Mercredi 3 décembre 2025, l’actrice tunisienne Leila Chebbi est attendue devant la brigade de lutte contre les crimes liés aux technologies de l’information et de la communication, à l’Aouina, près de Tunis.
La convocation fait suite à certaines de ses prises de position publiques sur les réseaux sociaux et dans les médias. À ce jour, aucun motif précis n’a été communiqué, et aucune accusation formelle n’a été rendue publique. Cette situation soulève des interrogations sur la frontière entre sécurité numérique et liberté d’expression.
Depuis plusieurs années, les autorités tunisiennes recourent de plus en plus aux lois de cybercriminalité pour réguler l’espace numérique. Selon les bilans officiels, près de 2 000 affaires ont été recensées depuis début 2024, allant du piratage aux fraudes en ligne, en passant par les campagnes de diffamation ou d’incitation à la haine. Mais lorsque ces outils légaux sont mobilisés contre des journalistes, des militants ou des artistes, la question de l’arbitraire et de l’intimidation se pose.
Le cas de Leila Chebbi n’est pas isolé. Plusieurs figures publiques et activistes ont déjà été convoquées pour des publications sur les réseaux sociaux ou des déclarations jugées « suspectes » par les autorités. L’utilisation de la loi sur les crimes liés aux systèmes d’information, si elle n’est pas accompagnée de preuves concrètes et d’une procédure transparente, peut devenir un instrument de pression politique et sociale. La frontière entre prévention de la cybercriminalité et restriction de la liberté d’expression devient alors très mince.
Face à cette convocation, la mobilisation citoyenne s’organise. De nombreux messages de soutien affluent pour l’actrice, exprimant indignation et solidarité : « Tout mon soutien Mme Leila Chebbi », « Cette mésaventure était prévisible », « Tout le soutien et l’encouragement à l’actrice Leila Chebbi… merci Madame Ramla », ou encore : « Il ne manquait plus que Leila Chebbi pour compléter la triste liste. Presque toutes les professions sont déjà figurées parmi les « comploteurs », pourquoi pas une comédienne de théâtre, cinéma et télévision ? ».
Certains commentaires dénoncent également le glissement symbolique de la brigade : « Les autorités ont détruit tout, y compris la valeur symbolique et morale d’Al-Aouina… aujourd’hui, quand on entend ce nom, cela fait rire par dérision. » D’autres mettent en garde contre la distraction de l’opinion publique : « La Tunisie est envahie par les arrestations, poursuites, reports et condamnations. Tout cela détourne le peuple tunisien alors que des milliers d’Africains entrent dans le pays… ».
Au-delà de la situation individuelle, le dossier Chebbi illustre un enjeu plus large pour toute la région : comment concilier la lutte contre la cybercriminalité et la protection des droits fondamentaux dans un environnement numérique en constante expansion ? Les citoyens, journalistes et médias doivent rester vigilants et solidaires pour que la justice numérique ne devienne pas un instrument de censure. La convocation de Leila Chebbi doit être suivie de près, non seulement pour elle, mais pour toutes les voix qui font vivre la liberté d’expression.
Mourad Benyahia

