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Trêve de chantage, il est temps que Boualem Sansal soit libéré !

Boualem Sansal


Rappelons les faits. Le 16 novembre dernier, l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, connu dans le monde entier pour son humanisme universel et son libertarisme, a été arrêté à son arrivée à Alger, jeté en prison, accusé “d’atteinte à l’intégrité du territoire algérien” et de “terrorisme”.

Pour éviter que l’ignominie de cette accusation ne soit internationalement révélée, le régime algérien le prive de son avocat habituel, François Zimeray, ancien Ambassadeur rescapé d’un attentat islamiste, ambassadeur français des droits de l’homme puis ambassadeur au Danemark.

Pourquoi ce régime piétine-t-il à ce point les lois internationales au mépris des droits de ses citoyens ? Quelle atteinte le pacifique écrivain Boualem Sansal, âgé de 75 ans, aurait-il bien pu inventer pour déstabiliser le territoire algérien en écrivant ses livres ? Que se passe-t-il dans la tête du Président Tebboune qui, après avoir perdu toute bienséance, insulte un de ses citoyens qui n’a pas encore été jugé en le traitant de “voleur”, “à l’identité inconnue” et « bâtard” ?

Comment dans ces conditions croire à un jugement équitable en Algérie ? Avec l’anticipation des élections nationales et la réélection plus que douteuse d’Abdelmadjid Tebboune (environ 75% d’abstention), le régime a connu quelques défaites politiques marquantes et douloureuses pour sa popularité.

Les BRICS ont refusé l’adhésion de l’Algérie à leur groupe, la Ligue arabe l’a écartée des négociations avec la Syrie, l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis se sont éloignés d’elle, le Mali a réitéré son accusation d’ingérences et Abdelmadjid Tebboune a commis la burlesque bévue de traiter Vladimir Poutine d’ »ami de l’humanité » alors que ce dernier venait de faire assassiner le chef de son opposition.

Cela a suffi pour déconsidérer un Président déjà connu pour avoir rempli ses prisons de pacifiques citoyens qui défilaient dans les rues d’Alger et les nettoyaient avant de partir pour montrer leur volonté de dialogue.

Alors, comment faire remonter sa popularité ? Tout laisse à penser que le régime a misé sur le vieux stratagème qui consiste à faire de la France coloniale la responsable de tous les échecs de l’Algérie.

Même si le colonialisme avec toutes ses horreurs est condamnable et si la guerre d’indépendance de l’Algérie était légitime, ce pays est indépendant depuis 62 ans.

Cette évidence n’arrête pas le président Tebboune qui mêle l’Histoire du colonialisme à l’affaire Boualem Sansal devenu en juin 2024 citoyen français. Il le fait arrêter, refuse qu’un avocat français vienne le défendre et va jusqu’à dire le 30 décembre que ce “bâtard”
d’extrême droite a été envoyé en Algérie par la France pour diviser le pays avec l’aide de la DGSE. Propos ubuesques et délirants qui ne méritent pas qu’on s’y arrête.

Cet écrivain-philosophe n’est ni de droite ni de gauche. S’il a fréquenté des personnalités d’extrême droite ce n’est pas parce qu’il partageait leur identité politique, c’est parce que, sur ce sujet précisément, une partie de la gauche n’a pas voulu l’écouter.

Son combat n’est pas un combat contre les religions mais un combat contre l’instrumentalisation des religions comme peuvent le tenter l’islamisme avec l’Islam, le christianisme avec les évangéliques et le judaisme avec son extrême droite. Il n’a fait que jouer le rôle de sentinelle et il n’est pas le seul à le faire.

Ses propos ne sont pas à prendre avec des pincettes en ces jours où la France rend hommage à Charlie Hebdo et à ses professeurs assassinés.

Espérons que le Gouvernement français prenne conscience des problèmes que cette situation peut provoquer pour certains musulmans engagés, français ou étrangers, et sache trouver pacifiquement, dans le cadre législatif des relations internationales, mais fermement, les mesures à prendre pour que M. Tebboune revienne à la raison et libère immédiatement Boualem Sansal.

Emile Martinez

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