Le 19 avril 2025, la justice tunisienne a condamné par contumace le philosophe et écrivain français Bernard-Henri Lévy à 33 ans de prison pour « complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État ».
Cette décision, prononcée dans le cadre d’un méga-procès visant une quarantaine de personnes — opposants, militants, responsables politiques, exilés, personnalités étrangères — refait aujourd’hui surface, suscitant incompréhension et indignation.
Car si le verdict date du printemps dernier, il n’avait jamais bénéficié d’un véritable écho international.
Un procès massif, opaque et très politique
La Chambre criminelle spécialisée, siégeant à huis clos, a distribué des peines allant de 4 à 66 ans de prison. Les charges étaient multiples : « entente terroriste », « complot contre la sûreté de l’État», « incitation à la guerre civile », « atteinte à la forme du gouvernement », ou encore accusations liées à des troubles supposés.
Dans ce vaste dossier, aucune preuve détaillée n’a été rendue publique concernant BHL. Les autorités tunisiennes n’ont fourni ni éléments matériels, ni chronologie précise, ni explications solides établissant un lien entre l’intellectuel français et les actes subversifs allégués.
Pour de nombreuses ONG et observateurs, le procès relève avant tout d’une logique politique, instrumentalisée dans un contexte de durcissement autoritaire en Tunisie.
Pourquoi l’affaire ressurgit-elle seulement maintenant ?
Bien que le jugement ait été rendu le 19 avril 2025, ce n’est que ces dernières semaines qu’il a pris une ampleur internationale. Plusieurs facteurs expliquent ce décalage :
Au moment du verdict, la Tunisie faisait face à d’autres crises internes. L’affaire avait été relayée localement, mais quasiment ignorée par la presse étrangère. Ce silence médiatique a permis au dossier de passer inaperçu. Par ailleurs, il n’y a plus une semaine qui passe dans ce pays sans que des opposants ou des avocats ne soient arrêtés, jugés et condamnés. Une tyrannie sans précédent est mise en place par Kaïs Saïed, renforçant son pouvoir et neutralisant tous les leviers potentiels d’opposition.
La présence inattendue de BHL dans la liste des condamnés
Quand l’information a été republiée et commentée récemment, la condamnation d’un intellectuel français à 33 ans de prison a produit un effet de choc, suscitant un regain massif d’attention sur les réseaux sociaux.
Depuis début décembre, plusieurs organisations — dont Human Rights Watch et Amnesty International — ont publié des dossiers alarmants sur la dérive autoritaire du pays.
Ces rapports ont ravivé les projecteurs sur toutes les affaires sensibles, dont celle du « complot ».
L’opposition, affaiblie mais toujours active, utilise de nouveau cette affaire comme symbole d’une justice instrumentalisée. Les prises de parole récentes ont contribué à faire remonter le dossier dans l’espace public.
Comme souvent, un article, un extrait vidéo ou une publication partagée au hasard peut soudain faire exploser un sujet. C’est exactement ce qui s’est passé : une info ancienne devenue virale.
En l’absence de présence physique de BHL en Tunisie, la peine demeure inexécutable. Mais le message politique est clair : la justice tunisienne n’hésite plus à inclure des figures étrangères dans des affaires présentées comme existentielles pour l’État.
Pour les défenseurs des droits humains, ce procès marque une rupture profonde avec la période d’ouverture post-révolution. Il s’inscrit dans une série de condamnations visant journalistes, militants, avocats et opposants.
Mourad Benyahia

