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Ukraine, une terre à fragmenter

 

Le 30 novembre dernier, le directeur du service de renseignement extérieur de Russie (SVR), Sergueï Narychkine déclarait que les dirigeants polonais ont l’intention d’organiser des référendums dans l’ouest de l’Ukraine afin de justifier leurs revendications sur les territoires ukrainiens que la Pologne avait perdus en 1939.

Il ajoutera qu’afin de « garantir le caractère légitime des acquisitions territoriales prévues, les dirigeants polonais ont décidés d’utiliser l’expérience russe réussie de la restitution des territoires ancestraux ».

A cet effet, le président polonais Andrzej Duda a chargé les départements concernés de préparer rapidement « une justification officielle » des revendications sur ces terres de l’ouest de l’Ukraine. Varsovie considère qu’elle mérite une composition pour avoir assisté militairement Kyiv, de même pour l’incendie survenu à ses frontières après la chute d’un missile ukrainien après avoir été brouillé par l’armée russe.

Le n°1 de l’espionnage russe ajoutera encore, qu’il n’en demeure « que l’histoire des deux pays est emplie d’exemples amers d’affrontements entre nationalistes polonais et ukrainiens »

D’un autre côté, l’ancien conseiller de la CIA James Rickards publia dans le journal Daily Reckoning, en date du 3 décembre un article intitulé « Désolé. La Russie est en train de gagner la guerre » et selon lui, « les forces armées ukrainiennes subissent de lourdes pertes, l’approvisionnement en armes par l’Occident est difficile en raison des problèmes de logistique, de plus, les soldats ukrainiens sont mal entrainés ».

Il affirmera que sur la base d’informations de la Maison-Blanche, de l’UE et de l’OTAN, « la situation réelle sur le champ de bataille est presque complètement en contradiction avec le récit occidental ».

Le 4/12, c’est au tour de l’officier du renseignement américain en retraite, Scott Ritter de déclarer lors d’une interview au journaliste Andrew Napolitano, de Fox-News que « ce ne sera pas rapide, mais je pense que d’ici la fin de l’été prochain, l’armée russe remportera une victoire militaire. En Ukraine, l’armée russe est invisible ». De son côté, le président de l’Etat-major interarmées US et lors d’une réunion du Groupe de contact pour l’assistance à l’Ukraine avait déclaré le 16/11 passé, que les USA estiment de leur côté que les hostilités en Ukraine pourraient ralentir avec l’arriver de l’hiver, créant des conditions propices à la résolution de ce conflit ce qu’un député ukrainien du parti Serviteur du peuple du président Zelensky, affirmait sur de possible négociations russo-ukrainiennes dès le second semestre de 2023.

Derrière ces agitations médiatiques d’experts et d’observateurs de la scène ukrainienne, il y a lieu d’ajouter que sur le plan de la logistique militaire, les stocks d’artillerie et de défense aérienne de certains pays de l’OTAN ont été bel et bien rongés par les demandes excessives de Kyiv. Neuf mois après le début de la guerre, estime le New-York Times du 26/11 dernier, le manque « de préparation fondamentale de l’Occident a déclenché une course folle pour fournir à l’Ukraine ce dont elle a besoin tout en reconstituant les stocks de l’OTAN ».

Si l’OTAN avait pu tirer jusqu’à 300 obus d’artillerie par jour en Afghanistan sans le souci des questions de la défense aérienne, en Ukraine le tir est calculé par des milliers d’obus face à des attaques des missiles russes de tous genres et celle des drones de fabrication iranienne. Les états-majors de l’OTAN se démènent aujourd’hui pour trouver des équipements et des munitions de l’ère soviétique afin d’appuyer la défense ukrainienne.

A la source de cette guerre fratricide pour les deux peuples, il y a bien une histoire dont le nationalisme totalitaire est derrière. Poutine durant son discours du 3/10/2022 avait évoqué qu’à l’instar de son pays qui a récupérer la Crimée qui a été livrée par l’URSS à l’Ukraine tout juste après l’assassinat de Staline, en 1954, la Pologne vise à récupérer tout l’ouest de l’Ukraine et une partie de la Biélorussie qui ont été livrés à l’Ukraine dès 1939. L’histoire ne s’arrêtera pas à ce niveau, il y a des territoires roumains, qui ont été livrés à l’Ukraine entre 1940 et 1948 et ceux de la Hongrie depuis 1945.

Dans cette déterritorialité teintée de totalitarisme abjecte et aveugle, il sera question de faire revenir l’Ukraine aux frontières de 1918, sinon à celles de 1917-1921 et pourquoi pas la cloisonner entre les fleuves Nistru à l’ouest et le Dniepr qui la traverse au centre.

A travers ce retour vers la mémoire de séquestration territoriale, l’expansionnisme nationaliste chauvin prend le visage d’une profonde crise identitaire générée par celle du capital financier occidental où l’appétit territoriale annonce une reproduction du fascisme européen sur le modèle des années 1930.

Mohamed-Karim Assouane, universitaire.

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