Les autorités tunisiennes ont décidé de suspendre pour un mois les activités de l’Association tunisienne des femmes démocrates (ATFD), suscitant une vive réaction de la part de ses responsables et du milieu associatif. L’annonce a été confirmée par la présidente de l’association, Raja Dahmani, dans un entretien avec Ultrasawt le 24 octobre 2025.
Selon Mme Dahmani, la décision est intervenue sans avertissement préalable et fait suite à des demandes répétées de présenter des documents relatifs aux activités de l’association, dans le cadre du décret n°88 régissant le fonctionnement des associations en Tunisie. L’association avait déjà été convoquée en novembre 2024 pour fournir ces informations et s’était conformée à toutes les exigences légales à ce moment-là. La nouvelle injonction de présenter des documents supplémentaires a été perçue comme un acte arbitraire.
« Nous avons toujours œuvré dans la transparence et conformément à la loi tunisienne pendant 36 ans », a insisté la présidente. Elle a également souligné que la suspension met en péril quatre centres d’accueil pour les femmes victimes de violence, alors que la Tunisie connaît une recrudescence inquiétante des violences envers les femmes.
La secrétaire générale de l’ATFD, Hala Ben Salem, a corroboré ces propos en affirmant que tous les rapports financiers et administratifs de l’association sont en règle et publiés conformément à la loi. Elle a indiqué que l’association contestera juridiquement la décision et fournira tous les documents requis. Dans une publication sur Facebook, elle a dénoncé le caractère politique de cette mesure, visant selon elle à museler les voix féministes et les acteurs de la société civile.
Cette décision s’inscrit dans un contexte plus large de pression sur les associations et organisations indépendantes en Tunisie. Plusieurs ONG et groupes civiques ont déjà été visés par des mesures similaires, limitant leur capacité d’action et leur rôle de soutien auprès des populations vulnérables. L’ATFD n’est pas la seule à subir ces restrictions : en août-septembre 2025, l’association « Voix des femmes » avait temporairement interrompu ses activités pour les mêmes raisons.
Selon les organisations internationales telles que Human Rights Watch et Amnesty International, les autorités tunisiennes recourent depuis plusieurs années à des mesures bureaucratiques et judiciaires pour restreindre le travail de la société civile, notamment dans les domaines de la défense des droits humains et de la protection des femmes.
Pour les responsables de l’ATFD, la suspension constitue un entrave directe aux droits des femmes et menace l’existence même des programmes de soutien et d’accompagnement pour les victimes de violences. La présidente de l’association a rappelé que ce type de décision affaiblit la société civile et compromet la protection des femmes en Tunisie.
Alors que l’ATFD prépare son recours, la communauté associative et les défenseurs des droits humains observent avec inquiétude l’évolution de cette affaire, qui pourrait devenir un baromètre de l’espace civique et des libertés publiques dans le pays.
Mourad Benyahia

