Le chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, a confirmé, le 14 septembre, Sifi Ghrieb au poste de Premier ministre et rendu publique la composition de sa nouvelle équipe. Si l’annonce était attendue, la liste des ministres surprend par sa structure éclatée, donnant l’impression d’un assemblage hâtif plus que d’une architecture gouvernementale mûrement pensée.
Un patchwork de portefeuilles
Cinq gouvernements en six ans de mandat. Passé grand spécialiste en la matière, Tebboune poursuit donc sa politique de bricolage. Le nouveau cabinet juxtapose des ministères fusionnés ou, au contraire, scindés, souvent sans logique apparente. Le secteur de l’énergie illustre cette fragmentation : l’Énergie et les Énergies renouvelables sont confiées à Mourad Adjal, tandis que Mohamed Arkab conserve les Hydrocarbures et les Mines. À cela s’ajoute la nomination de Karima Bekir comme ministre déléguée auprès du ministre des Hydrocarbures et des Mines, chargée spécifiquement des Mines, signe d’une hiérarchie encore plus complexe dans ce domaine stratégique.
Autre exemple déroutant : le maintien de Saïd Saâyoud à la tête d’un vaste portefeuille regroupant l’Intérieur, les Collectivités locales et les Transports, un cumul qui soulève la question de la cohérence fonctionnelle entre des missions aussi diverses que la sécurité intérieure et la politique de mobilité.
La création ou la reconfiguration de plusieurs ministères délégués et départements incite à s’interroger sur les modalités techniques et opérationnelles qui sous-tendent ces choix : quels besoins réels justifient de tels découpages ? Comment seront clarifiées les compétences et les chaînes de décision ?
Entre continuité et improvisation
Près de la moitié des ministres sortants sont reconduits, tandis qu’une dizaine de nouveaux visages font leur entrée. Ce mélange de figures installées et de recrues inattendues renforce l’impression d’un cabinet composite, plus proche d’un compromis politique que d’une véritable vision réformatrice. Le maintien de poids lourds comme Ahmed Attaf aux Affaires étrangères ou Lotfi Boudjemaa à la Justice contraste avec la nomination de personnalités peu connues à des postes sensibles.
Le cas emblématique du wali d’Alger
Parmi les annonces, celle concernant Mohamed Abdennour Rabehi étonne particulièrement : nommé ministre sans portefeuille tout en restant wali (préfet) d’Alger. Une double casquette pratiquement inédite qui crée un chevauchement hiérarchique inédit : représentant local de l’État et membre du gouvernement central, il dépend théoriquement du ministre de l’Intérieur… qu’il côtoie désormais au Conseil des ministres. Cette décision, qui brouille la lisibilité des responsabilités, illustre à elle seule le caractère « bric-à-brac » du nouvel exécutif.
Le limogeage surprise de l’ancien Premier ministre Nadir Larbaoui fin août, suivi de l’intérim de Sifi Ghrieb, a laissé planer une incertitude qui semble avoir pesé sur la confection du gouvernement. Le résultat est un organigramme foisonnant, reflet de compromis internes et d’équilibres régionaux plutôt que d’un cap stratégique clair.
Risques d’inefficacité
En multipliant les chevauchements de compétences et en créant des ministères délégués aux contours flous, le nouvel exécutif s’expose à des lenteurs administratives et à des rivalités internes. Les réformes économiques promises — diversification hors hydrocarbures, transition énergétique, soutien à l’investissement — pourraient pâtir de ce manque de cohérence.
Ce gouvernement, voulu comme un signal de relance, apparaît ainsi davantage comme un assemblage hétéroclite qu’un moteur de reprise efficace des politiques publiques.
La désignation du wali d’Alger comme ministre sans portefeuille, la superposition de ministères délégués et la multiplication de portefeuilles composites traduisent un bric-à-brac ministériel qui soulève autant de questions sur la méthode que sur la capacité réelle de l’exécutif à gouverner efficacement.
Samia Naït Iqbal

