Le Parti destourien libre (PDL) a vivement réagi, dans la nuit du 11 décembre 2025, à la situation judiciaire de sa présidente Abir Moussi, détenue depuis octobre 2023.
Dans un communiqué, le parti a dénoncé des “violations graves” à l’encontre de leur dirigeante, évoquant une détention “coercitive” depuis le 3 octobre 2023 et “sans fondement légal” depuis le 26 mai 2025. Le PDL réclame sa libération immédiate et affirme que l’État porte “la responsabilité d’une injustice manifeste”.
Le PDL dit soutenir Moussi “sans condition” et rejette ce qu’il considère comme une tentative d’“exclusion politique sous couvert d’un jugement”, l’empêchant d’exercer son rôle partisan et sa présence dans l’espace public. Le parti réaffirme son droit à un exercice politique libre et annonce maintenir son rôle d’opposition en coopération avec les forces attachées à la république et au gouvernement civil.
La lettre d’Abir Moussi depuis sa cellule
Quelques heures avant l’audience prévue le 12 décembre, Abir Moussi a publié une lettre adressée “aux décideurs”, revenant sur son arrestation, ses conditions de détention et les accusations portées contre elle. Voici sa lettre dans sa version française intégrale :
Lettre d’Abir Moussi
« Vous avez commis à mon égard une faute grave et vous avez fait porter à l’État tunisien la responsabilité de persécuter une femme libre, attachée à la république civile, respectueuse des lois du pays et représentant le fruit du modèle sociétal bourguibien qui croyait au rôle actif des femmes dans la vie politique.
Vous n’avez pas eu la largesse d’esprit d’accepter mes critiques, pourtant fondées et étayées par des preuves, et vous m’avez infligé une injustice sans précédent simplement parce que j’ai exercé mon droit à l’expression, à l’opposition nationale légitime et à la candidature aux échéances électorales, dans le cadre de la promotion du principe de l’alternance pacifique au pouvoir.
On m’a faussement accusée d’“attentat visant à changer la forme de l’État et d’inciter la population à s’attaquer mutuellement par les armes”, alors que mes positions, mes actions, mes déclarations, les doctrines et les activités de mon parti, ainsi que nos luttes, témoignent que cette accusation est totalement infondée à mon égard.
Le peuple est désormais convaincu que ce que je subis est une injustice et une exclusion, sans lien avec l’application de la loi, surtout au vu de mon maintien en détention depuis le 26 mai 2025, en l’absence de tout mandat de dépôt valide autorisant mon incarcération. »
Des accusations jugées “infondées”
En diffusant cette lettre, Abir Moussi entend répondre aux charges les plus lourdes pesant contre elle. Elle rejette notamment l’accusation d’“attentat visant à changer la forme de l’État et à inciter les Tunisiens à s’attaquer mutuellement par les armes”, prévue par l’article 72 du Code pénal et passible de la peine de mort. Selon elle, l’ensemble de ses activités publiques et partisanes contredit totalement ces accusations.
Un feuilleton judiciaire à rebondissements
Le 5 décembre, deux audiences ont été organisées devant le tribunal de première instance et la cour d’appel de Tunis. Elles ont été reportées à des dates ultérieures, selon son avocat Me Mohamed Ali Boucheiba. Pour ses soutiens, cette succession de reports entretient une situation de flou juridique et accentue la dimension politique de l’affaire.
Son arrestation d’octobre 2023, dans l’affaire dite “du bureau d’ordre”, marque le début d’une série de poursuites. D’autres dossiers sont ouverts, notamment à la suite de plaintes déposées par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE).
Une affaire symbolique
Dans un contexte tunisien tendu, marqué par des affrontements politiques et institutionnels, l’affaire Abir Moussi dépasse le cadre judiciaire. Pour ses partisans, elle incarne une dérive autoritaire visant à écarter une figure de l’opposition. Pour ses adversaires, elle reflète au contraire les conséquences de son style politique virulent et des dossiers légaux en cours.
Entre exigences de l’État de droit, pressions politiques et enjeux électoraux, la situation de la dirigeante du PDL continue d’alimenter un débat national, révélateur des fractures profondes qui traversent la scène politique tunisienne.
Mourad Benyahia

