En ne créant pas suffisamment d’armement sur son territoire pour contrer la Russie, l’UE risque-t-elle de tout perdre en Ukraine si elle est abandonnée par les États-Unis?
Dans une entrevue présentée le 12 octobre dernier dans l’édition internationale du bulletin de nouvelles de TV5 Monde, l’ancien officier de l’armée française, Guillaume Ancel, qui a publié plusieurs livres et est cité régulièrement dans de très nombreux médias, affirmait qu’il y aurait une compétition qui se serait installée entre le front en Ukraine et celui au Moyen-Orient.
Selon lui, le seul vrai fournisseur d’armes en Ukraine serait les États-Unis, pays qui réserverait actuellement l’essentiel de son stock d’armes à Israël, réduisant l’approvisionnement en Ukraine, ce qui mettrait ce pays en grande difficulté.
Bien que nous soyons deux ans et demi depuis le début de la guerre en Ukraine, l’industrie militaire européenne n’aurait jamais vraiment été mobilisée et la défense de l’Europe serait fortement dépendante des États-Unis. Malgré de nombreux discours, les Européens n’auraient donc pas vraiment pris conscience des enjeux et de l’importance de cette guerre puisqu’ils ne mobiliseraient pas leurs moyens industriels et n’auraient donc jamais pris le relais dans la fourniture d’armes.
D’autres auteurs font remarquer que sur le continent européen, en dehors de la Russie, l’incitation à développer une économie de guerre se heurterait aux marchés et à la résilience du commerce.
Or la perte de la guerre en Ukraine pourrait avoir de très lourdes conséquences selon Pierre Lellouche, l’auteur d’« Engrenages. La guerre d’Ukraine et le basculement du monde ». Pour lui, l’après-guerre d’Ukraine déterminerait l’avenir de l’Europe et de ses institutions.
Faute d’une bonne évaluation de la situation, après avoir raté la guerre en Ukraine, qui aurait pu être évitée, les Européens seraient donc partis pour rater la paix qui suivra. Incapables de fournir l’équipement militaire nécessaire, ils risquent donc de se retrouver avec une Ukraine ayant perdu le Donbass et la Crimée.
Ce serait un pays économiquement ruiné et dévasté par la guerre, possiblement instable politiquement, mais aussi la première puissance militaire d’Europe en raison de toute l’aide reçue. Une seule vraie manière de changer la donne resterait, soit d’aider l’Ukraine à gagner la guerre.
Les preuves semblent s’accumuler pour montrer une Europe vassalisée par les États-Unis au niveau de la défense et dépassée par les événements. Dans un texte publié le 12 octobre sur son site web, le Réseau Atlantico se demande si la nouvelle tournée de Zelensky en Europe était un marathon pour rien.
Le président ukrainien qui a visité Londres, Paris, l’Allemagne et l’Italie n’en revient avec rien de substantiel. S’il a reçu en Croatie, lors du sommet avec les États du Sud-Est européen du 9 octobre, le soutien diplomatique de 12 chefs d’États et de gouvernement des Balkans et de la Mer Noire, le président ukrainien n’a pas ramené d’aide financière supplémentaire.
Bref, si les États-Unis coupent leur soutien militaire, l’Ukraine pourrait être acculée à la capitulation et la Russie aurait une fenêtre pour récupérer par la violence, ou la peur, plusieurs morceaux perdus de l’URSS. Seule une défaite russe serait capable de l’ébranler. La guerre en Ukraine semble tracer la future frontière orientale de l’Union européenne.
La manière proposée par Guillaume Ancel pour améliorer la situation serait donc à étudier sérieusement et rapidement. L’Europe devrait faire comme dans l’aéronautique et créer quelque chose ressemblant à un Airbus de la défense capable de fédérer toutes les capacités européennes, qui serait très importante considérant les budgets de la défense de tous les pays membres.
Le but serait d’augmenter l’approvisionnement militaire de l’Ukraine afin de lui permettre d’avoir suffisamment d’avantages tactiques sur le terrain pour empêcher les Russes d’avancer, les obligeant à négocier la fin de la guerre. Cela permettrait de créer un moment où une négociation pourrait ne pas être considérée comme une capitulation pour les deux côtés.
La défaite de l’Ukraine serait une catastrophe assurée pour l’Europe. Les Européens devraient réaliser que ce ne serait peut-être pas la même chose pour les États-Unis et que leur condition de vassal militaire peut les mener à leur perte.
Michel Gourd