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Un milliard proposé à Mbappé, valeur récompensée ou indécence ?

Mbappé

Le footballeur Kylian Mbappé avait reçu une proposition de prolongement de contrat par son club, le PSG, pour un montant d’un milliard d’euros pour un engagement contractuel de dix ans.

Il semble que cette offre soit définitivement écartée au profit du Real de Madrid mais elle a été réellement proposée, ce qui légitime notre droit à la commenter. Hallucinant ! Voilà pourquoi ma réflexion veut aller plus loin pour poser la question de l’indécence d’une telle somme pour un joueur de ballon.

Il faut immédiatement écarter un propos qui nous est toujours et spontanément opposé lorsqu’on veut porter une attention critique envers une personne qui possède une grande richesse, soit la jalousie.

Alors, dans ce cas, dès lors que les sommes sont considérables et, de ma part, injustifiées (je n’ai pas dit illégales), il faudrait ranger le crayon dans la trousse, déconnecter le clavier et coudre ses lèvres ? Vous êtes jaloux, un point c’est tout, l’affaire s’arrête là.

Pas question de me laisser enfermer par cet argument expéditif dès lors que je porte un regard critique sur des personnes ayant un revenu si gigantesque qu’il n’est pas de l’ordre de l’économie ni de l’échelle des rémunérations humaines.

Puisque je balaie d’un revers de la main cette accusation classique, il me restera à argumenter, ce qui va être fait.

La morale n’est pas de l’ordre du droit

C’est effectivement l’argument qui vient immédiatement à la bouche de certains, tout à fait légitimement. On peut même retrouver ce mot dans les commentaires sur une loi, c’est le cas de la « loi de moralisation de la vie politique » mais ce n’est qu’une affirmation politique. Le vrai intitulé de la loi  est « LOI n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique ». L’incription dans une loi d’un commentaire comme « il est immoral de… » n’a aucune valeur juridique.

Et lorsque je me place du point de vue du droit, immédiatement apparaît la parfaite légalité du contrat proposé à Kylian Mbappé. Du moins, rien ne laisse entendre qu’il en soit autrement.

Ainsi, il me faut écarter le vocable « morale », comme j’avais écarté celui de jalousie. Dans le droit, il y a des droits et des obligations, les devoirs et la morale en sont exclus. Sinon nous partirions vers des horizons très dangereux d’emprise et de justice subjective.

L’argument économique

C’est un argument qui s’oppose à moi d’une manière plus sérieuse sans pour autant que je l’accepte sans argumenter du contraire.

Nous avons tous étudié la fameuse théorie du libéralisme, notamment celle d’Adam Smith à propos de l’offre et de la demande. La rareté, c’est-à-dire l’offre restreinte, ajuste le prix vers le haut jusqu’aux sommets lorsque elle est très significative.

Ainsi, le football étant depuis longtemps régi par le marché des transferts, donc selon une logique économique libérale, on peut considérer que le talent de Kylian Mbappé est très rare. Certains diront qu’il est unique à ce niveau, alors que la demande des clubs qui le sollicitent est forte, son « prix » explose.  L’offre du PSG est donc parfaitement en adéquation avec un sport devenu mercantile. A-t-il d’ailleurs été autre que mercantile ?

Selon un autre aspect de la logique économique, Kylian Mbappé est aussi bien un investissement qu’une source de revenus puisque sa présence déplace les foules, fait exploser les revenus publicitaires et ceux des produits dérivés (ce qui n’est pas marginal). Le football est un spectacle et Kylian Mbappé en est l’acteur le mieux payé.

Un investissement car il génère un flux de revenus, nous venons de le dire mais aussi par la valeur du joueur en cas de revente du contrat non échu lors d’un transfert vers un autre club. Si celui-ci  accepte d’en payer la somme, toujours selon le même principe économique de l’offre et de la demande.

En résumé, si je ne peux contrecarrer, ni la morale ni la logique économique, il me faut trouver d’autres arguments pour justifier mon opposition à cette somme astronomique proposée au joueur.

L’argument financier

Il faut distinguer le financement d’investissement du Qatar propriétaire du Club par un fonds d’investissement et les revenus du club par son activité. Ce n’est pas du tout la même chose.

