Trois écrivains francophones d’Algérie, après s’être mis quelque temps à l’ombre, sont finalement sortis de l’immense obscurité et sous un ciel palestinien, cette fois, « parmi le ballet des missiles » qui a fasciné l’un d’eux « autant que les feux d‘artifices et les drones meurtriers » qui se sont substitués aux colombes.
Yasmina Khadra, sur sa page Facebook (5/11/2023) et sous le profil de cette angélique innocence, découvre le sobre langage de la liturgie du Sefer Yetsirah ou le Livre de la Création selon la tradition Hassidim de la kabbale médiévale et qu’un de ses fans trouve « magnifique mais la réalité est telle qu’elle exige de nous de se démarquer clairement, de prendre position, de condamner ou de soutenir. La beauté du texte demeure stérile si elle n’enfante pas la justice terrestre ». Mais, c’est le quotidien progressiste libanais, Al-Akhbar du 4/11/2023 qui sous la plume de Mohammed Nasr-Eddine, titre par « Kamel Daoud, Boualem Sansal et Yasmina Khadra. La trahison, une voie vers l’universel » et où l’on peut lire que les auteurs de l’industrie du livre francophone, viennent de prendre position vis-à-vis de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » de la résistance palestinienne.
Une attitude qui sert un peu plus l’opinion publique pro-israélienne tant en France qu’en Occident qu’une attitude un peu plus marquée sur l’ethnocide des Palestiniens à Gaza et en Cisjordanie. Yasmina Khadra, fatigué de porter son étiquette d’écrivain engagé et mettant à distance ses fans avec leurs polémiques, s’éloigne de plus en plus en se rapprochant de son personnage arabo-israélien de L’Attentat, préférant soigner les victimes du restaurant de Tel-Aviv pour enfin découvrir, au réveil, que la femme-kamikaze est bien sa femme.
Il est question d’un « vilain terrorisme » par lequel « une organisation palestinienne a surpris le monde libre » et que voilà qu’un trio de « bons arabes » a fini par enfoncer un peu plus l’islam dans son seul aspect djihadiste, reniant pas là que ce même aspect fut un des composants de cette identité algérienne qui a mené sa lutte contre le colonialisme d’aliénation, lit-on encore dans Al-Akhbar. Il y a aussi, un similaire à approuver avec cette « Théologie de libération » qui mena au bout sa lutte contre les dictatures sanguinaires en Amérique latine et c’est de ce djihad dont il question aujourd’hui, note le journaliste Nasr-Eddine.
Mais chez nos écrivains, les choses sont à soumettre sous un tout autre angle de tir. A Gaza, il y a deux camps qui s’affrontent : le Hamas et « derrière lui l’axe du mal », à savoir d’un côté l’Iran et le Hezbollah, de l’autre, le fondamentalisme juif qui a été attisé par ces premiers. La bataille qui se déroule à Gaza, en Cisjordanie et au sud du Liban est celle du Croissant chiite contre l’étoile de David, alors que la population du territoire palestinien « aspire tout comme les colombes d’Israël à une paix radieuse » qui ressemblerait un peu plus à un harmonieux tango en dehors du chant des coqs.
Ce qui est visé par l’un des journaux de la Résistance patriotique et islamique au Liban, c’est ce billet de Kamel Daoud paru dans Le Point (13/10/2023) intitulé « Défaite de la cause palestinienne » dans lequel les islamistes du Hamas sont visés autant que leurs « armées de libération de médias qui sont installés dans l’un des pays les plus riches en pétrole, endoctrinant les enfants contre la religion juive et d’antisémitisme ». Beaucoup de fans algériens continuent à soutenir que Daoud reste « polémiste », et c’est ce qui fait le bonheur de ses lecteurs et lectrices. Mais, aller jusqu’à évoquer cette guerre ethnocidaire comme un processus de « talibanisation » d’un territoire de misère, c’est une prise de position politique qui remonte à la tradition de ces « Algériens » qui ont épousé les idées bien fascistes d’un Doriot lors de ses meetings oranais durant la fin des années 1930. Pour Kamel Daoud, le Palestinien d’hier tout comme celui d’aujourd’hui, « n’est qu’un mercenaire chez les Iraniens, les Algériens tout comme chez les islamistes du Hamas ».
Boualem Sansal et dans Marianne du 16/10 dernier, s’interrogeait si le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, n’était pas au courant de l’assaut « barbare du Hamas » afin de prévenir « ses amis israéliens » pour éviter une quelconque réaction vengeresse de la part des colons en Cisjordanie. Une attitude bien pensante qui fera penser l’auteur du Village allemand à la même question en direction des Iraniens « qui appliquent la politique des pays du BRICS » et dont les composants religieux excluent le judaïsme de leur aire géographique !
Que peut cette littérature ? Elle a un énorme avantage de recycler toutes les vieilleries réactionnaires et de nous renouveler un lectorat bien docile qui s’apprêterait à accueillir de nouvelles colonisations après que la mission de l’envoyer de la Maison Blanche au Moyen-Orient, Amos Hochstein, ne s’achève sur un « nano-Etat » à Gaza qui puisse favoriser l’exploitation de l’énorme gisement de gaz offshore qui git sur ses côtes.
Mohamed-Karim Assouane, universitaire