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« Tous les pouvoirs d’Amazighie (Afrique du Nord) veulent récupérer le CMA »

Muhand-Ouramdhane Khacer, ancien membre de l’Académie berbère (III)

« Tous les pouvoirs d’Amazighie (Afrique du Nord) veulent récupérer le CMA »

Le Matin d’Algérie : Vous travaillez actuellement sur un ouvrage qui retrace votre parcours de militant de la cause amazighe, entamé dans les années 1960. Quels sont vos axes de travail ?

Muhand Ouramdhane Khacer : Je pense que le combat identitaire que j’ai entamé en 1965 mérite que je lui consacre un ouvrage pour la mémoire et pour servir de repères aux jeunes générations. Ce parcours a été semé d’embûches, c’était le combat du pot de terre contre le pot de fer. Plus d’une fois, j’ai échappé à la mort. Je vais parachever ce parcours de militant par un livre qui rendra hommage à tous mes compagnons de combat. Il retracera fidèlement la véritable histoire de l’Académie Berbère «Agraw Imazighen» de Paris et de sa Direction de l’Académie Berbère du Nord de Roubaix que j’ai fondé en 1971.

La création de l’Organisation des Forces Berbères (L’OFB) fondée par feu notre héros Haroun Mohamed, sans oublier mon compagnon de combat feu Amar Neggadi qui a fondé en 1974 l’Union du Peuple Amazigh (L’UPA). Ce sera un grand hommage à de grands militants pour une grande cause.

C’est en tant que militant et acteur sur le terrain que je vais retracer l’histoire de ces institutions. Je rappelle que j’ai assuré la première conférence de l’Académie Berbère le 3 mai 1972 sous le pseudo de Khacer Massinissa. (cf. article de Nord-Matin du jeudi 23 avril 1972). C’est devant un parterre de plus de 80 personnes que j’ai donné au nom de l’Académie Berbère la première causerie-débat sur l’histoire et la civilisation berbères dans la salle du FJT ceci avec le soutien de mes amis de la Cité Universitaire Jean Zay de Paris, que je rappelle à mon bon souvenir, je veux nommer, Madjid Bali, Hend et Ramdane Sadi qui se sont déplacés à Roubaix pour m’encourager. Ce jour-là, à la fin de ma contribution, un militant de Dame Amicale des Algériens en Europe chauffé à blanc, excité se lève et m’interpelle : Monsieur Khacer dites-moi, qui c’est qui est derrière l’Académie Berbère ?

Je lui ai demandé de se calmer en lui répondant : Tu veux savoir qui c’est qui est derrière notre académie. En toute franchise, c’est ta grand-mère, c’est ta culture qui est niée dans ton propre pays. C’est ta langue qui n’est pas reconnue dans sa terre natale. Quelques mois plus tard, ce compatriote syndicaliste de la CFDT, intoxiqué par Dame Amicale des Algériens en Europe s’est présenté au Foyer de Jeunes Travailleurs pour me demander des excuses. C’était la première conférence officielle que j’ai assurée au nom de l’Académie Berbère.

C’est à Roubaix, dans le quartier des 3 Ponts que j’ai standardisé en 1989 le Tifinagh notre alphabet d’orgueil en introduisant le W et en corrigeant deux lettres Tch et Dt de l’alphabet conçu par l’académie berbère de Paris, par l’adaptation de deux caractères normalisés.

Ce travail militant a abouti en 1989 à la création de notre première police de caractères Tifinagh réalisé avec le concours de Djamel Bouaziz, Darijaphone. C’est en 1993 que j’ai effectué la véritable normalisation du Tifinagh avec le concours de mon ami militant Ahmed Hamitouche, professeur de math-physique qui a réalisé les deux polices de caractères Afus Deg Wfus 1 & 2. Pour ce faire, mon ami a utilisé un logiciel que nous avons acquis grâce à une subvention octroyée par le Directeur de la DRAC que j’ai réussi à convaincre de l’importance du projet culturel. C’est ce standard que j’ai normalisé qui a été repris par l’IRCAM avec quelques adaptations.

Aujourd’hui, notre alphabet d’orgueil est devenu officiel au Maroc et dans les régions amazighophones de Libye. Ce livre va retracer l’ensemble de mon parcours de 1965 à nos jours. Cette publication comprendra en annexe l’ensemble de mes conférences et une partie du livre sera consacré à quelques hymnes patriotiques et à une poésie engagée. Poèmes que j’ai écrits en Tifinagh en prison. J’ai été arrêté à Marseille le 5 novembre 1976 suite à un mandat d’arrêt international lancé contre moi en 1976 par le pouvoir dictatorial d’Alger.

Le Matin d’Algérie : Pourquoi vous avez quitté le Congrès Mondial Amazigh que vous avez pourtant grandement contribué à créer?

