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Ukraine : comment mettre plus de pression sur Poutine ?

Soldats ukrainiens.

Soldats ukrainiens au front.

Les alliés de l’Ukraine cherchent actuellement une manière de faire pression sur la Russie pour qu’elle accepte une pause dans les combats, ce qui pourrait passer par des actions et menaces plus crédibles.

Vendredi dernier, les délégations ukrainiennes et russes tenaient des pourparlers de paix à Istanbul sous médiation turque. La réunion, de deux heures, a abouti à un échange de prisonniers, mais non à une trêve. La Russie veut que l’Ukraine abandonne quatre de ses régions qu’elle contrôle partiellement et la Crimée annexée en 2014. Le pays envahi devrait aussi renoncer à rejoindre l’OTAN et ne plus accepter de livraisons d’armes occidentales. Pour sa part, l’Ukraine a exigé des garanties de sécurité solides et a fermement rejeté ces demandes.

Pour forcer la Russie a être sérieuse dans ses négociations, qui sont actuellement plus un exercice de relation publique qu’autre chose, le professeur associé au département de science politique de l’université de Pittsburgh, William Spaniel, qui tient le site « Lines on map » sur YouTube ou il analyse de manière détaillée la guerre en Ukraine, a publié le 17 mai une vidéo d’une trentaine de minutes exposant la manière dont pourrait se résoudre ce conflit en forçant la Russie à négocier un arrêt des combats.

Le scientiste qui a un PhD de L’université Rochester en 2015, considère que la proposition d’arrêt des combats de l’envoyé spécial des États-Unis chargé de la résolution du conflit en Ukraine, l’ex-général Keith Kellogg, était raisonnable, mais qu’il n’y avait pas eu de suivi à ce sujet. Les États-Unis y menaçaient la Russie d’augmenter leur aide à l’Ukraine si Poutine faisait la sourde oreille à une demande d’arrêt des combats. William Spaniel considère que la Russie est de plus en plus convaincue que les États-Unis n’ont aucun intérêt de continuer leur implication en Ukraine, quel que soit le déroulement des événements.

Même si Trump menace publiquement d’augmenter l’aide militaire américaine à l’Ukraine si la Russie ne déclare pas d’arrêt des combats, le chercheur ne croit pas qu’actuellement que cela convaincra Poutine qu’il le ferait réellement. Il affirme que Trump ne gère pas les relations internationales au jour le jour en fonction de ses humeurs, comme beaucoup d’analystes le croient, mais suit plutôt une doctrine tirée du document « Une stratégie pour défendre les intérêts américains dans un monde plus dangereux » sur lequel il avait fait en fin avril une vidéo d’une quarantaine de minutes intitulée la « doctrine Trump », détaillant les impératifs pour prioriser les actions américaines. Cette doctrine prioriserait Taiwan sur l’Ukraine.

L’Europe doit aussi devenir plus crédible

William Spaniel considère aussi que les pays européens qui font actuellement des menaces doivent les faire suivre d’actions réelles. « Cessez de le dire et faites-le! » affirme le scientiste, « Si les pays européens payaient un prix réel pour mettre en application leurs menaces, cela les rendrait crédibles. » Il serait important que l’aide militaire à l’Ukraine augmente actuellement substantiellement sur le terrain pour permettre à son armée d’arrêter l’avancée incrémentale des Russes. Les alliés de l’Ukraine pourraient après confronter Poutine, montrant qu’ils sont sérieux et qu’il devrait négocier. La menace toucherait aussi la production de matériel militaire qui continuerait en Occident, mais qu’il serait accumulé et non envoyé en Ukraine tant que les combats seraient arrêtés. Il y serait cependant envoyé dès qu’ils reprendraient.

