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Une pensée antifasciste pour Mohamed El-Mili

L'ombre de Mussolini

Fallait-il remonter jusqu’à Mohamed-Moubarak El-Mili (1929-2016) afin de comprendre la connexion entre l’OAS et le mouvement fasciste italien des années 1950 ? Une facette que les contrats énergétiques ou autres, ne peuvent ni dissimulés ni occultés. Avec  Irnerio Bertuzzi, comme pilote personnel, Enrico Mattei avait toute la République sociale fasciste comme aux commandes de sa destinée.

De l’OAS à la Meloni, une fervente adoratrice de Mussolini, l’Algérie a totalement ignoré l’avertissement publié en février 1964, l’ancien diplomate et ex-ministre de l’Education nationale du gouvernement Hamrouche tenant tête au fascisme islamiste lors de « la bataille pour la mixité à l’école ». Le journaliste et militant de la cause armée nationale est aussi cet homme qui n’a cessé de son vivant, de condamner l’exécution de son ami de lutte, Abane Ramdane. Un crime perpétrer par la fraction réactionnaire du FLN 54-62.

En ce février 1964, Mohamed-Moubarak El-Mili a fait paraître simultanément à Beyrouth (éditions Dar Al Adab) et à Alger (éditions de la Librairie En-Nahdha), un opuscule en langue arabe de 112 pages, sous le titre bien programmatique, Le néofascisme mondial, dans lequel il évoque en 10 parties er des annexes, l’action et l’historique de l’organisation terroriste fasciste l’OAS.

Il éclaire en surprenant quelque peu son lecteur, d’un récit fouillé en informations et le mettant dans le contexte de la « Guerre froide » entre les deux blocs. La ligne de conduite est profondément antifasciste poursuivant celui de son père, qu’il menait au sein de l’association des Oulémas au nom du Front populaire algérien des années 1930.

Lorsqu’il est question de l’OAS, El-Mili ne se contente pas d’évoquer leurs crimes. Bien plus, il est question d’instaurer cette organisation dans l’histoire du fascisme français tant en France qu’en Algérie. De « La Cagoule » au Parti social français (PSF) des années 1930, la généalogie complotiste du fascisme français, trouve sa totale expression à travers l’OAS des années 1960 et qui se poursuivra jusqu’aux années 1970.

Dès le premier chapitre, il est question du rôle qu’avait joué l’avocat d’origine corse, Jean-Baptiste Biaggi en emportant la terreur fasciste de l’OAS sur le sol français. Il sera question de préparatifs militaro-politiques avec l’appui d’une église catholique acquise à la « latinité» de l’Afrique du Nord. Biaggi amnistier par le monarque De gaulle dès 1956, il a été le « chasse-neige » de Jean-Marie Le Pen lors de la création du FN en 1972.

Biaggi décédera dans son village corse de Cagnano, le 29/7/2009 dans une totale impunité juridique. El-Mili associe ce personnage au colonel Tommaso et à Robert Martel, des commandos OAS de la Mitidja.

Par sa plume, El-Mili nous renseigne sur « ce mélange de la formation spirituelle et politique » (p. 8) qu’entretenait l’organisation criminelle dans les Landes (France) à partir d’un lieu de culte catholique abandonné. Il notera que l’expression de ces ultras a bien débuté dès le 6 février 1956, lors de la visite du socialiste Guy Mollet à Alger.

A travers l’histoire de ce mouvement fasciste armé, dont les « pages ne pourront jaunir un jour » (El-Mili), il est question d’un axe méditerranéen de centres fascistes évoluant sur le 40e parallèle, entre Lisbonne de Salazar, et Athènes des colonels en passant par la Madrid de Franco et la Rome du Mouvement Social Italien (MSI). Des dictatures et des organisations politiques racistes qui tireront grands profits du Front de l’Algérie Française (FAF) et de l’OAS.

Même si le premier a été dissout par De Gaulle en décembre 1961, le projet fasciste français poursuivi son aventure extrémiste. Mieux encore, le général Challe et sous le nez de Franco, débarquera à Alger par le port espagnol d’Alicante et dans le plus grand secret, il prépara le putsch du 22/4/1961. C’est à cet instant que l’OAS s’est vite reconnue en la personne du général Salan en le transformant en une icône « religieuse » de l’expression fasciste en France et ailleurs.

Sur le sol de la colonie-Algérie, l’OAS et ses « Commandos noirs » infiltrés au sein de l’armée française ont perpétrés quelques 1072 attentats de plasticages à travers le pays, dont 560 pour la seule région de l’Algérois. Pour ce qui est de la France, le texte d’El-Mili, révèle que les matériaux explosifs de l’OAS étaient livrés par les forces américaines stationnées alors, à Puteaux et notera « qu’il était aussi facile de les avoirs tout comme les cigarettes américaines » (p. 12).

