus de 10 titres en attente) qui se taisent croyant qu’il leur fait faveur en les publiant. Ils créent ainsi « l’édictateur ».
-Enfin, ce qui salit le livre en Algérie, c’est ce genre de comportements indignes plus que la crise de lecture. Voilà, l’écrivain mû pour produire et fait ensuite une guerre pour défendre son œuvre face à un éditeur qui ne comprend rien à l’éthique du métier, ne pense que par vente-mévente, et salit l’image des écrivains et de la culture dans le pays. Une des raisons qui poussent les auteurs algériens à chercher des éditeurs ailleurs, à fuir les bricoleurs du livre en Algérie. Y a-t-il un éditeur digne en Algérie ?
À bas la tyrannie où qu’elle soit. À bas « l’édictature » ! Le combat continue. Je continuerai à écrire, à cracher ma colère, et à défendre ma dignité !
Tawfiq Belfadel
Ecrivain-chroniqueur ;
Fondateur du magazine Lecture-Monde
P.S : certains concitoyens, au lieu de saluer ce texte qui dévoile l’hypocrisie du monde de l’édition, chercheraient des brèches par où lancer leur haine sur l’auteur comme à l’occasion du précédent témoignage. Ils sont libres de cultiver la haine, je suis libre de la combattre. Alaa EL Aswany a publié son premier livre, comme il le voulait, après plus de cinq ans de combat contre les dictateurs de l’édition.