Il y a beaucoup à faire pour que les actions prises par l’Occident contre la Russie soient crédibles. Le meilleur exemple de cette situation s’est produit le 17 mai dernier alors que la marine estonienne a tenté d’aborder dans les eaux neutres du golfe de Finlande un pétrolier de la flotte fantôme russe en mer baltique. Depuis 2022 le brut russe est placé sous sanction par le G7 et l’Union européenne (UE), mais ces sanctions sont contournées par la Russie qui utilise des « navires-fantômes ». Alors que les navires de patrouille, des avions de l’OTAN et des hélicoptères se sont approchés du pétrolier, tentant à deux reprises de l’arraisonner, un chasseur russe Sukhoi 35 aurait violé l’espace aérien estonien, soit le ciel de l’OTAN, pour défendre et libérer le navire-fantôme bien qu’il battait pavillon du Gabon.    

La guerre hybride russe contre les pays occidentaux continue d’ailleurs à bafouer leur souveraineté. Une vidéo produite par le journal Le Figaro mise sur son site internet le 17 mai montre que la DGSI française doit toujours faire face à plusieurs opérations d’espionnage russe sur son territoire. Une note du renseignement français récemment publiée fait aussi état de menaces et actions russes contre la France. La consultante en relation internationale Franco-Ukrainienne, Alla Poedie disait le 15 mai sur les ondes de LCI au sujet de l’infiltration des agents d’influence russe sur le territoire français : « Ça fait 30 ans que je suis en France et ça fait 30 ans que j’observe les agents russes fonctionner en toute impunité, ouvertement, en approchant les hommes politiques, les femmes politiques, différents leaders d’opinion. » Elle considère d’ailleurs que ces actions deviennent plus agressives.

Le ministère français des Armées publiait à ce sujet sur son site internet à la mi-mai la vidéo « Matriochka : la campagne pro-russe de désinformation » qui fait état de plusieurs actions belliqueuses russes visant l’occident. Différentes manœuvres de désinformation reliées au dispositif informationnel pro-russe auraient été détectées depuis septembre 2023. Un phénomène qui existe depuis longtemps, mais qui se serait massivement amplifié depuis le début de la guerre en Ukraine. Ces attaques s’intensifieraient lors de grands événements.     .      

Le temps presse

« La pression sur la Russie doit se poursuivre jusqu’à ce qu’elle soit prête à mettre fin à la guerre », affirme Zelensky sur tous les tons et dans tous les médias. Plusieurs croient encore que Trump mettra à exécution des restrictions bancaires à Moscou et les menaces d’imposer des sanctions dites secondaires. Ce dernier pourrait aussi approuver le projet de loi du sénateur américain Lindsey Graham qui bénéficie d’un soutien bipartisan au Congrès. Il impose aux pays qui achètent à Moscou du gaz et du pétrole des droits de douane punitifs.

Considérant que l’Ukraine a encore beaucoup de soutien aux États-Unis et même chez les républicains, William Spaniel croit que la large minorité démocrate pourrait aider à marginaliser les extrémistes MAGA s’y opposant et faire passer cette loi. Toujours selon le scientiste, l’Union européenne devrait s’attacher dès maintenant à développer de nouveaux systèmes d’armes capables de protéger ses pays des menaces militaires.

Des actions pourraient aussi diminuer l’instrumentalisation par la Russie de « l’internationale réactionnaire ». L’essayiste et journaliste qui a publié « La Gratitude » aux éditions de L’Observatoire, Laetitia Strauch-Bonart, considère que la droite française doit soutenir sans ambiguïté l’Ukraine.

Malgré le manque de prévisibilité qu’offre la diplomatie américaine, l’Union européenne continue cependant à avancer et a adopté de nouvelles sanctions visant la flotte de pétroliers fantômes. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, affirme que le plafond du prix du pétrole russe fixé par le G7 pourrait être abaissé. L’UE travaille aussi à de nouvelles mesures s’attaquant au secteur financier de Moscou et aux gazoducs Nord Stream.

Les récents mouvements économiques au niveau mondial pourraient aussi être favorables à une cessation des hostilités en Ukraine. Avec un baril sous la barre des 70 dollars, la Russie est prise avec une diminution de ses revenus. Ana Maria Jaller-Makarewicz, de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis, croit que la chute des prix pétroliers pourrait pousser le pays à conclure un accord de paix.

Michel Gourd

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