Y avait-il une quelconque complicité entre les services secrets US, basés en France et le terrorisme fasciste local ? El-Mili et sous le titre de Fascisme aux Etats-Unis, considérait que ceux qui ont organisés l’opération contre-révolutionnaire du débarquement de la Baie des Cochons (Cuba) le 15/4/1961, sont ceux qui ont appuyés le « coup d’Etat » de Challe à Alger.

Un dossier qui n’a jamais été révélé, ni assez fouillé, auquel nous ajouterons bien la présence des unités de l’OTAN en Algérie durant la guerre de libération et leur attitude durant les attentats de l’OAS. Certaines plumes algériennes, n’ayant pas pris connaissance du texte d’El-Mili, se sont empressées de parler « de neutralité des forces de l’OTAN basées en Algérie ». il est difficile de parler de neutralité, lorsque le train est en mouvement, disait l’historien américain Howard Zinn (1922-2010).

El-Mili évoque le président Kennedy qui avait sanctionné en 1961, un officier de haut rang de l’armée américaine basée en Allemagne, le général Walker, pour avoir distribué à ses soldats la littérature d’une certaine organisation américaine dénommée John Birch Society (JBS). Cette dernière, relate El-Mili, est représentative de toute une machine politique et idéologique pour la cause fasciste aux USA. Elle sévit encore de nos jours pour « sauver » les USA d’un désastre « racial » et de la menace étrangère !

L’OAS et les bambins politiques de Giorgia Meloni

Après avoir été traquées par le FLN dans plusieurs villes d’Algérie et par les services de polices du général De Gaulle à Paris et en France, plusieurs cellules de l’OAS se sont repliées en Italie avec l’appui de certaines branches du Service d’Information des Forces Armées (SIFAR) qui a été dissous en 1966. Appuis auquel il faut joindre la Curie romaine du Vatican et la tendance droitière du parti de la Démocratie Chrétienne (DC) que dirigeait Fernando Tambroni.

Nous sommes en 1961 et l’OAS a décidé de se redéployer sur certains pays européens afin d’éviter la traque des services gaullistes, El-Mili note bien l’aide et le soutien du général Franco aux éléments de l’OAS, mais il signale sans s’étendre davantage sur le rôle qu’avaient joué les fascistes italiens dans ce soutien à l’action terroriste de l’organisation française.

L’Italie et durant la guerre de libération algérienne fut un terrain de luttes au sein même de la constellation fasciste du pays. Le MSI, héritier du parti fasciste de Mussolini, est connu deux tendances en faveur de l’Algérie française. Une tendance dite « légaliste » s’exprimant politiquement sur le droit de la France de demeurer en Algérie et une seconde, plus radicale qui demandait qu’une aide militaire et humaine soit envoyée dans la colonie pour aider les ultras durant « la semaine des barricades » d’Alger.

Enrico Mattei, fondateur de la « Huitième sœur » pétrolière mondiale avait subi à cette période une campagne de presse de la part de la droite et des fascistes italiens en réponse à celle qu’avait lancé la gauche italienne contre le danger fasciste du MSI. Mattei qui soutenait ouvertement la campagne de ses derniers, est un personnage bien complexe. Recevant certes les foudres des bambins du Duche, il entretenait des relations humaines bien contradictoires à son appartenance politique de « gauchiste » de la DC.

Il avait comme homme de confiance un pilote personnel, un ex-militaire de la Seconde Guerre mondiale mais formé dans la république sociale italienne de Mussolini entre 1943 et 1945 et il restait à l’écoute du dernier président fasciste de l’Agip comme conseiller de la politique économique de l’entreprise publique que dirigeait Mattei. Il fournissait même de la pub à un journal fasciste comme Secolo d’Italia disant qu’il est neutre dans cette lutte politique italienne ne faisant que des affaires pour l’intérêt de l’Italie.

Jouant sur la corde de regrouper toutes les compétences italiennes au sein de l’ENI, Mattei ira jusqu’au point d’approuver le plan américain de l’époque, que le sous-secrétaire d’Etat d’Eisenhower, George Ball avait proposait pour que l’Italie soit un « pont » entre l’Atlantique Ouest et les pays méditerranéens dont le but est de faire barrage à « l’expansionnisme » soviétique et chinois (la Chine étant présente en Albanie, à cette époque). Il semble bien que le « Piano Mattei » (Plan Mattei) de la Meloni prend aujourd’hui forme grâce à une réactivation américaine de la part des « chambres noires » bien actives.

Mais les fascistes italiens du MSI, en soutenant l’OAS dans la débâcle militaire ne pouvaient le faire sans l’appui du dénommé Philippe de Massey, un militant français former au sein du mouvement souverainiste l’Action française et qui fut aussi un lieutenant de l’armée française en Algérie durant 6 mois déjà en 1956. En 1959, il adhère à l’Association des combattants de l’union française (ACUF) que dirigeait Yves Gignac.