Si je ne peux rien opposer à l’apport en investissement, si ce n’est une opinion politique, j’ai beaucoup à dire sur les revenus. C’est sur ce point que mon argumentaire d’opposition va reposer. Enfin ! La cas des sommes faramineuses dans le football a la peau coriace avant d’en venir à bout.

D’où viennent les financements d’un club de football ? Si nous nous en tenions à une généralité, les plus importants viennent essentiellement des droits de télévision qui ont explosé ainsi que ceux des revenus publicitaires. Puis viennent les entrées par la billetterie et quelques autres revenus accessoires.

Que le lecteur m’excuse, je vais personnaliser le propos en le ramenant à moi-même, il comprendra par la suite pourquoi.

Qui finance les droits de télévision ? Eh bien moi, par l’impôt public pour la part du financement des chaînes publiques et par les revenus générés par la publicité, dans les chaînes publiques et privées.

En plus de l’impôt, je paye indirectement par les revenus publicitaires. Comment cela se fait-il ? Il faut en revenir à l’objectif d’un message publicitaire, celui de vendre des produits de la marque concernée ou de l’organisation lorsqu’il s’agit d’une publicité institutionnelle.

Tout élève en cours primaire connaît en principe cette formule simple qui est absolument la même que celle apprise en école de commerce, Bénéfice = Prix de vente – Coût de production.

L’entreprise qui communique doit donc intégrer tous ses coûts au Coût de production (du bien ou du service). Et qui paye ? Celui qui boit une boisson gazeuse de la marque, achète un shampoing dans le réseau de distribution concerné et ainsi de suite.

Ainsi, lorsque je bois une Fanta orange, que je me lave avec un shampoing Palmolive ou savoure un bon menu Mc Donalds, je finance le PSG indirectement.

À mon souvenir, je n’ai jamais acheté un maillot PSG à mes enfants, à un prix exorbitant, vous vous imaginez lorsqu’il est floqué du nom de Mbappé. J’aurais donc financé le PSG.

Quant à la formation de Mbappé au Centre national de formation de Clairefontaine, on me rétorquera que c’est une propriété de la Fédération fançaise de football (FFF), donc un financement privé, lisez ce petit commentaire qui suit.

« L’État versait (à la FFF), il y a quelques années, une subvention de l’ordre de 5 millions d’euros. Aujourd’hui, elle est de 800 000 € et concerne les cadres techniques. La Fédération fait ce que fait un club : on a des sponsors, on organise des matches avec des recettes de billetterie, on reçoit des droits TV, comme un grand club. Je dis cela en respectant l’État. On est un service public dans l’esprit, mais une entreprise dans les faits », affirme Noël Le Graët, président de la FFF, à News Tank, le 11/02/2020.

Et qui finance l’État ? C’est encore moi, avec mes impôts.

Et, si le lecteur se réfère à ma signature du bas de l’article, il comprendra pourquoi je mentionnerai la scolarité de Mbappé, car tout de même, il y est resté quelques années. Qui paye ? C’est l’État par mes impôts et par ma sueur au travail.

Et ainsi de suite, on aura compris mon raisonnement. Je suis un grain de poussière dans le financement indirect du joueur mais comme un bulletin de vote, le grain de poussière contribue aux sommes colossales qu’on offre à ce joueur du ballon rond.

Je tremble à penser que j’aurais participé à financer partiellement les stars du baby foot, du croquet ou des virtuoses du jeu vidéo. Je le fais pourtant toujours indirectement mais je l’ai échappé belle que ce ne soit pas au niveau des sommes extravagantes dont nous parlons.

Et l’acceptation volontaire du public ?

Dans un système marchand libéral, s’il y a consentement du public à financer un produit (car Mbappé est un produit sur le marché), peut-on obliger un particulier à ne pas le faire. Refuser de boire une Fanta orange, c’est à ma portée, mais le reste ?

C’est comme le consentement à l’impôt, je ne peux refuser de les payer sous prétexte que je suis contre la décision de financement de ceci ou de cela. Je pourrais refuser de voter pour ou de voter contre un mouvement politique mais lorsque la majorité le plébiscite, je me plis à ses propositions de lois et règlements.

Mais, et c’est cela l’important pour mon argumentaire, personne au monde ne peut m’empêcher de dire mon opinion et de m’opposer à la distribution de ces sommes d’un autre monde.

C’est ce que je viens de faire dans cet article.

Boumédiene Sid Lakhdar, enseignant retraité

 

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