Muhand Ouarmdhane Khacer : Alors que le terrorisme faisait des ravages en Algérie, Douarnenez invite en 1994 les Amazighs (Berbères), peuple dispersé dans toute l’Amazighie (Afrique du Nord), jusque dans les Îles Canaries, en Libye et en Egypte aussi aux frontières du Mali et du Niger, où on les connaît plus sous le nom de Touaregs. Ce fût l’occasion de redécouvrir le cinéma colonial, comme l’Atlantide de Jacques Feyder, ou anti-colonial comme « Avoir vingt ans dans les Aurès » de René Vautier. De décliner les cultures kabyles, rifaines, chaoui, mozabites… La question des droits culturels et identitaires revient souvent, comme celle des langues. Le Premier Congrès Mondial Amazigh sera issu de ce festival où j’ai envoyé en délégation Hamadi Ahcène et Mazari Zoubir pour me représenter et représenter l’Association Afus Deg Wfus que j’ai fondée en 1985 à Roubaix. Cette idée a été concrétisée les 1, 2, 3 septembre 1995 à Saint–Rome de Dolan (France). Le premier congrès mondial amazigh s’est tenu les 27, 28, 29 et 30 août à Tafira (Las Palmas. Grand Canaria).

Ce premier CMA a réuni pour la première fois de l’histoire contemporaine des Amazighs près de 350 délégués représentant la grande famille amazighe d’Afrique. Ce premier congrès a été financé en grande partie par le Gouvernement autonome Canarien. C’est lors de ce congrès que j’ai découvert de grands militants devenus opportunistes. Tous les pouvoirs d’Amazighie (Afrique du Nord) voulaient récupérer le CMA. Il y avait même un délégué algérien, voyant qu’il ne pouvait pas récupérer le CMA pour son parti et devenir le Président a vociféré en prenant le micro vers minuit pour nous annoncer que le CMA est mort. Quelques femmes présentes comme déléguées commençaient à pleurer. Alerte comme je l’étais à l’époque, je lui reprends le micro pour annoncer que le CMA est toujours vivant. C’est lors de ce congrès que j’ai déployé toute mon énergie pour sauver le CMA. En effet, des militants mal intentionnés sont venus à Tafira pour infiltrer le Congrès ou le casser. Un ami, grand militant m’a même interpelé en me disant « Pourquoi vous m’empêchez de devenir Président Muhand Ouramdhane »?

Aidé par Mustapha Sadi, quelques militants et par les membres de notre délégation Afus Deg Wfus, c’est à 2h du matin que j’ai réussi à constituer un bureau présidé par mon ami Antonio F. Martin Hormiga de Lanzarote.

J’ai démissionné en 2002 de ma fonction de vice-président, étant tenu par des obligations professionnelles importantes. Membre du Conseil fédéral, c’est à la réunion de ce CF les 12 et 13 avril 2002 à Agadir, voyant que la trésorerie du CMA est vide, j’ai proposé d’accueillir le 3ème Congrès Mondial Amazigh les 29, 30 et 31 août 2002 à Roubaix. L’organisation de ce 3ème Congrès m’a complètement déstabilisé et épuisé. J’ai assisté à des comportements opportunistes et mercantiles de certains pseudos militants. Quelques-uns de ces membres responsables, qui devaient encadrer les 300 délégués à l’internat du lycée Colbert de Tourcoing, ont pris des chambres d’hôtel laissant les nombreux délégués livrés à eux-mêmes. Le 1er septembre, j’ai trouvé l’internat dans un état que je ne saurai décrire, une porcherie. Certains délégués loin de nos valeurs ancestrales, respect, de générosité ; sans aucun savoir-vivre se sont donnés les nuit a des beuveries alcoolisées. Cette situation m’a mis hors de moi en me disant comment je vais affronter le regard du principal du lycée ?

Imaginez l’état de dégradation des chambres de l’internat. Pendant toute la journée mon épouse et moi, aidés de quelques adhérents, nous avons réussi à remettre les chambres en état. Ces manquements ont été aggravés par les membres du bureau qui ont laissé à l’association Afus Deg Wfus un déficit de près de 8 000 €. Une grande partie des délégués dont des responsables n’ont pas réglé les frais de leur participation à ce 3ème CMA. Il m’a fallu plus d’une semaine de négociation pour convaincre les élus et les techniciens de la Ville de Roubaix (M. René Vandierendonck, sénateur-maire de Roubaix) d’éponger le déficit en réglant par la Ville les différentes factures (traiteur, employés…). Suite à ces errements et autres comportements graves, j’ai décidé d’envoyer au bureau une lettre réquisitoire suivi de ma démission du Conseil fédéral.

Aujourd’hui, j’ai de nombreux amis au sein de ce CMA qui demeure malheureusement divisé par le mercantilisme des uns, l’opportunisme des autres. Certains mêmes s’amusent à caresser leur égo démesuré. Enfin c’est comme ça. En ce qui me concerne, je pense que j’ai donné le meilleur de moi pour la réussite de ce Congrès Mondial Amazigh. J’ai été invité par Handaine Mohamed comme membre fondateur pour participer à la réunion de préparation qui aura lieu à Agadir le 6 octobre mais j’ai décliné l’offre. Il faut laisser la place à nos jeunes. J’ai beaucoup d’amis militants tunisiens sur les réseaux sociaux. Je viens de fêter mes 70 ans (28 juillet) et il est temps pour moi de me consacrer à la rédaction de mes mémoires. Je formule l’espoir pour que ce 8e Congrès Mondial Amazigh du 26-28 octobre à Tunis puisse déboucher sur la réunification du Congrès et sur la reconnaissance de l’amazighité en Tunisie. Identité historique des Tunisiens. Je termine en lui souhaitant plein succès. afud igerzen,tu²ert ifazen i tmazight d waRaw is ! Afud igerzen, tudert ifazen i tmazight d warraw is !

 

Auteur
Abdenour Igoudjil

 




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