Dimanche 21 avril 2019
Un léger malentendu de Mme Anissa Boumediene
L’ancienne première dame a fait l’objet cette semaine d’une déformation de ses propos sur la personne d’Ahmed Gaid Salah dans un entretien rapporté le vendredi dernier par l’agence britannique BBC. Si l’on analyse son entretien avec une objectivité, le situant directement dans le contexte de la crise actuelle que vit l’Algérie, elle s’est montrée inquiétante de par sa connaissance parfaite du peuple algérien qu’elle considère « formidable, très courageux mais sait connaître les limites de sa patience ».
Et d’ajouter : «Quand ce peuple dit ça suffit, il faut que ça cesse » par la « stabilité » qu’elle prône, elle vise le calme dans la transition qui mènera aux changements que voudrait la population. De son opinion, et désormais, elle n’est pas la seule, l’armée est l’unique capable de la « gérer » et pour elle « serait la solution la plus sage ». Jusqu’ici, elle n’est pas sortie de la revendication quotidienne que n’arrête pas de solliciter le mouvement de dissidence populaire pour l’aider à renvoyer le système et l’ensemble de ses clients. Ahmed Gaid Salah qui représente l’armée algérienne par sa responsabilité est présent dans pratiquement toutes les banderoles dont la plus célèbre « Châab, Djeich Khaoua Khaoua ».
Partant du fait qu’elle était l’épouse d’un homme charismatique, auteur d’un coup d’Etat, selon certains organes médiatiques qui ont enflammé les réseaux sociaux, elle vise de l’étranger « la sissification » de l’Algérie vers une dictature à l’égyptienne. En tentant de gratifier Ahmed Gaid Salah « qu’elle dit ne pas le connaitre », elle juge, dit elle, par le travail qu’il a réalisé pour faire de l’armé algérienne la 23éme mondiale et à son âge, elle le voit sillonner toutes les régions du pays pour inspecter et contrôler son état major.
Elle aussi comme la majorité des Algériens, est inquiète du vide intentionnel qui pourrait brouiller les cartes et nous faire revenir aux années 90.
Anissa Boumediene est une femme qui n’a jamais été exposé à une vie publique du vivant de son feu époux Houari Boumediene mais assez cultivée et très renseignée sur le modèle militaire égyptien par le biais de son mari pour qu’en aucun cas le souhaite en Algérie. Certes, Gamal Abdenasser a fortement influencé certains révolutionnaires algériens mais depuis, les deux modèles ont pris un chemin différents.
L’armée algérienne, ne compte plus dans ses rangs ces anciens révolutionnaires à part Ahmed Gaid Salah en fin de carrière depuis près de deux décennies. Il n’a pas le charisme d’un politique et les nombreux qui le connaissent disent qu’à part l’armement et la tactique militaire, il ne connaît rien au complotisme politique voire même la « gestion » politique.
Pratiquement, toute la composante du commandement militaire algérien est formée d’officiers qui ont fait les écoles de la révolution, pour rester fidèles à travers un processus de fertilisation à l’esprit de leurs aînés novembristes sans plus d’implication dans la vie politique de la société. Saïd Sadi a estimé que l’armée est incompétente de conduire une transition politique, d’abord il n’a pas tort ensuite ce n’est pas une connotation négative : l’armée algérienne ne sait pas faire de la politique. Cependant, elle dispose de moyens dissuasifs pour créer les conditions favorables en tant qu’institution au service de son peuple pour un passage d’un état à un autre dans le calme et la sérénité.
Tandis que l’armée égyptienne, la première en Afrique et la 12éme mondiale, a une mainmise sur la société non seulement par les armes dissuasifs mais surtout par son poids dans l’économie égyptienne via un système opaque que de nombreux chercheurs le situe entre 10 à 15% du PIB égyptien. Selon une chercheuse Zeinab Abul Magd qu’on considère comme l’une des rares civiles à avoir eu accès à des usines contrôlées par l’armée.
Elle affirme que « l’armée égyptienne est présente dans presque tous les secteurs : Elle produit tout ce que vous pouvez imaginer : les pâtes, l’huile d’olive, l’eau minérale, les casseroles, les poêles, les fours mais aussi le ciment, le fer, l’acier ou encore les produits chimiques et les pesticides, tout ! Et c’est sans compter sa mainmise sur des hôtels, des exploitations agricoles et autres terrains à bâtir. ».
Les usines militaires, dit elle, sont concentrées dans certains quartiers du Caire, notamment à Maadi, dans le gouvernorat d’Helwan, de Fayoum et sur la route de Suez. À leur tête, on trouve souvent des généraux à la retraite et des colonels. Quant aux ouvriers, beaucoup sont des conscrits dont on ne connait ni le mode de rémunération, ni les conditions exactes de travail.
C’est ce puissant rouage militaire qui a fabriqué Abdel Fatah Al Sissi
Ce qui est visible à l’œil nu est que l’Égypte est en brouille et la dictature en cours de validation par référendum n’a pas pour autant réglé les problèmes de la société en difficulté économique. En effet, un hashtag retour place Tahrir est déjà lancé pour redresser la révolution qui avec la nouvelle constitution se dirige vers une pure dictature du moins jusqu’au 2030. Cette puissante armée a entretenu un mythe autour de jeune maréchal pour en faire nouveau Nasser.
L’homme providentiel que le pays attendait. Derrière des Ray Ban aux verres foncés, se cache pourtant une personnalité complexe. Le général Abdel Fatah Al-Sissi, à 58 ans, est devenu le nouvel homme fort aux yeux de tous. Un nouveau raïs qui aime cultiver son mystère, un « homme de l’ombre », ex-chef des puissants services de renseignements militaires, dont Mohamed Morsi, le président islamiste élu le 24 juin 2012, avait pourtant fait un homme clé en lui confiant les forces armées.
Il sait aussi soigner son image. Il fuit les journalistes et a interdit à ses proches de parler de sa vie familiale, mais ses portraits ornent les murs du Caire et les façades des administrations depuis qu’il a destitué Mohamed Morsi, il circule en vélo et se permet un bain de foule mais entouré d’un important dispositif sécuritaire.
Il aime cultiver le culte de personnalité, pourtant, lorsqu’il avait été désigné par Mohamed Morsi en août 2012 pour prendre la tête de l’armée, les libéraux et la gauche nationaliste ont fait grise mine. Certains voyaient en lui un islamiste camouflé.
Sa réputation de musulman pieux et austère et ses liens familiaux avec les Frères musulmans ont fait craindre plus qu’un et pourtant il est lui-même entrainé dans ce rouage propre à une maffia militaire dont celui qui y rentre ne sortira pas indemne.