Par une directive sans précédent par son ampleur et sa rapidité, l’Administration Trump a notifié à près de trente diplomates de haut rang la fin immédiate de leur mission pour janvier 2026. Parmi eux, Elizabeth Moore Aubin, en poste à Alger, illustre la volonté de Washington de rompre avec l’héritage diplomatique de l’ère Biden.
Selon des informations confirmées par l’agence Associated Press, l’administration du président Donald Trump a ordonné le rappel de 29 chefs de mission diplomatique à travers le monde. Si le remplacement des ambassadeurs « politiques » est une tradition lors de chaque alternance à la Maison-Blanche, cette mesure frappe ici des diplomates de carrière, professionnels chevronnés de la politique étrangère, marquant une rupture nette avec les usages diplomatiques établis.
Une diplomatie sous le signe de la rupture
Cette décision s’inscrit dans la mise en œuvre accélérée de la doctrine « America First ». En ciblant des diplomates de carrière nommés sous la précédente administration, l’exécutif américain signale sa volonté de s’assurer une loyauté absolue et une exécution sans faille de sa nouvelle feuille de route internationale.
Le continent africain est le plus durement touché par cette vague de rappels, avec 13 chancelleries concernées. Ce mouvement suggère une réévaluation profonde des relations des États-Unis avec les nations émergentes, où Washington entend désormais privilégier des accords bilatéraux transactionnels plutôt que des cadres de coopération multilatérale.
Le cas d’Alger : un signal fort pour l’Afrique du Nord
Le rappel d’Elizabeth Moore Aubin, ambassadrice des États-Unis en Algérie depuis février 2022, constitue l’un des points d’orgue de cette annonce. Diplomate de carrière respectée, Mme Aubin a œuvré au renforcement de la coopération sécuritaire et énergétique entre Alger et Washington.
Son départ forcé en janvier prochain pose plusieurs questions sur la direction que compte prendre l’administration Trump dans la région :
En matière de gestion des équilibres régionaux, l’Algérie occupe une place centrale dans la stabilité du Sahel et du marché gazier méditerranéen.
Aussi Washington pourrait, par pragmatisme économique, chercher à nommer un profil plus orienté vers les investissements directs et la compétition avec les intérêts russes et chinois dans la zone.
Vers une vacance de pouvoir diplomatique ?
L’inquiétude des analystes porte désormais sur les délais de remplacement. Le processus de nomination et de confirmation par le Sénat peut s’avérer long, laissant potentiellement des ambassades stratégiques sous la direction de simples chargés d’affaires pendant plusieurs mois.
En agissant ainsi, Donald Trump affirme sa prérogative présidentielle : l’ambassadeur n’est pas seulement le représentant de l’État, mais le représentant personnel du Président. Dans cette nouvelle ère, la neutralité technique du corps diplomatique semble s’effacer devant l’impératif d’alignement politique.
Outre l’Algérie, des pays comme le Nigeria, l’Égypte, le Sénégal et la Côte d’Ivoire voient également leurs chefs de mission rappelés, confirmant un pivot majeur de la présence américaine sur l’axe Afrique-Moyen-Orient.
Départ d’Elizabeth Moore Aubin : vers une inflexion de la politique américaine à l’égard d’Alger ?
L’impact du rappel d’Elizabeth Moore Aubin sur l’axe Alger-Washington s’analyse sous deux angles majeurs : la fin d’un cycle de stabilité diplomatique et l’incertitude quant aux futurs arbitrages stratégiques.
D’une part, le départ forcé d’Elizabeth Moore Aubin brise une dynamique de proximité inédite. Depuis 2022, la diplomate avait réussi à approfondir les liens sécuritaires (lutte antiterroriste au Sahel) et économiques, marqués notamment par le retour en force des géants pétroliers comme Chevron et ExxonMobil. Son départ crée un vide opérationnel immédiat : alors qu’elle incarnait une diplomatie de dialogue et de « respect mutuel », son remplacement par un profil potentiellement plus transactionnel ou politique pourrait refroidir cette atmosphère de confiance, laissant les dossiers en cours — comme l’ouverture d’une ligne aérienne directe Alger-New York — en suspens.
D’autre part, cette décision signale un durcissement probable de la posture américaine sur les dossiers sensibles de la région. Avec l’administration Trump, Washington pourrait exercer une pression accrue sur Alger concernant ses partenariats militaires avec Moscou ou ses positions sur le Sahara Occidental. Le rappel de l’ambassadrice n’est donc pas une simple formalité administrative, mais le prélude à une diplomatie plus « musclée », où le soutien à la vision américaine deviendra le préalable indispensable à toute coopération, risquant de heurter la doctrine d’indépendance nationale chère à l’Algérie.
Samia Naït Iqbal
Les 29 pays concernés par région
Afrique (13) : Algérie, Burundi, Cameroun, Cap-Vert, Côte d’Ivoire, Gabon, Madagascar, Niger, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Somalie, Ouganda.
Asie & Pacifique (6) : Fidji, Laos, Îles Marshall, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Philippines, Vietnam.
Europe (4) : Arménie, Macédoine du Nord, Monténégro, Slovaquie.
Moyen-Orient (1) : Égypte.
Autres (5) : Népal, Sri Lanka, Guatemala, Suriname, Maurice.

