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Vouloir tout changer est-il une illusion ?

DECRYPTAGE

Vouloir tout changer est-il une illusion ?

 

L’illusion collective n’est pas celle de vouloir changer le Système, mais surtout celle de vouloir tout changer et rapidement. A force de croire au changement radical, les Algériens ont fini, semble-t-il, par nager dans l’utopie.

Le constat vaut son pesant d’or au moment même où se précise la tournure autoritaire du régime avec cette vague d’arrestations inédites dans le corps du Hirak.

Mais les Algériens ont-ils sous-estimé le gâchis et les dégâts provoqués par des décennies de dogmatisme, de corruption et d’incurie? Regardent-ils encore, en superficie les choses, au lieu d’y aller en profondeur? Sont-ils animés par un enthousiasme excessif, au point de sombrer dans un délire révolutionnaire qui les a éloigné de la réalité? 

Et puis, qu’en est-il de la contre-révolution? S’y attendent-ils ? Le mal est profond et dépasse, paraît-il, le cadre de la  fameuse « révolution du sourire ». Si les Algériens ont fait leur mue depuis le 22 février 2019, date de la première manifestation contre le clan Bouteflika, en s’appuyant sur la force agissante d’un peuple uni, il n’en reste pas moins victimes du travail de sape du passé.

Mais pourquoi ? Parce qu’il  se trouve que ces Algériens-là n’ont pas fini de digérer les ratages des décennies de mauvaise gouvernance où l’avion « l’Algérie » est mis en mode « pilotage automatique », qu’ils sont appelés à reconstruire une nouvelle République. Or, longtemps privés d’éducation citoyenne, de culture de « société », d’économie, d’encadrement militant, d’une préparation psychologique adéquate à la transition démocratique, ces derniers voguent en vase clos dans un pays qui ressemble bien plutôt à un désert culturel à ciel ouvert qu’à un chantier d’idées, d’initiatives et de projets.

Un pays où l’opposition est déstructurée, l’élite est absente, les médias sont infestés par l’argent sale, le sens de l’intérêt public est dénaturé. Ces ingrédients de la déliquescence ont fait en sorte que le changement radical demandé au début du Hirak soit non seulement irréalisable sur le coup, mais aussi, et là on touche à l’essentiel, une vue d’esprit quasi enthousiaste des masses populaires, fatiguées par la succession d’impasses dans tous les domaines.

Ainsi, si griller les étapes et aller au galop vers l’idéal du changement radical dans un contexte régional quasi explosif, avec de surcroît la complexité des rouages d’un système vieux de plus de cinquante ans, n’est pas une mission totalement impossible, il n’en demeure pas moins porteur de gros risques de dérapage, pouvant déboucher sur le chaos.

Mais le pouvoir entend-il la réalité de cette oreille? Force est de constater que non. Et le peuple? Non plus! Car l’attente de ce dernier devient lassante et ses frustrations accumulées au fil des décennies n’ont  malheureusement trouvé de défouloir que dans la rue, devenue la tribune officielle qui sert de contre-pouvoir « factuel » substitutif à des contre-pouvoirs soit défaillants, déstructurés ou simplement servant de caisse de résonance à ce « Système » autiste auquel ils font face.

En gros, l’urgence du changement s’impose d’elle-même, mais les voies pour que celui-ci se cristallise et se concrétise sur le terrain sont, semble-t-il, obstruées. Faut-il dialoguer? Oui, bien entendu! Mais avec qui? Et puis comment? Voilà le nœud gordien de nos malheurs…

 

Auteur
Kamal Guerroua

 




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