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Tizi-Ouzou : le Cnesto dénonce le harcèlement des enseignants sur le télé-enseignement

TRIBUNE

Tizi-Ouzou : le Cnesto dénonce le harcèlement des enseignants sur le télé-enseignement

Le Conseil national des enseignants du supérieur de l’université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou (CNESTO) a rendu public le communiqué suivant sur le télé-enseignement.

« En sus de la pression et du stress quotidiens générés par la pandémie du Covid-19 et le confinement sanitaire qu’elle impose, les responsables de l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou, réduits au rôle de courroie de transmission des directives, n’hésitent pas à recourir, par subordonnés interposés, à un véritable harcèlement des enseignants par mail, appels téléphoniques et fiches de suivi pour le décompte du nombre de cours et documents déposés sur la plateforme, pour tenter de faire admettre que l’ersatz de télé-enseignement qu’ils ont improvisé est un vrai enseignement susceptible d’être évalué et validé avec les mêmes modalités que l’enseignement présentiel. 

Si ce n’était l’aveuglement dû à la convoitise du pouvoir, conjugué à l’ignorance, voire au mépris des prérogatives de l’enseignant, ces responsables n’auraient jamais accepté chose pareille et auraient stoppé à leur niveau les directives qui porteraient atteinte au métier d’enseignant, à l’éthique et à la morale. Car un enseignant qui occupe une responsabilité administrative  devrait être le premier rempart contre la dégradation du métier de l’enseignant et sa déontologie.

Un enseignant qui assume une telle responsabilité ne peut être un simple gestionnaire des affaires courantes et encore moins, une courroie de transmission de directives. Un enseignant responsable est surtout un encadreur de la pédagogie et de la formation.

C’est connu, les enseignants ont toujours été le rempart contre  le sacrifice de la pédagogie. Certaines facultés ont souvent enregistré des pertes de plusieurs semaines pédagogiques et n’ont jamais été sacrifiées. Ce n’est pas cette année que nous allons commencer. Mais pour quelles raisons et de quel droit aujourd’hui devrait-on nous contenter de ce rafistolage  (un pseudo télé-enseignement) purement décoratif et proposée unilatéralement par l’administration.

L’opération qui consiste à déposer des documents sur un site web est tout sauf de l’enseignement et ce pour plusieurs raisons :

– Elle fait fi de l’organisation pédagogique.

– Elle vide la pédagogie de son sens (absence de ses conditions de réalisation).

– Elle n’assure pas la possibilité d’une évaluation.

La mise à disposition des étudiants de polycopiés et autres documents, ne peut être assimilée à l’activité pédagogique. Les cours ne sont pas des lectures ou des récitations de polycopiés mais sont des enseignements adaptés in-situ, avec recours à de moult exemples, rappels et procédés pour expliciter, étayer et faciliter la compréhension du cours, du TD ou du TP par les étudiants, l’utilisation du tableau, la demande de prises de notes sur les points essentiels repris oralement,… Malgré tous les efforts de l’enseignant pour être compris, quelques questions lui sont souvent posées et il reprend (toujours oralement) l’explication d’une autre manière, de telle sorte à établir un meilleur discernement. Ces nouvelles explications profitent à tous les étudiants présents et aboutissent à la fin de la séance, à l’acquisition par l’étudiant d’un volume de connaissance mesurable par ce qu’on appelle crédit dans les canevas de chaque formation.

Ceux qui prétendent qu’il est possible d’échanger par écrit avec chaque étudiant, ne sont pas raisonnables ! Ils ignorent que ce type d’échange dans le télé-enseignement se fait oralement, par visioconférence et n’est possible concrètement par écrit qu’avec quelques apprenants,  nos étudiants et nos collègues dont plusieurs ne sont même pas logés et parfois avec des enfants en bas âge qu’ils ne peuvent faire garder  à cause du confinement obligatoire, ne disposent pas des moyens requis pour programmer (répartir les horaires entre les nombreux collègues qui font les cours et les TD) et suivre ces cours et échanges. Quant à la visioconférence, elle est hors de portée pour 99% des enseignants et des étudiants.

Revenons sur terre ! La nouvelle méthodologie est inaccessible, pour raison d’absence de moyens adéquats, absence d’organisation et surtout de manque d’appropriation par tous. Au bout du compte, si l’administration peut se donner bonne conscience, les enseignants ne le peuvent pas, car ils savent qu’aucun enseignement (cours, TD et TP) ne peut être réellement fait dans ces conditions. Ils savent aussi que les étudiants ne sont pas dupes, ils le leur reprocheront à leur manière à la fin de ce processus rocambolesque.

Une évaluation digne de ce nom n’est pas possible. Ce que propose l’administration est une hérésie pédagogique ! A l’absence de moyens, d’organisation, de programmation et d’appropriation, s’ajoute l’absence d’individualisation des impétrants. L’évaluation telle qu’elle est proposée se faisant sans surveillance directe des impétrants, ne permet aucun contrôle. L’enseignant se retrouverait devant des situations inextricables : des plagiats collectifs, des bévues collectives, des dépassements d’horaires, des absences massives aux examens,… Dans le système présentiel c’est déjà à de véritables bras de fer que les enseignants sont livrés en périodes d’examens. Sur internet, c’est à une démultiplication des injustices que nous assisterons.

Cette démarche de l’administration relève d’une improvisation qui frise l’irresponsabilité ! Elle reviendrait à demander aux enseignants d’assumer les conséquences d’une opération lancée sans eux, sans préparation, et qui va porter gravement atteinte à la déontologie et la morale de l’institution universitaire. L’opération d’enseignement à distance engagée à l’UMMTO souffre d’innombrables anomalies et plusieurs dysfonctionnements. Et ce n’est pas  le recours à un tutoriel sur les réseaux sociaux pour présenter aux universitaires, une plate forme d’enseignement à distance, acte qui cache mal le mépris voué à l’enseignant,  qui changera quelque chose. Pour réparer  un tant soit peu toutes ces tares, il est nécessaire de mettre en place un  mécanisme de fonctionnement adéquat, piloté par un personnel compétent et spécialisé dans la pédagogie de l’enseignement à distance. 

C’est pour toutes ces raisons que le CNESTO refuse de cautionner cette démarche unilatérale et strictement bureaucratique. Le CNESTO invite l’administration de l’UMMTO à plus de réalisme, de clairvoyance, de modération et surtout de retenue. La priorité aujourd’hui pour l’administration devrait être la préparation en concertation avec l’ensemble des composantes de l’inévitable phase de déconfinement pour accueillir étudiants, enseignants et ATS dans les meilleures conditions sanitaires possibles et leur assurer toutes les protections nécessaires pendant toute la durée de cette phase.

Le moment venu, le CNESTO espère que l’administration reviendra aux valeurs et règles de la profession et à la concertation avec les enseignants mais aussi les étudiants pour mettre en place un plan idoine de sauvetage de l’année universitaire en cours sans trop grignoter sur l’année prochaine.

P/ Le  CNESTO

 




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