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« Ur yi-ttaǧǧa » : ne me quitte pas, version Lounis Aït Menguellet

Lounis Aït Menguellet

Deux mois nous séparent du spectacle de Lounis Aït Menguellet à l’Hôtel Aréna de Paris. Pour donner suite à l’intérêt suscité par la traduction d’une vingtaine de poèmes engagés de notre aède intemporel (*), nous vous proposons une seconde série de translations en français.

Lounis Aït Menguellet, c’est aussi une profusion de chansons d’amour, aussi célèbres et aussi émouvantes les unes que les autres. À ses débuts, du haut de ses 17 printemps, quasiment toute sa poésie gravitait autour des sentiments, du dépit amoureux, de la séparation, des désillusions… Il y avait de quoi débiter un trop-plein d’émotions pour un adolescent soumis aux règles d’une société où l’amour est un tabou qu’on enfouit dans les tréfonds de ses frustrations. Une société pour laquelle le « pas avant le mariage » de Salvatore Adamo prend une signification absolue.

Traduire toutes les chansons d’amour produites par Dda Lounis nécessiterait un fascicule de la dimension d’un bottin. Notre choix s’est donc porté sur « Ur yi-ttağğa » (ne me quitte pas). Un morceau parmi les neufs chapitres du titre fleuve « Avrid n’temzi » (le sentier de la jeunesse), sorti en 1990, et dans lequel Lounis fait défiler -entre rêves et réalités- les sentiers de sa carrière, de sa vie, et de ses combats pour la revendication identitaire. Crise de la quarantaine oblige, c’est une saga poético-émotionnelle de plus de 28 min que nous offre notre maestro, sur fond de musiques accordées, comme à son habitude, à la note près :

“Ma n’muqel abrid i d-nekka

S nnehtat i d-nettmekti”


Si nous scrutons le sentier d’où l’on vient

C’est avec des soupirs que l’on s’en souvient

Assène-t-il, de but en blanc, avant d’entamer un voyage mémoriel époustouflant. Le sien, le mien, le vôtre, ceux de sa génération.

La nouveauté dans cette nouvelle série de traductions, c’est l’insertion -quand cela est possible- des textes originaux en kabyle. N’est-il pas temps, pour les non-berbérophones, de dépasser le folklorique « azul fellawen » et de se laisser enivrer par l’authenticité du terroir et son étendue phonématique à nulle autre pareille ?

Ne me quitte pas

Ne me quitte pas, ne me prive pas de ta voix

Ne laisse pas les arômes de ton ombre peser sur moi

Ne me quitte pas, ma vie n’est guère qu’un roseau

Qui fléchit au gré de tes mains sur sa peau

Ne me quitte pas, si tu t’en vas autant me tuer

Ne me quitte pas, ma peine sans arrêt te hanterait

Ne me quitte pas, ma vie n’est qu’un bout de papier

Entre tes mains, déchire-le avant de t’en aller

Ne me quitte pas, je t’en prie reste auprès de moi

Ne me quitte pas, laisse mon cœur te conter ses émois

Ne me quitte pas, mon cœur est comme une toile tissée

Dont chaque fil est un couplet pour toi dédié

 

Ne me quitte pas, je te supplierai jusqu’à quand

Ne me quitte pas, ne se soit pas sourde à mes implorations

Ne me quitte pas, mon cœur s’est transformé en miroir

Tu y verras l’amour et les fresques de notre histoire.

Ur yi-ttaǧǧa

Ur di-yi-ttaǧǧa, ur yi-ttḥerrim g ṣṣut-im

Ur yi-ttaǧǧa, akkw d rriḥa n lexyal-im

Ur yi-ttaǧǧa, leɛmer-iw yecba aɣanim

Ad yettarra a anida s-yehwa i ufus-im

 

Ur di-yi-ttaǧǧa, axir lemmer ad di-tenɣeḍ

Ur yi-ttaǧǧa, s anda truḥeḍ ad di-tafeḍ

Ur yi-ttaǧǧa, leɛmer-iw yecba lkaɣeḍ

Ger ifassen-im, cerreg-it uqbel ad truḍeḍ

 

Ur di-yi-ttaǧǧa, qim kan nek yidem ad nelḥu

Ur yi-ttaǧǧa, anef i wul ad am-yeḥku

Ur yi-ttaǧǧa, ul-iw yuɣal d asaru

Deg-s ad twaliḍ s kra yelklan d asefru

 

Ur di-yi-ttaǧǧa, ad kem-ttḥawateɣ ar melmi

Ur yi-ttaǧǧa, a tesseɛwuẓgeḍ acimi

Ur yi-ttaǧǧa, ul-iw yuɣal d lemri

Deg-s ad twaliḍ, s kra tekseb yakw tayri.

Kacem Madani

(*) https://editions.hedna.fr/produit/lounis-ait-menguellet-chants-dhonneur/

 

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