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Tunisie : 500 jours de détention pour Mourad Zeghidi et Borhène Bsaïes, le SNJT appelle à leur libération

Mourad Zeghidi et Borhène Bsaïes

Mourad Zeghidi et Borhène Bsaïes, prisonniers du système arbitraire de Kaïs Essaied.

Cinq cents jours. C’est la durée exacte depuis laquelle le journaliste Mourad Zeghidi et l’animateur Borhène Bsaïes sont privés de liberté en Tunisie. Arrêtés le 11 mai 2024, ils sont devenus malgré eux les symboles d’un climat de répression qui s’abat sur la presse tunisienne.

Le Syndicat national des journalistes tunisiens (SNJT), qui a marqué cette date par un communiqué virulent, dénonce une détention « arbitraire » et « injustifiée » et réclame leur libération immédiate et inconditionnelle.

« Ce n’est plus l’exception, mais une pratique courante », alerte le syndicat. Pour lui, l’affaire Zeghidi-Bsaïes illustre une stratégie assumée de musellement des voix critiques. Et les deux hommes ne sont pas seuls : d’autres figures médiatiques comme Chadha Haj Mbarek et Sonia Dahmani ont connu le même sort pour leurs opinions.

La prison après avoir purgé leur peine

En juillet 2024, Zeghidi et Bsaïes avaient été condamnés à huit mois de prison en vertu du controversé décret 54 qui encadre les infractions liées aux systèmes d’information et de communication. Leur seul « crime » : avoir critiqué la gestion des affaires publiques. Ils ont purgé cette peine et auraient dû retrouver la liberté en janvier 2025. Pourtant, ils sont restés derrière les barreaux.

De nouvelles poursuites ont été ouvertes contre eux, entachées selon le SNJT d’« irrégularités flagrantes » : absence d’audition préalable, violation du droit à la défense, refus systématique des demandes de libération provisoire. « La liberté doit être la règle et la détention l’exception », martèle le syndicat, qui accuse la justice tunisienne d’être instrumentalisée à des fins politiques.

Un avertissement pour les libertés

Le communiqué va plus loin en inscrivant cette affaire dans une perspective plus large : celle d’une dérive autoritaire qui menace les acquis de la révolution tunisienne. « Cinq cents jours de détention arbitraire ne sont pas un simple chiffre, mais le signe d’une atteinte continue à la liberté de la presse », écrit le SNJT. Et de prévenir : si cette logique se poursuit, « l’avenir des libertés en Tunisie s’annonce sombre ».

Cette analyse est partagée par l’ONG Intersection for Rights and Freedoms, qui rappelle que Zeghidi et Bsaïes sont maintenus en détention « malgré l’expiration de leur peine initiale ». Pour l’association, le décret 54 est désormais un outil de répression politique visant journalistes, opposants et militants.

Un combat qui dépasse deux hommes

La famille des deux détenus, appuyée par des avocats et des collectifs de défense des droits humains, dénonce de son côté une « vengeance d’État ». Plusieurs mobilisations ont eu lieu à Tunis et dans d’autres villes pour réclamer leur libération, mais sans effet jusqu’à présent.

L’affaire dépasse désormais les cas individuels de Zeghidi et Bsaïes. Elle cristallise un malaise plus profond : celui d’une justice perçue comme soumise au pouvoir politique et d’une presse de plus en plus surveillée. « Ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la liberté de deux journalistes, mais la possibilité pour toute une société de continuer à parler et à écrire librement », résume un membre du SNJT.

En Tunisie, le journalisme, jadis présenté comme l’un des acquis majeurs de la révolution de 2011, traverse une zone de turbulences inquiétante. Et les 500 jours de détention de Mourad Zeghidi et de Borhène Bsaïes sont devenus le symbole de ce recul.

Mourad Benyahia

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