Le dinar algérien ne vaut plus grand-chose. Ni sur le marché, ni dans le cœur des citoyens. Ce n’est plus une monnaie, c’est un aveu de faiblesse.

Dans les rues des grandes villes du pays ce sont l’euro et le dollar qui dictent leur loi. Et pendant que la Banque d’Algérie publie un taux officiel sans surprise, le vrai taux se négocie à l’ombre, en espèces, dans un marché parallèle devenu norme. Voilà l’état de notre souveraineté monétaire : une fiction administrative, démentie quotidiennement par la réalité économique.

Officiellement, le marché informel est combattu. Officieusement, il est toléré, parfois même utile pour désamorcer la colère populaire. Officiellement, le dinar est stable. Officieusement, il ne permet plus de changer une voiture vieillissante ou d’acheter un mouton pour l’Aïd. Officiellement, nous parlons de “relance économique”. Officieusement, nous stagnons depuis quatre décennies. Le citoyen algérien, lui, n’a pas besoin de rapports officiels : il le voit à la caisse du supermarché, dans les frais scolaires de ses enfants, dans son pouvoir d’achat en ruine.

Soyons clairs : cette situation n’est pas née d’une malédiction économique. Elle est le produit d’un système fondé sur la rente, sur l’importation comme modèle de croissance, et sur une gouvernance qui préfère l’improvisation aux réformes structurelles. Dans un pays aussi riche en ressources et en talents, l’érosion du dinar n’est pas une fatalité, mais une responsabilité politique.

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Oui, des contraintes extérieures existent. La dépendance historique aux hydrocarbures pèse lourd, les instabilités régionales ajoutent des incertitudes, et les marchés mondiaux ne font pas de cadeaux. Mais justement : c’est dans ces moments que les nations souveraines tracent leur propre voie. Ce que nous vivons n’est pas une conséquence de la mondialisation, mais de notre incapacité à la préparer et à y répondre avec lucidité.

Revaloriser le dinar n’est ni un slogan technocratique, ni une utopie nationaliste. C’est un projet politique exigeant, qui passe par la reconquête de la confiance – à la fois des citoyens et des investisseurs. Il implique un changement de cap économique : production locale, transformation industrielle, exportations hors hydrocarbures, réforme fiscale équitable, bancarisation intelligente, lutte réelle contre la fuite de capitaux. Cela suppose aussi de véritablement libérer l’initiative privée, contrôler les mouvements de capitaux sans asphyxier l’économie réelle, et de faire confiance à la société civile dans sa capacité à créer de la valeur.

Une monnaie nationale n’est pas un simple outil de transaction. C’est un miroir de la solidité d’un État, de la cohérence de sa politique, de la confiance qu’il inspire. Lorsque le dinar perd sa valeur, c’est le contrat de confiance entre l’État et ses citoyens qui se fissure. Il ne s’agit donc pas seulement d’économie, mais de justice. Car une monnaie faible, c’est une inflation forte. Et cette inflation, comme toujours, frappe d’abord les plus modestes. Ceux qui ne peuvent pas thésauriser en euros, ni ouvrir un compte offshore.

Redonner sa valeur au dinar, c’est rétablir l’égalité des chances. C’est garantir l’accès équitable aux soins, à l’éducation, à la mobilité. C’est mettre fin à l’économie à deux vitesses, où les plus favorisés accèdent à la devise et les autres s’enfoncent dans la précarité.

Enfin, redonner au dinar sa place, c’est affirmer que notre souveraineté n’est pas un mot vide. C’est admettre que l’Algérie ne peut prétendre à une place digne dans le monde si elle ne maîtrise pas sa propre monnaie. Cela demande de la rigueur, du courage, et surtout une vision. Pas des incantations patriotiques, pas des lois de finances à courte vue.

Alors oui, pour l’instant, nous restons les champions du taux parallèle, les maîtres du double discours et les rois de l’évasion monétaire. Mais rassurez-vous : sur les affiches et dans les cérémonies officielles, l’Algérie reste “victorieuse”. Pas contre l’inflation. Pas contre la fuite des talents. Pas contre la pauvreté. Non. Une victoire de façade, pour un peuple à qui l’on demande d’applaudir pendant qu’on lui vide les poches.