Rechercher en France pour actions violentes, il passera en Suisse où il est employé par une société privée de ventes d’armes. Il sera soupçonné d’être l’assassin du maure socialiste d’Evian-Les-Bains, Camille Blanc.

Massey passera en Italie et se déplacera entre Rome, San Rémo et Catane en Sicile. Un baroudeur devenant maffieux, il est proche collaborateur d’un certain Jo Ortiz (1917-1995) et sera l’activiste de l’OAS avec le milieu criminel.

Aujourd’hui, le mouvement fasciste semble se retrancher dans le conservatisme populiste. Il reste néanmoins sous l’emprise de l’idéologue et philosophe italien Julius Evola (1898-1974) et son ésotérisme politique. Dissident du MSI, l’organisation Ordine Nuovo (ON) et son organe central du même nom, elle sera d’un grand apport à l’OAS. Elle sera dirigée par Pino Rauti (1926-2012) et subsistera de 1954 à sa dissolution en 1969, après qu’elle soit inculpée de terrorisme « noir » à partir de 1956.

L’exaltation du combat pour une « Algérie française » a trouvé dans l’ON son porte-voix. Au milieu de cette génération de « cogneurs », une nouvelle forme de néofascistes apparait en Italie. D’abord, les Fasci d’Azione Revoluzionaria (FAR), ces fascistes de l’action révolutionnaire n’étaient autres que des paramilitaires commettants les attentats du début des années 1950 contre les syndicats, les cadres du PCI et les bureaux de presses.

Certains de leurs éléments faisaient partie du Centro Studi Ordine Nuovo, une organisation étudiante ultra-fasciste, c’est l’exemple de Pino Rauti, Clemente Graziani et Paolo Andriano pour ne citer que les plus notoires. Le premier, ira jusqu’à proposer d’envoyer une quarantaine de militants italiens en Algérie pour soutenir les actions de l’OAS.

Au sein de ce groupe un journaliste brillera par son double jeu. Giannettini (1931-2003) faisait le « relais » entre l’ensemble des groupes fascistes ultras et les services secrets italiens et cela jusqu’en 1967.

Pour ce qui est de l’organisation de jeunesse du MSI, la Furmationi Nazionali Giovaniti (FNG- et le Centro, cité plus haut, ils trouveront un appui financier de la part de Luigi Gedda, fondateur du Comité civique de la DC et de Vanni Teodorani, le député MSI et mari de la nièce de Mussolini. Les deux hommes étaient très proches de Tambroni, le droitier de la DC italienne.

C’est dans cette obscure confrérie de la haine et du racisme que Giorgia Meloni et dès l’âge de 15 ans s’est abreuvé de la laiterie idéologique du MSI dont sa mère était une fervente militante.

A 19 ans et lors des élections générales italiennes du 21/4/1996, Giorgia Meloni et face à la caméra de France-3 en couverture de l’événement politique, disait dans un français haché que « Mussolini était un bon politicien, c’est-à-dire que tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour l’Italie. Et on ne retrouve pas ça chez les politiciens qu’on a eu au cours des 50 ans dernières années » (sic). Elle était une militante du parti Alliance Nationale de Gianfranco Fini qui a été crée sur les décombres du MSI et dont le logo de la Flamme tricolore sera repris par le continuateur de l’OAS, le FN de Jean-Marie Le Pen.

Dans l’Italie d’aujourd’hui, tout comme dans le reste de l’Europe, il est question d’une normalisation du fascisme, qu’il ne fait pas peur, qu’il soit socialement accepté et la Meloni avec l’aide de la « Camera nera » (chambre noire) montre déjà que les racines profondes du fascisme ne gèlent jamais. Pour l’automne 2024, on prépare déjà l’inauguration du musée de la République Sociale Italienne de Mussolini dans la très énigmatique ville de Salo, près de Bergamo (Lombardie), un projet de 235 000 euros qui sera placé dans un ancien abri anti-bombes.

Après avoir fêté, et en famille, ses 100 jours de gouvernance, les anciennes pratiques fascistes sont de retour. Alfredo Cospito, après une longue et insurmontable grève de la faim, le dirigeant des anarchistes italiens est sous le couperet de la loi 41 Bis. Renato Curcio, ex-dirigeant présumé des Brigades-Rouges est sous l’inculpation d’un « crime » datant de juin 1975 dont il était totalement étranger. Les lycéens de Florence sont sur la sellette, ils sont inculpés de « propos antifascistes ». Tout cela sous le regard d’une république pontificale.

Mohamed-Karim Assouane, universitaire.

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