Le gouvernement et des élus corses sont tombés d’accord dans la nuit de lundi 11 à mardi 12 mars sur un projet d’« écriture constitutionnelle » prévoyant « la reconnaissance d’un statut d’autonomie » de l’île « au sein de la République ». Ce pas supplémentaire dans cette direction a été salué par les élus de l’île de Beauté, même si les détails de la mesure doivent encore être arrêtés.
Rattachée à la France à la fin du XVIIIe siècle, l’île méditerranéenne de Corse entretient une relation complexe avec Paris et a été traversée par des revendications autonomistes voire indépendantistes, qui ont parfois pris la forme d’actions violentes.
Le quotidien local Corse Matin s’est félicité mardi de la proposition d’une « vraie » autonomie pour l’île. « Fumée blanche place Beauvau » titre ainsi le journal en référence au surnom du ministère de l’Intérieur à Paris. Le quotidien estime que « cette fois les choses sont claires » avec une « écriture constitutionnelle » qui prévoit, selon les mots du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, « un pouvoir normatif propre à la Corse, qu’il soit législatif ou réglementaire ».
Ce pouvoir sera encadré par une loi organique définissant les champs de compétences dans lesquels il s’exercera et les conditions de son évaluation, a précisé à la presse M. Darmanin à l’issue d’une rencontre de près de cinq heures au ministère à Paris. Ce projet d’accord va désormais être transmis à l’Assemblée territoriale corse pour qu’elle le vote, a précisé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.
Ce « pouvoir normatif » était au cœur des différends entre élus corses : les nationalistes en faisaient un point incontournable, quand les élus d’opposition de droite ne souhaitaient qu’une simple adaptation des lois aux spécificités de cette île méditerranéenne de près de 350 000 habitants. Les partisans de l’autonomie sont majoritaires à l’Assemblée locale.
Beaucoup d’étapes à venir
Le président du Conseil exécutif corse Gilles Simeoni a salué cette « avancée très importante » : Je pense que cette écriture constitutionnelle acte des principes fondamentaux qui sont indispensables à une véritable autonomie : l’affirmation de cette autonomie d’abord, un pouvoir législatif ensuite. Maintenant, c’est vrai aussi que l’étendue et les modalités d’exercice – notamment de ce pouvoir législatif et ses déclinaisons dans le domaine foncier, linguistique, fiscal – relèveront de la loi organique. Donc si je devais employer une métaphore sportive, je dirais que ce soir, nous sommes en demi-finale, il reste à gagner la demi-finale et la finale. Ça fait partie du combat démocratique que nous avons à mener, nous le savions avant. En tout cas, le pas décisif qu’il fallait franchir ce soir est franchi, donc c’est une avancée très importante.
Le président du Conseil exécutif corse Gilles Simeoni a salué une «avancée très importante» vers une autonomie
« Je reste déterminé à penser que l’octroi du pouvoir législatif est un problème, mais je ne vais pas endosser le rôle du bourreau du processus », a, de son côté, réagi le chef de file de l’opposition de droite à l’assemblée de Corse Jean-Martin Mondoloni, laissant planer le doute sur son soutien au texte dans la chambre locale.
« Reste pour cette proposition d’une « vraie » autonomie à franchir le cap de la révision constitutionnelle« , conclut Corse Matin.
Car le texte accepté par les élus insulaires et le gouvernement doit encore être voté par les deux chambres du Parlement dans les mêmes termes, puis adopté par le Congrès à la majorité des trois cinquièmes. Il prévoit « la reconnaissance d’un statut d’autonomie pour la Corse au sein de la République qui tient compte de ses intérêts propres liés à son insularité méditerranéenne, à sa communauté historique, linguistique, culturelle ayant développé un lien singulier à sa terre ».
Bien avant son analyse par la Chambre haute, le chef de file des sénateurs Les Républicains Bruno Retailleau a dénoncé mardi un « pas dangereux », a-t-il écrit sur X (anciennement appelé Twitter) :
Respect du calendrier imposé par Emmanuel Macron
Le texte « respecte à la fois les lignes rouges fixées par le président de la République et moi-même, et également le temps imparti » par Emmanuel Macron, une période de six mois censée s’achever fin mars et déboucher sur un accord, a souligné le ministre.
Le chef de l’État avait évoqué fin septembre un « moment historique » en proposant d’accorder « une autonomie » à la Corse, dont les dirigeants nationalistes réclament de longue date des compétences accrues. M. Macron était venu clore à Ajaccio 18 mois de discussions lancées après une explosion de violences sur l’île en 2022, consécutives à la mort du militant indépendantiste Yvan Colonna, agressé en prison où il purgeait une peine de perpétuité pour l’assassinat en 1998 du préfet de Corse Claude Erignac.
Avec Rfi