Mohcine Belabbas, ancien président du RCD

Tribune publiée par l’auteur sur les réseaux sociaux

9 Commentaires

  1. M. Belhabas ! La baisse de valeur du dinar est surtout liée à la planche à billets de la banque d’Algérie !
    De la mi-novembre 2017 à mars 2019, la banque d’Algérie a balancé dans le circuit 6 556 milliards de DZD, soit 55 milliards d’USD ou 32 % du PIB du pays en 2018.
    Source : banque africaine de développement !
    Dès qu’il y a baisse importante des revenus pétroliers et gaziers et que la junte a besoin de liquidités, elle n’hésite pas à faire du quantativizing

    C’est bien beau de s’enorgueillir de ne pas s’endetter à l’extérieur ! L’endettement se retrouve dans la valeur du dinar ! l’Algérie est un pays pauvre et qui paient la baisse de valeur du dinar les algériens qui ne sont pas aisés ! Inflation durable, l’importation de moutons en est une preuve pour faire baisser le prix du mouton, c’est bien beau de rêver d’une production locale qui éviterait toute importation, il faut prendre en compte la démographie ! De 1962 à aujourd’hui, la population a multiplié par 5 !
    En 2050, il est prévu qu’il y ait 59, 4 millions d’habitants ! 84 % de la superficie de l’Algérie est le Sahara !
    Comment nourrir toute cette population avec une baisse drastique des exportations des énergies fossiles (lie au réchauffement climatique ! ) ! Voilà le défi de l’Algérie et le quantative easing algérien ne sera pas une solution et son corolaire la baisse du dinar !

  2. Quand l’opposition est acquise au pouvoir , en verra jamais le jour à des interventions parlementaires qui critiques les choix économiques d’un gouvernement déficitaire encore et toujours dans ces réflexions pour restructurer efficacement une économie avec des objectifs logiques.

    • Sans opposition comment sauront ils qu’ils font des erreurs ?
      Apparemment ils ont toujours raison et ne font jamais d’erreurs car ils sont les guides du bon dieu.
      Ce qu’ils appellent « l’opposition » n’est que leur idolatreurs qui sont charges d’annoncer leurs « succes » et s’offrir des reves gratuitement.

  3. Ce constat fait peur et la d’évaluation du Dinar inquiète sérieusement qui, malheureusement se répercute sur le pouvoir d’achat du citoyen !!! Allah yestar

  4. On ne peut pas avoir une monnaie forte avec la planche a billets et des projets grandioses qui ne co mencent jamais.
    Il n’y aura de dinar fort avec des charlatans qui distribuent l’argent du peuple au gre de l’humeur.
    Quand un pays importe des millions de moutons et de la viande du Soudan, distribute des cages a poules en guise d’appartements, il n’y a ni gouvernance, ni pays et ni monnaie.
    Quel facteur economique empechera la degringolade du dinar ?
    Peut etre une salate el istissqa comme ils le fond dans les mosquees pour faire tomber la pluie.
    Ce n’est pas avec une dictature, la culture de l’idolatrie et une gouvernance improvisee composee d’incompetents qu’il y aura une economie forte et un dinar fort.
    Dans 5 ans le dinar s’echagenra a 1 pour 50 euros.
    Suivez sa degringolade depuis 2010.
    Apparemment il arreteront sa chute avec des bureaux de change !
    Ou sont ils et a quels taux ?
    Et ces 750 euros qu’ils alliant allouer aux voyageurs algeriens pour « garder leur dignite » ? Comme toujours ils ne font que jaser a defaut de ne rien faire. Et ils sont payes pour leurs comedies devant les cameras.
    Leur travail consiste a brosser les bottes du matin au soir.

  5. Avant 1962 il y a ni dinar ni banque d’Algérie et le pouvoir d’achat de populations en kabylie a été 100 fois plus élevé qu’après 1962, c’est pour cette raison en grande partie les gens s’immigrés !

  6. Vous ne faites qu’un constat de la situation que tout le monde connaît parfaitement. Qu’elles sont les solutions réalistes avec des stratégies chiffrées.

  7. J’ai perdu le contact avec les réalités de l’Algérie depuis 1978. On est venu me chercher de Paris pour venir à Alger diriger l’Ecole (j’oublié son nom) qui s’occupait de l’Organisation Informatique des services publics et privés. 2 jours après mon arrivée et avant la signature de mon engagement, le Président, Colonel Boumediene, décède vers le 28 ou 29 décembre 1978. Mon poste était lié au Ministre du Plan et donc était lié à la Politique dont j’ignorais tout. Résultat le jour de l’enterrement, j’ai pris un taxi à 5h du matin pour l’aéroport. Aujourd’hui je tombe sur des propos intéressants concernant le Dinar DZ et ses « sautes d’humeur ». Vous tous et toutes ont raison de vous exprimer même quand cela semble du domaine presque impossible! En Psycho la personne, ici le citoyen, critique librement, en général de propos négatifs et c’est tout. Le conseil c’est après avoir déversé le flot de négativités, il est indispensable de clôturer toute remarque, débat ou commentaire de Positivité !!! Cela peut être même un début de Solution ou de Comment arriver au succès ou à des résultats souhaités. Et ceci peut être pratiqué vis-à-vis de soi même afin de ne pas rester dans le négatif
    Je termine en vous souhaitant de parler avec votre coeur même devant un pseudo ennemi. Longue vie à TOUS les Algériens et Algériennes. Je vous aime

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