Dans le paysage littéraire amazighe, variante chaouie, une nouvelle voix émerge avec force grâce à Ult Gana et son premier roman, Tikerket n Yixallufen (La Rose Immortelle), publié par la maison d’édition Al-Muthaqqaf li-Nashr de Batna.
Ce récit, écrit en chaoui avec l’alphabet latin, plonge le lecteur dans l’intimité d’un village du sud algérien, Ixallufen, où chaque moment de la vie quotidienne prend une dimension poétique et profonde. À travers les yeux de Balla, une jeune femme d’une beauté saisissante, l’autrice nous invite à découvrir une culture vivante, riche de traditions et de rituels ancestraux.
L’originalité de l’œuvre réside avant tout dans l’utilisation de la langue chaouie, un choix qui s’impose comme une déclaration d’amour et de préservation.
Ult Gana parvient à transmettre avec une grande maîtrise la richesse de cette langue, qui n’est pas seulement un outil de communication, mais aussi le dépositaire de l’histoire et de l’identité d’un peuple.
Par cette langue, l’autrice nous offre une immersion dans la réalité d’un monde où les traditions sont un socle, mais aussi un terrain de tension avec la modernité.
Le récit prend la forme d’une autobiographie romancée, où l’autrice, tout en s’inspirant de faits réels, tisse un tableau vivant de la vie dans son village natal. L’histoire est entrecoupée de rencontres avec des écrivaines étrangères venues documenter la vie quotidienne des habitants. Ces personnages extérieurs, qui tentent de saisir la réalité d’une région, apportent un regard croisé intéressant sur la culture locale, une perspective parfois naïve, parfois éclairée, mais toujours fascinante.
Ce regard sur le monde chaouie est porté avec une attention particulière aux détails : les vêtements, les fêtes, les coutumes, les gestes quotidiens, tout ce qui fait la singularité de cette culture, sont décrits avec une précision qui rend l’œuvre profondément authentique.
Ult Gana nous dévoile ainsi un monde vibrant, souvent en marge des grands récits nationaux, mais qui constitue une part essentielle de l’histoire algérienne.
Une œuvre qui porte la voix de la culture chaouie
Le chaoui n’est pas simplement une langue dans ce roman ; c’est un personnage à part entière. Par son écriture en chaoui, Ult Gana préserve et valorise cette langue, en la rendant accessible à un large public tout en en préservant la musicalité et les nuances. Chaque mot, chaque phrase traduit non seulement la culture, mais aussi l’émotion brute de ceux qui vivent et respirent cette langue.
La force de Tikerket n Yixallufen réside dans sa capacité à capter l’essence même d’une époque, d’un mode de vie et d’une identité. L’autrice nous invite à une expérience sensorielle, où le lecteur est transporté dans un univers qui, tout en étant spécifique à la région, résonne de façon universelle.
En conclusion, Tikerket n Yixallufen (La Rose immortelle) est bien plus qu’un roman. C’est un hommage à une culture, une langue et un peuple. L’œuvre d’Ult Gana est un témoignage vibrant de la richesse de l’âme chaouie, un livre qui, loin de se limiter à un récit personnel, devient un vecteur de transmission de mémoire.
Disponible à la librairie El Zahra, face à l’Université Hadj-Lakhder de Batna, cet ouvrage invite le lecteur à découvrir un monde fascinant et à redécouvrir une partie précieuse du patrimoine algérien.
Djamal Guettala