À son arrivée au pouvoir, Abdelmadjid Tebboune décrivait le mouvement de protestation populaire, le Hirak, comme « béni », faisant croire qu’il était, lui aussi, adepte du changement. Depuis, il a fait l’exact contraire de ce que réclame le mouvement de dissidence populaire.
C’est là l’une des premières escroqueries de Tebboune. D’autres suivront tout au long de son mandat. Depuid il les enfile comme des perles, l’une des dernières concerne lessor économique de l’Algérie sous son règne : doublement du PIB en 2 ans, autosuffisance en 2025 en consommation de blé… un festival de promesses farfelues que personne ne prend au sérieux.
L’homme rompu aux pratiques du système autoritaire en place depuis 1962, il a soigneusement œuvré à étouffer les voix de la dissidence en réprimant à tout va et en mettant sous surveillance tout le pays. Mieux : aucune des revendications du mouvement populaire n’a été mise en place.
Dès son installation, l’oppression a repris de plus belle. Les chefs de partis politiques, des syndicalistes, des avocats, des journalistes ou de simples militants pour le changement ont été envoyés en prison. Toute parole libre qui critiquait le pouvoir a été réprimée et l’opposition intimidée. Le pouvoir a bafoué les libertés individuelles, collectives et les droits fondamentaux et l’Algérie vit aujourd’hui dans un processus de répression continu.
L’oppression, sujet absent des débats
Curieusement aucun des deux lièvres (Youcef Aouchiche et l’islamiste Abdelaali Hassani Cherif) n’a émis la moindre analyse ou critique du mandat d’Abdelmadjid Tebboune.
Aucune dénonciation non plus des interminables violations des libertés, des atteintes à l’Etat de droit, ou encore des détenus d’opinion. Les Algériens ont assisté à une campagne médiocre, lunaire et complètement hors-sol, tant et si bien que la population ne s’est nullement sentie concernée que par la cherté de la vie et donc la mystérieuse baisse du prix de la sardine à quelques du scrutin. Le reste n’est que poudre aux yeux.
Une forme d’autocensure s’est installée chez les Algériens, en raison, notamment, du grand nombre de détenus d’opinion. En l’espace d’un mandat, le chef de l’Etat Abdelmadjid Tebboune a mis plus de citoyens en prison que durant la période allant de l’indépendance de l’Algérie à son règne, estime Aïssa Rahmoune, avocat du Hirak et aujourd’hui exilé en France.
Et Riposte internationale, une ONG établie en France, a, plusieurs fois, rappelé, dans ses rapports, les violations des libertés du régime depuis 2020.
Le bilan du président Tebboune, en termes de libertés, est catastrophique. Il a été épinglé à plusieurs reprises par Amnesty International et d’autres ONG en matière de sa politique vis-à-vis des libertés.
Ce thème de l’oppression était pourtant totalement omis durant la campagne électorale. En privé, nombreux d’Algériens qualifient de « guignols » les deux autres candidats à la présidentielle.
Youcef Aouchiche et Abdelaali Hassani Cherif ne se sont jamais opposés au climat d’oppression politique qui règne dans le pays. Ces deux candidats ont vaguement promis plus de libertés en cas de victoire.
L’abstention comme arme
Cette élection est la plus importante après le mouvement populaire algérien de 2019 et le pouvoir a tout fait pour inciter les Algériens à aller aux urnes samedi 7 septembre.
En 2019, Abdelmadjid Tebboune a remporté les élections avec un taux de participation officiel de 39,8%, le plus bas de l’histoire des scrutins présidentiels en Algérie. Avec un 0,40% de participation dans la wilaya de Béjaia. C’est dire que le seul enjeu est la participation. Ce qui fait dire aux connaisseurs du régime algérien que ce dernier va s’employer à gonfler le taux de participation pour sauver la crédibilité de ce rendez-vous électoral. Tout le reste n’est que parodie d’élection.
Aucun Algérien ne croit plus à la vulgate du pouvoir. « Depuis quand un régime autoritaire organise une élection pour la perdre ?», nous confie un journaliste qui a suivi le candidat Tebboune dans sa dernière sortie à Alger.
Aussi, selon plusieurs observateurs, le véritable enjeu de cette élection n’est pas la victoire largement anticipée de Tebboune, mais le taux de participation. La population algérienne pourrait ainsi utiliser l’abstention comme une arme de lutte contre le pouvoir.
Après l’échec du Hirak et la reprise en main brutale de la société, la jeunesse algérienne affiche une grande indifférence face à ce scrutin et les abstentionnistes sont considérés comme le premier parti politique en Algérie.
Déserter les urnes, ce n’est pas une position de neutralité, c’est une politique. Surtout face à un président qui a déclaré à une chaine de télévision en 2021 : « le Hirak, désormais, c’est moi ».
L’élection présidentielle en Algérie se déroule ce samedi 7 septembre. Depuis le début de la campagne, les arrestations se multiplient dans le pays. Cadres politiques, militants ou même simples internautes, sont interpellés par les autorités pour des posts Facebook ou la participation à des manifestations non violente.
Deux hommes politiques, Karim Tabbou et Fethi Ghares sont sous contrôle judiciaire et interdit de toute expression libre. Toute la société est mise sous surveillance. Plus aucune voix dissidence n’a droit de s’exprimer.
Lundi, Amnesty International a publié un rapport demandant aux autorités de « mettre fin à la répression de l’espace civique à l’approche de l’élection présidentielle ».
« En majorité, il s’agit de personnes qui sont arrêtées pour des publications sur les réseaux sociaux. Mais, ça peut être aussi des activistes politiques qui ont été arrêtés parce qu’ils essayaient de faire des réunions pacifiques. Une soixantaine d’opposants politiques a été arrêtée en août parce qu’ils essayaient de participer à une commémoration historique. En général, il y a souvent une phase de disparition, c’est-à-dire qu’on ne sait pas où les personnes sont retenues pendant plusieurs jours, et souvent, elles réapparaissent après au tribunal, explique Nadège Lahmar, responsable de l’Algérie pour Amnesty International.
Il y a une série de provisions, écrites de façon assez large dans le Code pénal qui sont assez abusives et les autorités sécuritaires et judiciaires les utilisent assez régulièrement. Par exemple, on a l’article 100 du Code pénal sur l’incitation à rassemblement non armé, qui est en fait l’incitation à manifestation, incitation à un rassemblement, qui n’a pas à être criminalisé, mais qui est utilisé régulièrement. »
La rédaction/Rfi